ARMENIE : Unanime, l'Assemblée Nationale adopte une résolution pour exiger la fin de l'agression de l'Azerbaïdjan à l'encontre de l'Arménie

Assemblée Nationale - 09/12/2022 09:10:00


ARMENIE : Unanime, l'Assemblée Nationale adopte une résolution pour exiger la fin de l'agression de l'Azerbaïdjan à l'encontre de l'Arménie

Retour sur les débats et la séance de l'Assemblée Nationale du 30 novembre dernier
Mme la présidente.
L'ordre du jour appelle la discussion, en application de l'article 34-1 de la Constitution, de la proposition de résolution visant à exiger la fin de l'agression de l'Azerbaïdjan à l'encontre de l'Arménie et à établir une paix durable dans le Caucase du Sud (no 388).
Discussion générale

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Anne-Laurence Petel.

Mme Anne-Laurence Petel.

En préambule, je veux remercier, pour sa présence parmi nous dans la tribune, Mme Hasmik Tolmajian, ambassadrice de la république d'Arménie en France. (Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent longuement.)

En octobre 2020, il y a un peu plus de deux ans, dans une guerre qui a duré quarante-quatre jours, l'Azerbaïdjan a fait pleuvoir sur les Arméniens du Haut-Karabakh bombes au phosphore et bombes à sous-munitions, faisant 6 500 morts et autant de blessés, lesquels tentent désormais de se reconstruire, avec un courage et une résilience hors du commun.

Aussi, les 13 et 14 septembre derniers, lorsque le régime de Bakou a choisi de bombarder massivement le sud et le sud-est de l'Arménie, au mépris du respect de ses frontières souveraines, le Haut-Karabakh est-il apparu comme le signe avant-coureur d'une agression d'une plus grande ampleur. Aujourd'hui encore, plusieurs dizaines de kilomètres carrés du territoire souverain de l'Arménie sont occupées et des tirs et des explosions continuent de retentir quotidiennement.

Deux ans après l'annexion d'une partie du Haut-Karabakh, c'est l'Arménie elle-même qui est en danger. Il est urgent de sonner l'alerte ! « Le destin de l'Arménie ne concerne pas l'Arménie seule. Si on la considère comme une extension, une ombre projetée de l'Europe au seuil de la steppe, un éclat de nous-mêmes fiché dans l'Orient, alors c'est nous-mêmes qui sommes frappés par ses tourments. » Ces mots de l'écrivain voyageur Sylvain Tesson disent tout de notre lien à l'Arménie, notre lien en tant que Français et en tant qu'Européens. Nous partageons avec ce pays une histoire millénaire, une culture et des valeurs fondamentales : celles de la démocratie et de la liberté, celle aussi de la laïcité.

Ce lien indéfectible s'est affermi quand, durant les années qui ont suivi le génocide, l'exil a conduit les survivants en France, en particulier à Marseille, où ils ont inscrit leur empreinte et leur vie. Ce lien indéfectible s'est écrit avec le sacrifice de Missak Manouchian et de son groupe de francs-tireurs, devenus des héros de la Résistance.

Or, cent ans après le génocide arménien, l'histoire ressurgit et le peuple arménien craint de nouveau pour sa survie, face à des voisins, la Turquie et l'Azerbaïdjan, plus hostiles et puissants que jamais. Petit confetti démocratique et chrétien au coeur d'une grappe d'États autoritaires, l'Arménie est pour ses voisins expansionnistes le verrou qu'il faudrait faire tomber, pour faire aboutir un projet plus vaste, le panturquisme.
Ce projet prévoit aussi l'effacement d'un peuple et d'une culture : la destruction du patrimoine arménien en atteste. Les mots sont là, aussi clairs que violents : « Chasser les Arméniens de [leur] terre comme des chiens ! » Les crimes de guerre sont là, photographiés et célébrés par leurs auteurs : tortures, décapitations, viols, répertoriés dans le rapport du défenseur des droits de l'homme arménien.

La menace est là, quotidienne et réelle, encore ces derniers jours.

En tant que coprésidente du groupe de Minsk, la France doit pleinement jouer son rôle de médiateur. C'est le souhait de l'Arménie, mais c'est surtout le gage d'une médiation équilibrée, alors que la Russie, malgré ses 8 000 soldats présents en Arménie, a démontré son incapacité à faire respecter le cessez-le-feu de 2020.
De premiers efforts diplomatiques ont été entrepris en ce sens et nous saluons la rencontre qui a eu lieu à Prague le 6 octobre dernier, à l'initiative notamment du Président de la République. Elle a permis de réunir toutes les parties concernées. Nous sommes également satisfaits qu'un poste d'attaché militaire de défense ait été créé auprès de l'ambassade de France à Erevan et qu'une coopération s'engage.

Toutefois, il convient d'accentuer cet élan pour établir une paix durable dans le Caucase du Sud : or cela ne pourra aboutir qu'en coopération étroite avec l'Union européenne et les États-Unis. L'Union doit donner de la voix pour éviter un nouveau conflit meurtrier aux confins de notre continent. Comme la présente proposition de résolution le souligne, il faut d'abord que soit mis fin à l'occupation du territoire arménien par les troupes azerbaïdjanaises et que l'intégrité des frontières de l'Arménie soit respectée, comme son indépendance.

Nous appelons également à ce que les termes du cessez-le-feu de novembre 2020 soient honorés et à ce que les prisonniers de guerre arméniens soient libérés. Des familles attendent depuis deux ans de revoir les leurs ou d'obtenir le corps d'un proche pour l'enterrer dignement. Au-delà, il faut que la sécurité des populations arméniennes présentes dans le Haut-Karabakh soit effectivement garantie.

Par ailleurs, des témoignages et des vidéos font état d'infractions répétées au droit international humanitaire : elles sont commises par des soldats azerbaïdjanais sur des civils et des militaires arméniens, en particulier des femmes. Afin qu'une enquête internationale et indépendante puisse être conduite, nous invitons la république d'Arménie à adhérer à la Cour pénale internationale pour lutter contre l'impunité.
Si les tensions et les agressions devaient se poursuivre, il importe que l'Organisation des Nations unies réagisse et envisage le déploiement d'une force d'interposition internationale capable d'assurer la fin des hostilités dans le Caucase du Sud et la sécurité des populations civiles. (Mme Sophia Chikirou et M. Sébastien Delogu applaudissent.) Malgré les réticences russes, la France, comme ses alliés américains et britanniques, doit continuer à défendre cette option. Il y va de la stabilité de toute la région.

Eu égard à l'histoire et aux valeurs que l'Arménie et la France ont en partage, la représentation nationale doit porter haut le soutien aux Arméniens et afficher un message de paix. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR. - M. Jean-Yves Bony applaudit également.) C'est une question d'honneur ; c'est le sens de cette résolution. Aucun renoncement n'est envisageable. Les Arméniens nous regardent : il est de notre devoir d'être rassemblés et unis pour leur montrer le soutien et la mobilisation des députés français. De Erevan à Goris, de Stepanakert à Vardenis en passant par Kapan, les Arméniennes et les Arméniens comptent sur nous ! (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, Dem et HOR et sur quelques bancs du groupe LR.)


M. Sylvain Maillard.
Très bien !

Mme la présidente.

La parole est à M. Franck Allisio.

M. Franck Allisio.

Le 9 avril 1916, alors que le gouvernement des Jeunes-Turcs massacre la minorité arménienne de l'empire ottoman, perpétrant ainsi le premier génocide du XXe siècle, Anatole France tient un discours à la Sorbonne. Il prononce alors ces mots : « L'Arménie expire. Mais elle renaîtra. Le peu de sang qui lui reste est un sang précieux dont sortira une postérité héroïque. Un peuple qui ne veut pas mourir ne meurt pas. » C'était il y a 106 ans et pourtant ces mots résonnent encore dans notre assemblée.

Il y a deux ans, l'Azerbaïdjan, aidé et même piloté par la Turquie, a lancé une offensive contre le Haut-Karabakh. Violant toutes les conventions internationales, le régime d'IIham Aliyev a conquis une grande partie de ce territoire historiquement peuplé d'Arméniens. Depuis, malgré un accord de cessez-le-feu, l'Azerbaïdjan a plusieurs fois violé les frontières internationalement reconnues de la république d'Arménie : en mai et en novembre 2021, ainsi que les 13 et 14 septembre derniers. Pendant deux jours, les forces armées azerbaïdjanaises ont bombardé sans relâche de nombreuses localités arméniennes, visant des infrastructures civiles comme des écoles et des zones résidentielles.

