Le blogueur Mauritanien ex condamné à mort en 2014, Mohamed Cheikh à la rencontre des élèves d'Île-de-France.

Ensemble Contre la Peine de Mort - 15/07/2022 09:10:00

Dans le cadre de son programme Éduquer, ECPM accueille des grands témoins : ex-condamné.e.s à mort, proches de condamné.e.s, ou encore juré.e.s, viennent à la rencontre des élèves de collège et de lycée pour partager leur histoire et sensibiliser aux enjeux de l'abolition universelle de la peine de mort. Cette fois, c'est Mohamed Cheikh Ould Mkhaitir qui nous fait l'honneur de sa présence pour témoigner et échanger avec les jeunes de plusieurs établissements d'Île-de-France, qui ont été très touché.e.s de son intervention. À l'approche de la fin de l'année scolaire, lumière sur une autre manière d'apporter un enseignement riche de sens en cours d'EMC (enseignement moral et civique).
Mohamed Cheikh, blogueur mauritanien, avait été arrêté puis convaincu de blasphème et condamné à mort en 2014 après avoir publié un article dénonçant l'instrumentalisation des discriminations à l'égard de la caste des Forgerons, dont il est lui-même issu. En novembre 2017, lors de la seconde phase d'appel, sa peine a été ramenée à deux ans d'emprisonnement, qu'il avait déjà effectués, mais il a été détenu arbitrairement et au secret jusqu'au 29 juillet 2019. Depuis sa libération, il vit réfugié en Europe. En 2022, le blasphème est passible de la peine de mort dans sept pays,[ Arabie-Saoudite, Afghanistan, Nigéria, Iran, Somalie, Mauritanie Pakistan ] selon les données de l'association End Blasphemy Laws. Dans 56 états blasphémer entre dans la catégorie des actes criminels.

Chaque intervention laisse place à un temps d'échange et de réflexion pour les élèves, qui donne lieu généralement à l'expression de leur prise de conscience et de leur gratitude. Nous avons recueilli les ressentis des terminales du Lycée Diderot, suite au témoignage de Mohamed Cheick, tandis que celles et ceux du lycée Richelieu (Reuil-Malmaison) ont tenu à lui adresser des lettres. Dans certaines, on peut lire « je ne connaissais même pas le terme "apostasie", parce que j'ai la chance de vivre dans un pays laïque où je suis libre de choisir ma religion », ou encore « Je n'avais pas pris conscience de la souffrance physique et psychologique que les condamnés hommes et femmes enduraient pendant leur détention ».

Des mots qui ne font que confirmer l'efficacité de l'initiative de leur professeure, Mme Merle D'Aubigné, qui a accepté de répondre à nos questions à propos de sa démarche :

Pourquoi avez-vous décidé d'aborder la question de la peine de mort en classe ?
C'est un sujet qui me tient à coeur depuis que j'enseigne (25 ans !) : un sujet de société très politique auquel les élèves sont sensibles et sur lequel je trouve important de déconstruire les représentations personnelles et les préjugés. L'occasion aussi de croiser histoire et littérature. Je cherche à relier le sujet à un thème d'Enseignement Moral et Civique (EMC). Cette année, avec les classes de Terminale, je suis partie de la thématique du programme, celle de la démocratie, que j'ai décliné autour de la notion de droits humains et donc du droit à la vie. Avec les élèves Première, c'est le chapitre sur les démocraties aussi qui a été le levier pour aborder le sujet.

Comment s'est construit votre travail ?
Je suis partie d'un nuage d'idées mises en commun avec les élèves de la classe par petits groupes sur leurs représentations de la peine de mort et les élèves ont mobilisé eux-mêmes des pistes de réflexion liées aux droits humains (erreur judiciaire, pardon, exécution...). Ensuite, j'ai utilisé divers outils historiques, littéraires, juridiques, d'autres plus pragmatiques afin que les élèves prennent conscience de la réalité de la peine de mort et de la torture qu'elle représente.

Que vous a apporté la présence d'un témoin ?
En Terminale la plupart ont une grande maturité et un discours très clair contre la peine de mort. Par contre, en Première, on fait face à plus de préjugés et à une loi du Talion chevillée au corps.

La présence de Mohamed Mkhaitir fut fondamentale car comme toujours cette parole « qui revient de » fait autorité et déséquilibre les arguments qui demeurent en faveur de la peine de mort. Quand les élèves se rendent compte que l'accusation ne tient à rien ou qu'elle est erronée (Curtis Mc Carthy), l'empathie fonctionne et les élèves s'imaginent à la place du condamné. Cela complète très bien la préparation initiale en classe.


Les ateliers de sensibilisation se déroulent en deux temps : d'abord, les élèves assistent à une introduction, la plupart du temps dispensée par des bénévoles d'ECPM. Une fois que les élèves ont une opinion plus éclairée sur la thématique abordée, le témoin intervient dans un deuxième temps auprès des élèves, qui ont ensuite la possibilité d'échanger avec lui. Vous souhaitez organiser une intervention pour vos élèves ? Contactez education@ecpm.org