Désormais, près de 50 kilomètres carrés du territoire souverain de l'Arménie se trouvent sous occupation azerbaïdjanaise. Plus que jamais, l'Arménie est menacée dans son existence même. Si nous en sommes arrivés là, c'est aussi en raison du silence assourdissant de la communauté internationale, en particulier de l'Union européenne : or c'est précisément ce que vous oubliez de rappeler dans votre proposition résolution.
N'oublions pas que l'Union européenne a toujours mis sur le même plan l'Azerbaïdjan et l'Arménie, l'agresseur et l'agressé. Elle n'a jamais eu le courage de se dresser face aux provocations du président Erdogan. Souvenez-vous, chers collègues, que Mme von der Leyen était à Bakou il y a quelques mois pour négocier de nombreux contrats d'importation de gaz, allant jusqu'à qualifier M. Aliyev de « partenaire fiable » : des milliards d'euros pour remplacer le gaz russe, des milliards qui, non seulement, n'ont pas arrêté la guerre en Ukraine, mais qui ont encouragé l'Azerbaïdjan à agresser l'Arménie. Comment sanctionner - à juste titre - Vladimir Poutine d'un côté et encenser Ilham Aliyev de l'autre ? Comment condamner - à juste titre - l'autoritarisme et l'emploi de la force d'une part, et les encourager d'autre part ? C'est cette hypocrisie que le peuple arménien ne supporte plus.


Le peuple arménien, que nos dirigeants - de Nicolas Sarkozy à Emmanuel Macron - ont toujours qualifié de « nation soeur », attend désormais autre chose que de simples déclarations. Le temps est à l'action et à des mesures fortes pour apporter une aide concrète à l'Arménie. Le pétrole et le gaz azerbaïdjanais auraient-ils une meilleure odeur que le pétrole et le gaz russes ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RN.) Quand on observe les réactions des uns et des autres, on est en droit de se poser la question.
Votre résolution omet également de rappeler le rôle central de la Turquie et du président Erdo?an dans ce conflit. Rappelons-nous qu'en 2020, l'attaque azerbaïdjanaise sur le Haut-Karabakh avait été précédée d'importantes livraisons d'armes turques. Rappelons-nous aussi que la Turquie avait organisé le transfert de djihadistes de Syrie vers le Haut-Karabakh pour soutenir cette agression. Ne nous y trompons pas : Ilham Aliyev n'agit pas seul. S'il se montre si vindicatif, c'est qu'il sait pouvoir compter sur le soutien inconditionnel de celui qu'il aime appeler son frère : Recep Tayyip Erdo?an. Là aussi, il est urgent de prendre des mesures fortes pour arrêter les visées expansionnistes de la Turquie.


Malgré tous les non-dits de cette proposition de résolution, nous voterons en sa faveur, pour affirmer une nouvelle fois notre attachement à l'Arménie et notre volonté d'une paix durable, qui ne peut s'établir que dans la vérité. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)

M. Laurent Jacobelli.

Bravo !


Mme la présidente.

La parole est à M. Sébastien Delogu.

M. Sébastien Delogu.


Une nouvelle crise se cristallise à la frontière entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. C'est cette fois la souveraineté territoriale même de l'Arménie qui fait l'objet des agressions impérialistes de son voisin, dont la présence militaire gagne impunément du terrain depuis dix-huit mois. Les 13 et 14 septembre derniers, des attaques armées azerbaïdjanaises ont endeuillé la région frontalière, faisant plus de 200 morts, 300 disparus et des centaines de blessés. À la suite de ces attaques, 7 000 personnes, dont 1 400 enfants, ont été déplacées.

Avez-vous déjà foulé et vu de vos propres yeux le sol d'un territoire démoli par la guerre ? Pour moi, sur la terre de mes ancêtres, c'était la première fois. J'ai vu les maisons détruites, soufflées par les obus, dans des villes fantômes que leurs habitants ont désertées sous la contrainte, la peur au ventre, marqués à jamais par le trauma de la guerre.

À Sotk, tout près de la frontière, d'où on entendait encore au loin les tirs d'armes lourdes, le maire m'a raconté combien le rapport de force est disproportionné s'agissant des moyens militaires, face aux drones azerbaïdjanais lanceurs d'obus, qui propagent dans l'air un acide qui ronge tout. À Vardenis, j'ai rencontré une petite fille qui m'a immédiatement fait penser à la mienne. J'ai rencontré ses parents et sa grand-mère, qui est un sosie de ma propre grand-mère, elle aussi arménienne et elle aussi issue de la guerre génocidaire. Ces rencontres avec les oubliés de la guerre, les non officiels, tous ces civils aux vies brisées, les véritables sacrifiés d'une guerre d'agression, sont celles qui m'ont le plus marqué. Je n'oublierai jamais leurs noms, leurs visages et leurs voix que personne, ou presque, n'écoute.
(Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs des groupes RE, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)
J'ai aussi pu entendre des voix qui portent un peu plus : celles de défenseurs des droits de l'homme, de colonels, d'élus, d'associations. Leur travail, accompli sans relâche dans des conditions inimaginables, donne à voir ce que personne ne veut voir, à savoir le décompte insoutenable des violations commises par l'Azerbaïdjan : les captures de prisonniers, les enlèvements, les mutilations, les viols, les décapitations et les assassinats. C'est grâce à eux que j'ai compris aussi la dimension psychologique d'une guerre inégale qui brise tout espoir de résistance.

Des ONG ont officiellement identifié les exactions commises par les soldats azerbaïdjanais comme des crimes de guerre, lesquels s'inscrivent dans un macabre historique d'actes de barbarie qui ensanglante les trois dernières décennies. À ce jour, aucune enquête internationale indépendante n'a été menée sur ces crimes de guerre ; il y a urgence. Les Arméniens se sentent oubliés et abandonnés : je peux témoigner qu'ils le sont. Cette impuissance générale laisse l'Arménie devenir le jouet des caprices impérialistes des autocraties voisines et réactive le souvenir vivace du génocide de 1915.


Le Gouvernement se doit d'afficher une indignation non moins grande que concernant les crimes de guerre constatés en Ukraine, sous peine d'être légitimement soupçonné de partialité ou d'appliquer deux poids, deux mesures. Tout récemment - la semaine dernière ! - a enfin eu lieu un revirement historique. Le pouvoir de Vladimir Poutine a été solennellement désavoué par l'Arménie lors du sommet de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) à Erevan. Pour nous, le moment n'a jamais été plus propice à agir.
Pour la France, l'une des données complexes de ce conflit est l'épineuse question énergétique. L'invasion de l'Ukraine a poussé l'Union européenne à se tourner vers le gaz azerbaïdjanais. Or, depuis plus de trente ans, c'est précisément la rente énergétique du clan Aliyev qui finance son armée et concrétise les discours arménophobes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES.) Il est temps, par cette résolution, d'encourager le Gouvernement à tout entreprendre pour renverser ce rapport commercial.

Le Gouvernement doit condamner cette agression intolérable qui menace concrètement tout un peuple, une ethnie, une communauté, une histoire et un patrimoine millénaire, de disparition silencieuse.

M. Sylvain Maillard.

Il l'a fait !

M. Sébastien Delogu.


Ce proverbe arménien semble nous être adressé : « Mieux vaut ne pas avoir d'argent que de ne pas avoir d'âme ». (Les députés du groupe LFI-NUPES se lèvent et applaudissent, ainsi que Mme Sandrine Rousseau et M. Pierre Dharréville. - Applaudissements sur les bancs des groupes Écolo-NUPES et GDR-NUPES, ainsi que sur quelques bancs des groupes RE et Dem.)

Mme la présidente.

La parole est à Mme Alexandra Martin.

Mme Alexandra Martin.

« Je n'ai pas tant eu peur pour ma vie qu'à l'idée de ne jamais revoir mes parents ni mon frère » : ce sont les paroles glaçantes d'une jeune femme arménienne au lendemain des attaques des l2 et 13 septembre derniers à Sotk, village situé à l'intérieur de la république d'Arménie, à 10 kilomètres de la frontière avec l'Azerbaïdjan. Ce fut le premier acte d'une agression massive par l'Azerbaïdjan en territoire souverain de la république démocratique d'Arménie depuis la signature en 2020 du cessez-le-feu mettant fin à la guerre des Quarante-quatre Jours au Haut-Karabakh.

Déjà, en 2020, dans la région autonome enclavée du Haut-Karabakh, les Arméniens, majoritaires à 95 %, avaient été victimes d'une agression féroce de l'Azerbaïdjan, soutenu par la Turquie. Cette agression, disproportionnée en nombre d'hommes et en matériel, avait été menée au mépris du droit international.
Depuis ces terribles jours de septembre dernier, la barbarie s'est de nouveau installée en terre arménienne : au Haut-Karabakh, encore, et maintenant à l'intérieur des frontières souveraines de la république d'Arménie. Les violations du cessez-le-feu sont, depuis, quotidiennes. Aux violences militaires s'ajoutent des actes de cruauté, sur les hommes comme sur les femmes, militaires ou civils, ainsi que des violences psychologiques visant à intimider et à déstabiliser les populations arméniennes, en diffusant par exemple, au moyen de haut-parleurs placés à la frontière, des messages de haine et des menaces, aux cris d' Allahou akbar , sans oublier la présence volontairement visible et provocante de soldats azerbaïdjanais.


Depuis 2020, ce sont des milliers de morts militaires et civils, des centaines de prisonniers détenus dans des conditions d'humiliation contraires au droit international de la guerre et des milliers de déplacés que nous devons déplorer en république d'Arménie et dans la région du Haut-Karabakh - oui, mes chers collègues, que nous devons déplorer : ils sont nos morts, nos déplacés, nos prisonniers. (Mme Justine Gruet et M. Maxime Minot applaudissent.)

L'Arménie est le berceau de notre civilisation judéo-chrétienne.

M. Thibault Bazin.

C'est vrai !

Mme Alexandra Martin.


L'alliance turco-azerbaïdjanaise et ses mercenaires djihadistes veulent en effacer les traces, notamment dans le Haut-Karabakh où le patrimoine ancestral arménien est volontairement détruit depuis deux ans et où les Arméniens doivent être protégés par des policiers pour se rendre dans leurs églises - lorsqu'ils le peuvent. L'Arménie est la première nation à avoir adopté le christianisme. Bastion de l'Occident dans le Caucase du Sud, elle est plus que jamais menacée d'anéantissement historique, géographique et culturel.
C'est bien l'Europe qui est menacée par ce conflit qui s'inscrit dans une stratégie globale impérialiste ottomane dans cette zone du monde aux enjeux géopolitiques majeurs. Ce sont également la démocratie, nos valeurs et le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes qui sont mis à mal, comme en Ukraine.

M. Thibault Bazin.

Elle a raison !

Mme Alexandra Martin.

Et pourtant ! Pour quelle raison la cause arménienne ne mobilise-t-elle pas autant que la légitime cause ukrainienne ?

Mme Émilie Bonnivard.


Excellent !

Mme Alexandra Martin.


Pour quelle raison les communautés européenne et internationale, ainsi que la France, ont-elles mis autant de temps à dénoncer ces agressions et à envoyer une mission d'observation, dont nous attendons d'ailleurs les premiers résultats ?
À ce moment précis, je pense à tous nos amis arméniens qui sont aujourd'hui meurtris et qui attendent un engagement fort de la France. Notre pays a une grande tradition d'amitié, de culture et de fraternité avec l'Arménie. Nous sommes le premier grand pays à avoir reconnu le génocide des Arméniens sous la présidence de Jacques Chirac. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem. - MM. Moetai Brotherson et Jean-Philippe Tanguy applaudissent également.)

M. Thibault Bazin.


C'est tout à notre honneur ! C'est bien de le rappeler !


Mme Alexandra Martin.


Je pense aussi aux 500 000 citoyens français d'origine arménienne, descendants des rescapés du génocide de 1915, une des plus importantes communautés dans le monde. Nous ne pouvons, une fois encore, nous satisfaire de dénoncer : nous devons agir. Des sanctions fermes et fortes doivent être prononcées à l'égard des dirigeants azerbaïdjanais, afin de les empêcher de poursuivre leur funeste voeu d'anéantissement des Arméniens et de l'Arménie. Aujourd'hui, il n'est plus envisageable que l'Europe finance indirectement l'agresseur azerbaïdjanais en doublant ses importations de gaz.

Alors, bien entendu, les députés du groupe Les Républicains soutiendront et voteront en faveur de cette résolution. Ils demandent solennellement que l'ONU soit saisie, afin d'envoyer une force d'interposition qui permettra de poursuivre des pourparlers solides en vue d'établir une paix durable entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan et de rétablir les frontières souveraines de la République démocratique d'Arménie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs des groupes RE, Dem et HOR.)


M. Maxime Minot et Mme Émilie Bonnivard.


Bravo !
Mme la présidente.

La parole est à M. Emmanuel Mandon.

M. Emmanuel Mandon.


En déposant cette proposition de résolution, nous manifestons notre volonté de contribuer au règlement pacifique d'un conflit terriblement meurtrier qui dure, hélas, depuis trop longtemps. Je salue les interventions des orateurs qui m'ont précédé à la tribune.

Nous, parlementaires français, sommes viscéralement attachés aux valeurs qui fondent le droit international et permettent d'édifier une société des nations respectueuse du droit des peuples. Cette guerre lointaine, passée sous silence, met en lumière une situation très préoccupante. Nous défendons le principe d'autodétermination des peuples et nous condamnons fermement les agressions meurtrières lancées par l'Azerbaïdjan, cet État qui n'a jamais respecté les accords de cessez-le-feu qu'il a pourtant signés en 1994 et en 2020. Et c'est bien lui qui a déclenché, en Artsakh, la guerre des Quatre Jours en 2016, la guerre des Quarante-quatre Jours en 2020 et, encore, les attaques meurtrières des 13 et 14 septembre 2022, cette fois dirigées contre des villes et villages d'Arménie.

Paix trompeuse nuit plus que guerre ouverte, dit-on. Nous le savons, la seule issue est une paix juste et durable, dont les protagonistes seront les acteurs. Elle doit absolument se construire dans l'acceptation de l'autre.
La culture arménienne est l'une des plus anciennes au monde, et le Haut-Karabakh, l'un des berceaux de l'humanité. La société azerbaïdjanaise est, historiquement, fondée sur le dialogue des cultures, même si la laïcité y est en net recul. Nous respectons l'identité de chaque peuple, de chaque minorité et particulièrement celle des Arméniens qui, de par leur histoire, ont eu à subir des persécutions. Mais comment faire respecter le droit par des États qui ne le reconnaissent pas et qui, de surcroît, détiennent l'arme du gaz ?

Face à la realpolitik, au jeu d'influence des grands acteurs de la région et à une oligarchie qui s'est approprié les richesses de l'Azerbaïdjan, nous ne sommes pas naïfs. Il est indéniable que l'influence de la Russie pèsera encore longtemps sur la région du Caucase du Sud : ainsi, la guerre en Ukraine et la crise énergétique ont donné l'occasion à l'Azerbaïdjan de rouvrir les hostilités. L'Azerbaïdjan menace aujourd'hui gravement la sécurité des populations de l'Arménie et de l'Artsakh. La question du statut de cette petite république autoproclamée est posée, tout comme le respect de la souveraineté territoriale et de l'indépendance de la république d'Arménie.


L'Europe doit donc s'affirmer comme un médiateur, et la France, plus encore, en tant qu'amie - s'il en est - de l'Arménie, a le devoir d'agir en puissance garante de sa souveraineté. Du reste, elle s'est efforcée de le faire, dans le cadre du groupe de Minsk. Il faut saluer l'initiative du Président de la République en ce sens qui, à Prague, au mois d'octobre dernier, a réussi à réunir le président de la République Aliyev, le premier ministre Pachinian, et le président du Conseil européen Michel. Le déploiement par l'Union européenne d'une mission d'observation du côté arménien de la frontière internationale avec l'Azerbaïdjan est une première étape. Nous souhaitons que cette mission puisse être prolongée.

Celle-ci ne nous dispense pas, aux côtés de l'Union européenne, de montrer notre pleine détermination à obtenir le rétablissement d'une paix juste et durable et de la sécurité pour les peuples de cette région, sous l'égide de l'ONU. Mais des sanctions contre les criminels, et pas seulement contre les auteurs des crimes commis sur les théâtres d'opérations, devront être prises. S'il appartient à une enquête internationale et indépendante d'établir les faits, des sanctions économiques et financières s'imposent.

Enfin, nous appelons de nos voeux la libération et rapatriement immédiat des prisonniers de guerre arméniens.
L'Assemblée nationale s'est toujours tenue aux côtés de l'Arménie pour exprimer sa solidarité et promouvoir une solution diplomatique à ce conflit : en témoignent les différentes résolutions adoptées au fil des législatures. En cet instant, permettez-moi d'évoquer l'action de notre ancien collègue, mon ami François Rochebloine, qui a été rapporteur de la loi du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et RE.)

M. Joël Giraud.


Très bien !

M. Sylvain Maillard.


C'est vrai, bravo !
M. Emmanuel Mandon.


Cette fois encore, en votant cette proposition de résolution, le groupe Démocrate est au rendez-vous. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem, RE et HOR. - Mme Emmanuelle Anthoine applaudit également.)

M. Bruno Millienne.

Très bien !

Mme la présidente.

La parole est à Mme Isabelle Santiago.


Mme Isabelle Santiago.


Je tiens à commencer mon intervention en exprimant ma profonde et sincère amitié au peuple arménien.
Le 27 septembre 2020, l'Azerbaïdjan a rompu le cessez-le-feu avec l'Arménie qui prévalait depuis 1994, en attaquant le territoire du Haut-Karabakh, territoire ancestral du peuple arménien. Lors de cette opération, l'Azerbaïdjan a bénéficié du soutien matériel et militaire de la Turquie. Cette guerre des Quarante-quatre Jours a fait plus de 6 500 morts, dont plus de 4 000 Arméniens, pour partie des jeunes de 18 à 20 ans. C'est aussi compter sans les nombreux prisonniers dont nous réclamons la libération.

Le 9 novembre 2020, après ce conflit des Quarante-quatre Jours, un cessez-le-feu a été conclu sous la forme d'une déclaration trilatérale, sous l'égide de la Russie qui s'était instituée médiatrice. Une force d'interposition russe de plusieurs milliers de soldats était censée le faire respecter. Depuis, les Azerbaïdjanais n'ont de cesse de mener de nombreuses attaques et de commettre de nombreuses exactions sur le terrain. La population et les villages arméniens font l'objet de harcèlements presque quotidiens, voire d'attaques meurtrières. Le gazoduc qui alimente les habitants de l'Artzakh depuis l'Arménie a été endommagé au mois de mars 2022, plongeant dans le froid une population déjà soumise à des conditions de vie d'une grande dureté.

Les 13 et 14 septembre derniers, un pas supplémentaire a été franchi avec l'offensive militaire de l'Azerbaïdjan contre le territoire de la république d'Arménie, qui a causé la mort de plus de 200 personnes. Une nouvelle fois, l'Azerbaïdjan a agressé l'Arménie. Je salue le fait que notre assemblée puisse dénoncer avec vigueur la reprise des hostilités et que nous puissions collectivement exprimer notre totale solidarité avec le peuple arménien.

Ce pays est une démocratie menacée dans une région où existent de multiples conflits gelés, dans un contexte historique de reprise de guerre hybride et de haute intensité dans le monde. Le cessez-le-feu de 2020 n'aura finalement été qu'une pause dans ce conflit : il s'est, hélas, traduit sur le terrain par une suite ininterrompue d'incidents et de drames humains.
À plusieurs reprises, je me suis rendue en Arménie et au Haut-Karabakh, notamment au mois de décembre 2020 avec Olivier Faure, pour constater non seulement les conséquences de cette guerre, mais aussi et surtout le courage et la résilience du peuple arménien si durement éprouvé.

Au mois de novembre de la même année, les sénateurs et, au mois de décembre, les députés de tous bords, ont respectivement voté une résolution pour affirmer haut et fort notre soutien à la protection du peuple arménien. Notre détermination n'a pas changé. Je le dis solennellement : notre assemblée doit appeler à une reconnaissance des frontières d'avant le 27 septembre 2020. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et RE.)

M. Sylvain Maillard.

Bravo !

Mme Isabelle Santiago.


Une médiation internationale, qui irait au-delà des puissances régionales influentes de la région que sont la Russie et la Turquie, doit être instaurée. Elle constitue la seule voie opportune. Il est impératif de constituer une force internationale de maintien de la paix sous l'égide de l'ONU et de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).

La proposition de résolution demande le retrait immédiat et définitif des forces armées azerbaïdjanaises du territoire internationalement reconnu de l'Arménie. J'appelle le Gouvernement à tirer toutes les conséquences de la violation de la souveraineté de l'Arménie, en prenant des sanctions économiques, ainsi qu'en soutenant l'ouverture d'une enquête - dont nous n'avons pas de nouvelles - par la Cour pénale internationale sur les crimes de guerre qui sont connus et référencés. (Mme Astrid Panosyan-Bouvet applaudit.) Je demande au Gouvernement non seulement d'apporter à l'Arménie une aide humanitaire, mais aussi de lui fournir l'aide militaire dont elle a besoin, dont des drones de surveillance et de défense stratégique.

Dans ce conflit, il y a un agresseur et un agressé. Des sanctions s'imposent donc et la France, avec l'Europe, doit prendre des mesures. Avec mes collègues du groupe Socialistes et apparentés, nous voterons donc cette proposition de résolution qui mérite que nous soyons tous rassemblés aux côtés du peuple arménien qui souffre tant. À cette même tribune, le 3 novembre 1896, Jean Jaurès dénonçait le prélude du génocide des Arméniens. Alors, entrons dans les pas de l'histoire et soutenons avec force cette proposition de résolution pour dire haut et fort notre soutien indéfectible au peuple et à nos amis arméniens. Ils savent qu'ils peuvent compter sur moi à leurs côtés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe RE. - Mme Josiane Corneloup applaudit également.)

M. Thomas Rudigoz.

Et sur nous !

Mme la présidente.


La parole est à M. Christophe Plassard.

M. Christophe Plassard.


Le 9 novembre 2020, un accord de cessez-le-feu conclu entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie, en présence de la fédération de Russie, mettait fin à une guerre de quarante-quatre jours au Haut-Karabakh. Le cessez-le-feu n'aura duré que deux ans. Les 13 et 14 septembre derniers, en seulement deux jours, l'Azerbaïdjan a renié l'ensemble de ses engagements et violé les frontières de la république d'Arménie. En seulement deux jours, des bombardements ont touché plus de trente villes et villages arméniens. En seulement deux jours, l'armée azerbaïdjanaise a envahi près de 50 kilomètres carrés du territoire arménien qu'elle occupe encore aujourd'hui.

La guerre est revenue dans le Caucase du Sud. Alors qu'il est trop tard pour l'empêcher, il est encore temps de l'arrêter. Il faut redoubler d'efforts pour parvenir à un accord de paix durable entre les deux nations - un accord de paix, d'abord, par l'arrêt définitif des combats. Nous appelons à la fin des hostilités. La France doit continuer d'agir avec ses partenaires au sein du Conseil de sécurité des Nations unies pour le déploiement de casque bleus dans la région. Nous appelons l'armée azerbaïdjanaise à libérer les territoires occupés depuis le mois de septembre. La souveraineté territoriale de l'Arménie ne saurait être une nouvelle fois menacée.


L'accord de paix devra, ensuite, préserver durablement les frontières. Sur ce sujet, le dialogue a été rétabli sous l'impulsion du Président de la République, lors de la première réunion de la Communauté politique européenne (CPE). Les députés du groupe Horizons et apparentés ont déjà salué dans cet hémicycle le succès de cette rencontre historique. Elle a permis le déploiement d'une mission civile de l'Union européenne qui contribue à la stabilisation sur le terrain et à la délimitation des frontières.


L'accord de paix devra, enfin, permettre à l'Arménie d'obtenir les réparations nécessaires. L'Azerbaïdjan porte une lourde responsabilité dans ce conflit : celle d'avoir transgressé ses engagements par l'occupation militaire de territoires arméniens ; celle d'avoir autorisé que des exactions - tortures, viols, exécutions - soient commises contre des prisonniers de guerre. Les responsables de ces crimes de guerre doivent être punis. Aussi appelons-nous l'Arménie à adhérer à la Cour pénale internationale.

La France, patrie des droits de l'homme, ne peut rester indifférente à la souffrance d'un peuple ami. L'accord de paix que nous appelons de nos voeux doit garantir les conditions d'existence de l'Arménie. Il doit aussi garantir la subsistance des populations et la conservation du patrimoine culturel et religieux arménien sans cesse menacé dans le Haut-Karabakh.


Oui, un accord de paix est nécessaire car, au-delà de la stabilité de la région, c'est la sécurité de toute l'Europe qui est en jeu. Rappelons-le : l'Arménie est un pays enclavé, un îlot de démocratie dans une région de plus en plus instable. À l'ouest, la Turquie : avec l'Azerbaïdjan, les Turcs nient l'existence même du génocide arménien de 1915. L'invasion de l'Arménie comme l'invasion de l'Ukraine manifestent la volonté de puissance d'États autoritaires, aux portes de l'Europe. Au nord, la Russie : pendant trop longtemps, nous avons laissé la sécurité d'Erevan entre les mains de Moscou. La Russie s'était, en 2020, portée garante du cessez-le-feu pour mettre fin à la guerre au Haut-Karabakh. Or que fait la Russie aujourd'hui ? Comment, face à une agression sur son territoire, l'Arménie pourrait-elle encore accepter la médiation d'un État ayant, de manière éhontée, remis en cause l'intégrité territoriale et la souveraineté de l'Ukraine ? La Russie n'est plus un partenaire crédible.
Face au désengagement de Vladimir Poutine, la France, l'Union européenne et leurs alliés doivent maintenant prendre toute leur part dans la préservation de la sécurité dans la région. C'est donc un message fort que l'Assemblée doit envoyer aujourd'hui. Ce que dit cette proposition de résolution, c'est la constance de nos engagements. Dans le combat pour la défense des valeurs universelles, protectrices des libertés et des droits fondamentaux, nous n'oublierons personne. Nous nous engageons à préserver la paix dans le Caucase du Sud. En conséquence, le groupe Horizons et apparentés votera cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem et sur quelques bancs du groupe SOC.)

Mme la présidente.

La parole est à M. Aurélien Taché.

M. Aurélien Taché.


La présente proposition de résolution fait suite à l'offensive militaire lancée sur le territoire arménien, qui a déjà fait plus de 200 morts. Cette attaque azerbaïdjanaise doit être condamnée avec force. Je tiens à assurer le peuple arménien de l'entier soutien du groupe Écologiste-NUPES. La souveraineté de l'Arménie doit à tout prix être préservée. Cette nouvelle flambée meurtrière survient alors que la Russie, médiatrice traditionnelle, a démontré son incapacité totale à oeuvrer pour la stabilité de la région : elle a au contraire largement contribué à son déséquilibre et a favorisé l'opportunité pour le régime d'Aliyev de lancer une nouvelle attaque.

Notre objectif, le seul, doit être la paix. En ce sens, il faut encourager la poursuite des discussions afin d'assurer l'efficacité du cessez-le-feu et de favoriser la construction d'une paix durable dans le Haut-Karabakh. En ce sens, une série de pourparlers entre les dirigeants azerbaïdjanais et arméniens se sont tenus sous l'égide du président du Conseil européen Charles Michel. Les réunions de Prague, auxquelles a participé le président Emmanuel Macron, ont entrouvert la perspective de la paix, avec une ouverture des deux pays pour la reconnaissance mutuelle de leurs territoires.

En parallèle, Vladimir Poutine a récemment opéré une tentative de volte-face en se rendant la semaine dernière à Erevan pour le sommet annuel de l'OTSC. Cette alliance politico-militaire, qui réunit autour de la Russie cinq anciennes républiques socialistes soviétiques - outre l'Arménie -, est censée permettre au président russe de réaffirmer son rôle d'arbitre local. Toutefois, l'ensemble des membres de cette organisation sont critiques envers la tentative d'invasion de l'Ukraine et doutent de la capacité de Moscou à conduire de réelles opérations. La pensée globale est résumée par le président du Kazakhstan, selon qui la Russie est devenue une puissance déstabilisatrice et néfaste pour l'équilibre régional et mondial.

Rappelons-le ici : de très nombreux Russes sont hostiles à la guerre menée en Ukraine par leur dirigeant. C'est notamment le cas d'une grande partie de la communauté russe en Arménie. Alors que Vladimir Poutine maintient à l'heure actuelle encore 2 000 hommes au Karabakh, protégeant notamment le très convoité couloir de Latchine, l'Union européenne a obtenu qu'une mission d'observation se rende dans la zone de conflit.

Alors que le président russe a tenté de récupérer son appui dans le Caucase, l'émergence d'un nouveau leadership est nécessaire pour que l'Occident ne laisse pas la Russie transformer cette région du monde en son arrière-cour. La France et l'Europe doivent conserver une influence tant au sein du camp occidental que vis-à-vis de voisins tels que la Turquie.


L'Azerbaïdjan et la Turquie profitent de cette instabilité. Bakou a, dès le début du conflit russo-ukrainien, proposé de compenser la rupture d'approvisionnement en gaz russe en augmentant ses exportations vers l'Union européenne. Celle-ci a cédé en signant un accord allant en ce sens. Cet accord, qui ne fait que transférer notre dépendance aux hydrocarbures d'un pays autoritaire vers un autre, doit être fermement condamné.

Il est désormais nécessaire que les Nations unies jouent pleinement leur rôle diplomatique. Il faut par conséquent dépasser le cadre de Minsk, obsolète, et trouver un consensus au sein de l'ONU pour faire voter une résolution dont les termes permettront aux deux parties de sceller un accord durable. Tout effort que la France entreprendra en ce sens sera à saluer, car il permettra de mettre un terme à ce conflit qui dure depuis bien trop longtemps et qui a coûté bien trop de vies humaines. C'est pourquoi les députés du groupe Écologiste-NUPES voteront la proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe Écolo-NUPES et sur quelques bancs du groupe SOC. - Mme Anne-Laurence Petel applaudit également.)
Mme la présidente.


La parole est à M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville.


L'Arménie, le peuple arménien, la culture arménienne ont déjà failli disparaître au cours de l'histoire. Leur existence est contestée jusque dans le refus de reconnaître cette histoire tragique - je pense au génocide arménien. La faiblesse inquiétante des institutions internationales, l'insuffisance des volontés de règlement pacifique des conflits, l'indigence des réactions des États sont directement en cause dans la persistance des tensions. Nous connaissons pourtant la brutalité des nationalismes qui continuent de sévir dans la région.

En 2020, le monde de l'arménité a subi une agression guerrière, meurtrière, de la part de l'Azerbaïdjan dans l'enclave du Haut-Karabakh, constituée en République d'Artsakh depuis 1991. Depuis lors, dans les territoires conquis, c'est une opération d'effacement culturel et de nettoyage ethnique qui est à l'oeuvre et les velléités nationalistes ne s'arrêtent pas là.

Nul ne peut nier que ce territoire du Caucase est habité par des populations arméniennes. Celle de l'Artsakh a manifesté par deux référendums son désir de vivre libre et en paix. La France doit appeler à engager les processus de reconnaissance prévus par le droit international pour protéger et apaiser.

Elle est d'autant plus fondée à le faire qu'elle appartient au groupe de Minsk, créé voilà trente ans maintenant pour créer les conditions d'une résolution pacifique et négociée. L'absence de cadre international ajusté à la réalité du pays fragilise l'ensemble de la région. Et il faudrait peut-être que l'ONU elle-même étudie l'opportunité d'une interposition.

À l'instar de celles de Robert Guédiguian et Simon Abkarian, des voix s'élèvent pour alerter sur la menace de disparition et sur l'ignorance qui entoure la cause arménienne. Selon le réalisateur du Voyage en Arménie , d' Une histoire de fou et de L'Armée du crime , « l'espèce arménienne a survécu à de multiples catastrophes. Pour cela elle a dû se disperser et renoncer à ses terres ancestrales. Il ne lui reste que l'Arménie du Caucase et le Karabakh au milieu de l'Azerbaïdjan... » Il compare l'Arménie à un enfant seul dans la cour de récréation.


Loin des feux médiatiques, les agressions se font de plus en plus menaçantes, dans le contexte d'une volonté de domination étendue du gouvernement turc sur la région, dont le gouvernement de l'Azerbaïdjan est l'une des pièces. Le rôle de la Russie, quant à lui, est trouble.

Aussi l'Arménie doit-elle être protégée de multiples velléités d'asservissement. Mais les intérêts en question dépassent le simple cadre d'un conflit régional. L'Europe achète aujourd'hui du gaz azerbaïdjanais et enrichit par conséquent ce régime autocratique, comme si le gaz d'Azerbaïdjan, qui envahit l'Arménie, était plus acceptable que celui de la Russie, qui envahit l'Ukraine.


M. Olivier Faure.

Exactement !

M. Pierre Dharréville.

L'hypocrisie est un poison pour notre parole internationale.
M. Olivier Faure.


Absolument !
M. Pierre Dharréville.


Parmi les intérêts en jeu, on ne saurait éluder ceux liés au commerce des armes. La Russie, Israël et la France vendent des armes à l'Azerbaïdjan. Notre pays caracole depuis plusieurs années en tête des vendeurs d'armes du monde. Pour être si haut dans ce terrible classement, sommes-nous bien regardants sur nos clients et sur l'usage des armes ? En 2019, la France a vendu pour 150 millions d'euros d'armes à l'Azerbaïdjan, alors même qu'existe un embargo sur les ventes d'armes à ce pays ainsi qu'à l'Arménie depuis l'entrée en vigueur en 1993 de la résolution 853 du Conseil de sécurité des Nations unies. Si nous ne dénonçons pas ces ventes d'armes, alors les larmes que nous versons risquent bien d'être des larmes de crocodile.

(Applaudissements sur les bancs du groupe GDR-NUPES et sur de nombreux bancs du groupe SOC. - Mme Astrid Panosyan-Bouvet et M. Jérémie Iordanoff applaudissent également.)

Entendez ce qu'il y a de colère contenue dans ma voix. On ne peut pas, d'une part, contribuer à financer le régime de Bakou en lui achetant du gaz, lui vendre des armes, et, d'autre part, pleurer le sort des Arméniens.

M. Olivier Faure.

Très juste !

M. Pierre Dharréville.


Faut-il se prêter à ce double jeu ? Je pose ici cette question afin qu'elle soit publique. Et j'affirme que malgré cela nous voterons cette proposition de résolution. Les souffrances du peuple arménien et les horreurs de la guerre nous obligent à nous hisser à la hauteur des enjeux, à affirmer à tout moment notre totale solidarité avec ceux qui meurent et qui souffrent, à pousser en chaque occasion la France à prendre une position forte et si possible cohérente.

Je l'avais déjà dit le 3 décembre 2020 à l'occasion d'une proposition de résolution pour la protection du peuple arménien : « La guerre ne résout rien, elle n'est qu'une défaite du dialogue, de la politique, de l'humanité. » Nous sommes comptables de ce que nous faisons ou ne faisons pas pour écarter son spectre.

À l'époque, on nous avait opposé l'exigence de neutralité. Or cette neutralité ne règle rien et encourage les velléités bellicistes. La proposition de résolution a donc le mérite d'envoyer un signal qui n'est pas neutre. Nous disons avec force que nous voulons le respect du peuple arménien, que nous tenons son apport à l'humanité comme aussi essentiel que celui des autres, que nous voulons la liberté, le droit pour le peuple arménien, la paix pour les peuples d'Arménie, d'Azerbaïdjan, de Turquie, pour les peuples d'Ukraine, de Russie.

Pour les peuples du monde entier, nous voulons la paix. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR-NUPES, LFI-NUPES, SOC et Écolo-NUPES et sur plusieurs bancs des groupes RE, LR et Dem.)


Mme la présidente.

La parole est à M. Michel Castellani.

M. Michel Castellani.


En septembre, alors que nos yeux étaient rivés depuis plusieurs mois sur l'Ukraine, de nouveaux incidents meurtriers ont touché un autre pays à la frontière de l'Europe. Personne ne peut être indifférent au drame qui frappe l'Arménie : déjà des centaines de soldats morts au combat, déjà des milliers de civils déplacés et des citoyens qui vivent dans la peur.

Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires rejoint donc pleinement les objectifs de la présente proposition de résolution qui s'attache à la recherche d'une paix durable. Je tiens à témoigner tout mon soutien face aux nouvelles souffrances auxquelles doit faire face le peuple arménien - un peuple déjà malmené par l'histoire.

Victime d'un génocide, que la communauté internationale a trop tardé à reconnaître, il est depuis une trentaine d'années sous le coup d'un conflit territorial qui touche la région montagneuse du Haut-Karabakh. Les combats avec l'Azerbaïdjan se cristallisent à nouveau, comme en 2020, faisant alors plus de 6 500 morts. Il est de notre devoir de les arrêter sous peine de revenir deux ans en arrière.

Voilà le bilan depuis septembre dernier : trois mois et déjà 105 soldats arméniens morts au combat ; trois mois et déjà 7 500 déplacés pour fuir les attaques. Les civils sont de plus en plus menacés. Jusqu'où faudra-t-il aller avant une véritable réponse européenne et internationale ?


Face aux manquements de la Russie à mettre en oeuvre ses engagements de garante du cessez-le-feu et face au soutien actif de la Turquie à l'Azerbaïdjan, notre groupe est convaincu que seule une action des pays européens pourra aboutir à une solution pacifique. Si nous devons appeler de nos voeux les deux pays à revenir à la table des négociations, il est indéniable que l'Azerbaïdjan porte seul la responsabilité de ce regain de violences. L'Azerbaïdjan continue de défendre la thèse de représailles contre de supposées provocations arméniennes, ce qui nous paraît infondé. La vérité est qu'aucune véritable attaque armée n'a été lancée par l'Arménie.


Ce qui se joue en Arménie n'est pas simplement un différend entre deux gouvernements, c'est avant tout un drame humain. Dans l'est arménien, les habitants accrochés à leurs montagnes sont contraints de vivre sous la menace constante de l'Azerbaïdjan. Ils craignent de se voir déposséder de leurs terres, de leur culture, de leur identité. C'est en fait leur existence même qui est menacée.


Face à cette dérive, le groupe LIOT soutient les démarches entamées par les Nations unies, à l'initiative de la France. Les équipes des pays de l'ONU en Arménie sont en contact permanent avec les autorités locales et se tiennent prêtes à répondre aux besoins humanitaires urgents.
Pour trouver une solution, la France a un rôle essentiel à jouer. Le lien privilégié qui unit la France à l'Arménie nous honore autant qu'il nous oblige. Le premier ministre de l'Arménie insiste lui-même pour que le Président de la République soit présent à la table des négociations. Cette marque de confiance doit nous conduire à oeuvrer diplomatiquement pour défendre le peuple arménien. Il faudra que cette influence française soit relayée à l'échelle européenne et à l'échelle internationale. Sur ce point, notre groupe rejoint donc pleinement les intentions de cette résolution, afin de faire pression sur l'Azerbaïdjan, quitte à aller jusqu'à des sanctions économiques individuelles.


Nos collègues du Sénat ont eux-mêmes adopté il y a quelques semaines une résolution pour favoriser toute initiative visant à rétablir la paix. La diplomatie doit désormais activer tous les leviers à sa disposition : exhorter le pays agresseur à respecter ses obligations et à revenir au cessez-le-feu du 9 novembre 2020, exhorter à un retour des deux pays à la table des négociations et assurer une aide humanitaire à la hauteur des enjeux. Seule cette voie nous permettra d'espérer un règlement pacifique de la situation.


Chers collègues, je le dis ici avec beaucoup de gravité, le peuple arménien a souffert à bien des reprises de tels drames et a dû consentir à de nombreux sacrifices : aussi nous appartient-il désormais de lui apporter notre soutien.
Les mois à venir seront déterminants et je préfère croire que nous sommes non pas au commencement d'un nouveau flot de violences mais plutôt au début d'un long chemin, tortueux certes, mais devant nous conduire à la réconciliation. La guerre ne résout rien, elle n'est que la défaite de la diplomatie et de l'humanité. Avec ces conflits nous avons tout à perdre et rien à gagner. Notre groupe votera donc ce texte. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LIOT, RE, Dem, SOC et GDR-NUPES.)


Mme la présidente.


La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.


Mme Emmanuelle Ménard.


« Quoi ! Le silence complet. [...] Quoi, devant tout ce sang versé, devant ces abominations et ces sauvageries, devant cette violation de la parole de la France et du droit humain, pas un cri n'est sorti de vos bouches, pas une parole n'est sortie de vos consciences, et vous avez assisté, muets et, par conséquent, complices, à l'extermination complète. » Voilà ce que dénonçait déjà Jean Jaurès, le 3 novembre 1896, devant la Chambre des députés, alors que l'Arménie était attaquée par l'Empire ottoman. Plus d'un siècle plus tard, si peu semble avoir changé.


Dans la nuit du 12 au 13 septembre 2022, l'Azerbaïdjan a déclenché une offensive de grande ampleur sur différents points de sa frontière avec l'Arménie. Cette attaque est une nouvelle violation des frontières souveraines et internationalement reconnues de l'Arménie. Elle appelle de notre part une réaction qui ne peut plus être que de principe. La guerre en Ukraine, pour tragique et terrible qu'elle soit, ne doit pas occulter une situation géopolitique, politique et humanitaire qui ne cesse de s'envenimer dans le Caucase du Sud.

Déjà en 2020, la violence des combats avait fait plus de 8 000 morts et des dizaines de milliers de déplacés. Les accords fragiles du 9 novembre 2020 n'auront servi qu'à donner du répit aux Arméniens : ils n'ont depuis cessé d'être violés.

La France se doit d'agir. Elle l'a déjà fait par le passé et le peut encore.
Depuis 1994, le groupe de Minsk, que la France copréside, a oeuvré en ce sens mais, n'en déplaise à certains, il ressemble désormais trop à une coquille vide.

Pire, alors que nous condamnons à juste raison la Russie pour avoir envahi l'Ukraine en violant le droit international, comment justifier qu'en juillet dernier, les grandes instances européennes se soient tournées, comme de naturel, vers l'Azerbaïdjan pour acheter du gaz, lequel, comble de l'hypocrisie, vient pour partie de Russie ? Était-ce alors par schizophrénie qu'Ursula von der Leyen affirmait vouloir faire de l'Azerbaïdjan un partenaire stratégique ? Voulons-nous vraiment être les nouveaux dupes du jeu dangereux qui mine le Caucase ?

Cernée par la Russie qui, sous couvert de la protéger, rêve de l'annexer, et par la Turquie d'un Recep Tayyip Erdo?an qui se rêve en héraut du panturquisme, coincée entre l'irrédentisme de l'Azerbaïdjan et les mollahs iraniens, l'Arménie est une proie qui doit se faire entendre et qui doit être défendue.

Ne nous y trompons pas : le gouvernement autocratique qui siège à Bakou et qui vient d'infliger un camouflet au président Macron en mettant fin aux pourparlers ne s'arrêtera pas en si bon chemin. Son objectif n'est pas simplement de reconquérir l'enclave arménienne du Haut-Karabakh, mais de joindre la mère patrie et le Nakhitchevan en passant par la bande montagneuse du Syunik.

Pour le président azerbaïdjanais Aliyev, le conflit ne sera clos que par la disparition, corps et biens, de l'Arménie et de son peuple. L'épuration culturelle a déjà commencé, sous nos yeux souvent indifférents. Faudra-t-il attendre un nouveau génocide pour réagir ?

L'Arménie est l'une des plus anciennes nations du monde et la France doit se souvenir des liens multiséculaires qui l'unissent à elle. Ils sont de ceux qui honorent notre pays et dont nous pouvons être fiers. Ces liens sont spirituels, linguistiques, commerciaux et littéraires. « Paris, capitale de France et d'Arménie » : voilà ce qu'on peut lire sur le plus ancien manuscrit arménien copié en France, en 1707. Et que dire de Corneille, qui met en scène un martyr arménien dans sa tragédie Polyeucte , de Molière, évoquant la rudesse de la langue arménienne dans L'Étourdi ou les Contretemps , de Rousseau, s'habillant en Arménien, ou de l'Arménien Zadig, chez Voltaire ?

La France sera peut-être seule, mais elle se doit d'agir : c'est affaire d'honneur.

En conclusion, je vous laisserai avec l'interrogation de Marina Dédéyan, romancière d'origine arménienne, dont les mots, un siècle plus tard, font écho à ceux de Jaurès. « Combien nous coûtera le sacrifice d'un peuple qui a joué, dans toute son histoire, le rôle de médiateur entre l'Occident, l'Orient et l'Asie ? Combien nous coûteront l'indifférence, la lâcheté, la corruption, les tortueuses stratégies diplomatiques ou économiques ? De quel prix devrons-nous payer ce reniement de nous-mêmes ? Quand la civilisation consent à la barbarie, elle renonce à s'appeler civilisation. » (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RE, LR et Dem.)


Mme la présidente.


La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux.

Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État chargée du développement, de la francophonie et des partenariats internationaux.


Je remercie l'Assemblée d'avoir inscrit à son ordre du jour la question des relations entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, par l'intermédiaire de cette proposition de résolution. C'est un enjeu crucial aussi bien pour la stabilité en Europe, alors que la région est profondément déstabilisée par l'agression russe contre l'Ukraine, que pour les valeurs que nous défendons.

Le Caucase du Sud a récemment été le théâtre de graves tensions. En effet, les affrontements survenus les 13 et 14 septembre à la frontière entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan ont de nouveau entraîné une forte montée des tensions entre les deux pays. Nous avons condamné ces affrontements et, dès les premières heures du conflit, à la suite de l'avancée des forces azerbaïdjanaises, la position du Gouvernement a été claire : nous avons appelé au respect de l'intégrité territoriale de l'Arménie.

Avec nos partenaires européens et américains, nous restons toutefois convaincus qu'une occasion se présente à nous de parvenir à une paix durable dans le Caucase, grâce à un règlement négocié du conflit qui oppose l'Arménie et l'Azerbaïdjan depuis leur indépendance. Cette occasion est fragile, mais nous estimons qu'il ne faut pas la laisser passer.

M. Sylvain Maillard.


Eh oui !
Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État.


Elle résulte de la volonté et de l'intérêt des parties à s'engager dans un règlement négocié de l'ensemble des litiges hérités de la chute de l'Union soviétique et qui demeurent sans réponses à ce jour.

Du côté azerbaïdjanais, le président Aliyev a proposé il y a près d'un an la conclusion d'un traité de paix entre les deux pays. Il convient de saluer et d'appuyer cette démarche, mais évidemment sans rien renier de nos principes, ni de notre attachement au droit international. Des négociations ont été amorcées entre les parties, et ont donné lieu à un premier échange de textes.

Du côté arménien, le premier ministre Nikol Pachinian a fait des déclarations courageuses s'agissant du Haut-Karabakh et proposé d'aborder cette question sous l'angle des droits et des garanties de sécurité pour la population arménienne.

Cette approche constructive des deux parties est saluée et soutenue par la communauté internationale. Cependant, le niveau de tension et de méfiance entre les parties demeure très élevé et les risques d'escalade préoccupants ; ils nous conduisent à appeler sans relâche au dialogue et à agir pour les prévenir.
Dans ce contexte instable et complexe, la France est mobilisée aux côtés de ses partenaires. Nous le sommes à la fois pour contribuer à faire respecter le cessez-le-feu sur le terrain et pour soutenir les négociations sur les différents volets de la normalisation des relations entre les deux pays.


À deux reprises, le Président de la République a réuni les dirigeants des deux parties, en présence du président du Conseil européen Charles Michel, afin d'appuyer les efforts de l'UE dans son rôle de facilitateur. Ces réunions ont produit des résultats concrets, notamment la libération de prisonniers de guerre arméniens.


M. Sylvain Maillard.


Eh oui !

Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État.


La réunion quadrilatérale de Prague, le 6 octobre, a abouti à deux avancées importantes. Premièrement, l'Arménie et l'Azerbaïdjan ont confirmé leur attachement à la Charte des Nations unies et à la déclaration d'Alma-Ata de 1991, par laquelle ils reconnaissent mutuellement leur intégrité territoriale et leur souveraineté. Deuxièmement, l'Union européenne a décidé de déployer une mission d'observation de deux mois - effective à compter du 17 octobre -, afin de stabiliser la situation le long de la frontière séparant les deux pays - mission qui a contribué à faire baisser significativement les tensions sur le terrain.


La France a également mobilisé les Nations unies. En effet, nous avons mis à profit notre présidence du Conseil de sécurité, au mois de septembre, pour organiser deux débats dans cette enceinte. La France a alors appelé au strict respect du cessez-le-feu, à un retour immédiat des forces azerbaïdjanaises sur leurs positions initiales et au plein respect de l'intégrité territoriale de l'Arménie. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE et Dem. - M. Jocelyn Dessigny applaudit également.)


Nous restons naturellement actifs, en coordination étroite avec les États-Unis : ce dossier doit en effet être abordé par le Président de la République et le président Biden dans les prochaines heures à Washington.
La France continue d'encourager les parties à aller de l'avant dans les négociations. C'est le message qu'a adressé le Président de la République au président Aliyev lors de leur conservation téléphonique du 12 novembre, et au premier ministre Pachinian lors de leur entretien du 19 novembre à Djerba.


La France continuera également d'oeuvrer pour définir des droits et des garanties pour la population arménienne du Haut-Karabakh. L'objectif du Président de la République, qui mobilise l'ensemble de la diplomatie française, est très clair : oeuvrer pour une paix juste et durable. Pour que la France continue de jouer un rôle utile et productif, il nous faut garder un certain cap : maintenir le contact avec les deux parties, mais aussi écouter attentivement ce que nous disent les autorités arméniennes, car personne ne saurait prétendre savoir mieux qu'elles ce qui est bon pour l'Arménie.


À cet égard, Catherine Colonna, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, a rencontré son homologue arménien le 11 novembre et lui a demandé ce que son pays attendait de la France, ce à quoi il a répondu de continuer d'être un médiateur juste.


Bien sûr, notre participation aux efforts de médiation n'impose pas de rester muets face aux faits objectifs. Lorsque la France, face aux avancées des forces azerbaïdjanaises, demande que l'intégrité territoriale de l'Arménie soit respectée, il ne s'agit pas d'un parti pris ni d'un biais en faveur de ce pays, mais un rappel des principes de base du droit international. Il en va de même lorsque la France demande, comme nous continuons à le faire, ainsi que d'autres pays, la libération de tous les prisonniers de guerre arméniens.
Et si nous sommes attachés au respect de l'intégrité territoriale de l'Arménie, il convient aussi de tenir compte des attentes légitimes de l'Azerbaïdjan, qu'il s'agisse du sort des personnes disparues ou du déminage des territoires qui lui ont été restitués. À ce titre, nous soutenons notamment l'action entreprise par le Comité international de la Croix-Rouge.
Il nous faut préserver le dialogue avec l'Azerbaïdjan, dialogue qui doit être à la fois exigeant et constructif et qui est entretenu par le Président de la République lui-même. Sans dialogue, il ne peut en effet y avoir de capacité à agir, à convaincre. Si l'Azerbaïdjan décidait de rompre ce dialogue, il nous faudrait en tirer les conséquences, mais ce n'est certainement pas notre volonté.

De ce point de vue, le Gouvernement ne peut pas souscrire à certaines mesures que la proposition de résolution soumise à votre examen recommande d'adopter. Je pense notamment à la demande d'adoption de sanctions économiques, qui se ferait nécessairement au niveau européen. Sanctionner l'Azerbaïdjan aurait pour conséquence immédiate de priver la France et l'Europe de toute possibilité de jouer le rôle de médiation que l'Arménie attend de nous et de poursuivre le dialogue afin de peser concrètement sur l'issue de ce conflit.

Mesdames et messieurs les députés, le Gouvernement entend pleinement votre appel à la solidarité avec l'Arménie. L'engagement de la France en faveur du processus de paix, sans compromission sur les principes et les valeurs que nous défendons, est le meilleur moyen d'y répondre. Ce que nous demande l'Arménie, c'est de l'aider à bâtir une paix juste et durable. Ce chemin est particulièrement difficile dans le contexte géopolitique actuel, mais la France le défendra jusqu'au bout. (Applaudissements sur les bancs des groupes RE, LFI-NUPES, Dem, SOC, HOR, Écolo-NUPES et GDR-NUPES.)

Mme la présidente.


Sur la proposition de résolution, je suis saisie par les groupes Renaissance et La France insoumise-Nouvelle Union populaire, écologique et sociale d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.


Mme la présidente.


Je vous rappelle les règles des explications de vote : un orateur par groupe, préalablement inscrit, pour une durée de cinq minutes (Protestations sur les bancs du groupe LR.)
La parole est à Mme Sarah Tanzilli.


Mme Sarah Tanzilli (RE).


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Le sujet qui est à l'ordre du jour de notre assemblée me renvoie à ma propre histoire familiale ainsi qu'à l'engagement qui est le mien depuis vingt ans, celui de la défense du peuple arménien.

L'histoire de ce peuple plurimillénaire, riche de sa culture unique, n'est qu'une succession d'événements tragiques, avec en point d'orgue, la pire des injustices, celle d'un génocide demeuré impuni.

Ce peuple, victime d'une haine raciale et d'une volonté d'extermination qui perdurent depuis cent cinquante ans, trouve aujourd'hui, à la faveur des bouleversements internationaux, l'occasion de s'exprimer et, pourquoi pas, de mettre un point final à l'oeuvre funeste de cette haine, comme l'atteste l'attaque des 13 et 14 septembre.

J'ai fait partie de la délégation qui s'est rendue le mois dernier en Arménie et je peux vous garantir que le peuple arménien est prêt à résister pour protéger les deux petits berceaux d'arménité que sont les 29 000 kilomètres carrés de la république d'Arménie et les 3 000 kilomètres carrés restants de la république autoproclamée d'Artsakh. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes RE et Dem.) Peu importe que l'Azerbaïdjan viole quotidiennement le cessez-le-feu, peu importe que les habitations des villageois ou que les cours d'école soient à portée de tir des snipers azerbaïdjanais, la détermination du peuple arménien à vivre sur ces terres est totale.

Ce peuple polytraumatisé ne tiendra pas seul face à la pétrodictature azerbaïdjanaise d'une part et à la puissance militaro-impérialiste turque d'autre part. Si la représentation nationale se doit d'agir, c'est bien sûr au nom de la défense de la démocratie à travers le monde, mais c'est aussi au nom de l'amitié ancestrale qui lie la France et l'Arménie et c'est enfin au nom de sa propre histoire.

Il y a tout juste 126 ans - certaines de mes collègues l'ont rappelé avant moi -, alors que s'achevaient les premiers massacres de masse contre les Arméniens dans l'Empire ottoman, un des plus éminents de nos prédécesseurs, le député Jean Jaurès, montait à cette tribune pour dénoncer l'inaction de l'Europe qui avait pourtant pris « l'engagement solennel de protéger la sécurité, la vie, l'honneur des Arméniens ».

À l'époque, personne ne vint en aide au peuple arménien. Personne ne vint non plus à son aide en 1915, ni il y a deux ans quand 5 000 hommes, pour la plupart âgés de 18 à 20 ans, perdaient la vie pendant la guerre dite des Quarante-quatre Jours.

Aujourd'hui, nous appelons la France et l'Europe à tenir l'engagement que Jaurès rappelait à la tribune il y a 126 ans et, à ce titre, à condamner l'occupation azerbaïdjanaise, à sanctionner le régime et à apporter une aide matérielle et défensive, indispensable pour rééquilibrer les forces dans la région. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe RE.)

L'Arménie n'a ni gaz ni pétrole, elle ne constitue pas un marché majeur, elle n'a rien à vendre. Nous n'avons donc certainement pas grand-chose à gagner en l'aidant, si ce n'est notre honneur, notre dignité et notre humanité. C'est donc avec honneur, dignité et humanité et dans un immense élan de fraternité que le groupe Renaissance et, je l'espère, chacun d'entre vous, voteront pour cette proposition de résolution de soutien au peuple arménien. (Les députés des groupes RE et Dem se lèvent et applaudissent. - Applaudissements sur les bancs du groupe HOR et sur quelques bancs du groupe Écolo-NUPES.)

Mme la présidente.


La parole est à Mme Sophia Chikirou.


Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES).

Cette résolution est utile car elle nous donne l'occasion de dire, en tant que représentants de la nation et du peuple français, au peuple arménien, à travers son ambassadrice, présente en tribune, que nous sommes des peuples frères (Applaudissements sur les bancs des groupes LFI-NUPES et SOC.) et que le peuple français pense au peuple arménien. Il n'y a pas d'intérêt supérieur à celui des peuples à vivre en paix et en liberté. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES. - M. Olivier Faure applaudit également.) Aucun intérêt n'est supérieur à ces droits fondamentaux - ni les intérêts économiques ni les intérêts commerciaux.

M. Maxime Minot.


C'est bien de le dire !

Mme Sophia Chikirou.


Aucun de ces intérêts ne doit primer sur l'intérêt du peuple arménien à vivre en paix. C'est ce que nous souhaitons affirmer avec cette proposition de résolution, que le groupe La France insoumise va naturellement voter.

Je rappelle que 100 000 Arméniens vivent en danger dans le Haut-Karabakh. Il est urgent de les mettre à l'abri. L'intervention d'une force de l'ONU est indispensable pour les protéger.
Je rappelle aussi que le peuple azerbaïdjanais n'est pas libre : il vit sous le joug d'une oligarchie qui le terrorise et l'exploite. (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur quelques bancs des groupes SOC et Écolo-NUPES.)

Je rappelle enfin qu'en ces temps de guerre en Europe, 300 000 réfugiés russes se trouvent en Arménie après avoir fui le régime de Poutine. La solidarité de l'Arménie à l'égard de ces réfugiés est exemplaire et doit être respectée.

Madame l'ambassadrice ( Mme Sophie Chikirou se tourne vers les tribunes. - Protestations sur les bancs du groupe LR) , dites au peuple arménien que le peuple français l'aime et le soutient,...

M. Maxime Minot.


On ne s'adresse pas aux tribunes !

Mme Sophia Chikirou.


...dites-lui que le peuple français, plus encore que ses dirigeants, est aux côtés des Arméniens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LFI-NUPES et sur plusieurs bancs du groupe SOC.)


Mme la présidente.


Madame Chikirou, je vous rappelle que les députés ne peuvent s'adresser aux tribunes.

M. Maxime Minot.

Merci !

Mme la présidente.

La parole est à M. Franck Allisio.

M. Franck Allisio (RN).


Le groupe du Rassemblement national votera, comme il l'a annoncé, en faveur de la proposition de résolution qui est certes imparfaite, mais indispensable. L'unanimité de la représentation nationale lors du vote de cette résolution en fera sa force.
J'ai une pensée particulière pour les 200 000 Arméniens de mon département, les Bouches-du-Rhône, dont 150 000 sont marseillais. Ils sont les enfants et les petits-enfants de celles et ceux qui ont survécu au génocide. Nous penserons à eux à l'heure du vote. (Applaudissements sur les bancs du groupe RN.)
Vote sur la proposition de résolution

Mme la présidente.


Je mets aux voix l'article unique de la proposition de résolution.
(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente.


Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 256
Nombre de suffrages exprimés 256
Majorité absolue 129
Pour l'adoption 256
Contre 0


(L'article unique est adopté, ainsi que l'ensemble de la proposition de résolution.) (Mmes et MM. les députés se lèvent, se tournent vers la tribune diplomatique où se trouve Mme l'ambassadrice de la république d'Arménie et applaudissent longuement.)


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