Spécial 150 ans de l'impressionnisme : les séjours niçois de Berthe Morisot

Rachida Dati Ministre de la Culture - 16/04/2024 18:05:00



Le port de Nice Berthe Morisot Huile sur toile 1882


À l'occasion des 150 ans de l'impressionnisme, près de 178 oeuvres des collections du musée d'Orsay sont prêtées et exposées dans 34 musées sur tout le territoire. Parmi eux, celui des Beaux-Arts Jules Chéret à Nice, qui accueille plusieurs oeuvres dans le cadre d'une exposition consacrée à Berthe Morisot, dernier volet de notre série consacrée à cet anniversaire.

C'était le 15 avril 1874, dans les anciens ateliers du photographe Nadar, boulevard des Capucines à Paris. Berthe Morisot, Edouard Degas, Claude Monet ou encore Auguste Renoir se rassemblaient sous forme de société anonyme coopérative pour ouvrir la première exposition impressionniste, un mouvement qui allait changer à jamais le cours de l'histoire de l'art.

En 2024, le 150e anniversaire de cette première exposition va être célébré bien au-delà de Paris. Le musée d'Orsay, qui abrite la plus vaste collection au monde d'oeuvres de ce mouvement, va en effet prêter pendant plusieurs mois 178 de ses tableaux couvrant un large spectre temporel, allant même puiser dans les périodes pré et post-impressionnistes avec des tableaux de Daubigny ou Manet et jusqu'à Bonnard. Ces oeuvres vont quitter les quais de l'ancienne gare pour voyager dans 34 musées partout en France. Parmi eux, celui des Beaux-Arts Jules Chéret à Nice, suite et fin de notre série.

Nice, ville de foisonnement artistique du XIXe et XXe siècles

À partir des années 1820, la Côte d'Azur devient un lieu prisé des personnes fortunées venant passer l'hiver au soleil et se faisant construire des maisons luxueuses sur les collines niçoises. « Ces demeures, ils vont devoir les décorer et s'entourer pour cela d'artistes présents sur place ou qu'ils vont faire venir d'autres contrées », décrit Johanne Lindskog, directrice du musée des Beaux-Arts de Nice. La ville devient donc un lieu de foisonnement artistique qui va mêler des artistes de toutes origines, et ce jusqu'au milieu du XXe siècle. Parmi eux, de grands noms comme Matisse, Chagall ou Picasso et... Berthe Morisot qui a séjourné par deux fois, en 1881 et 1886, sur la Riviera.

C'est sur ces deux escales impressionnistes que revient le musée des Beaux-Arts Jules Chéret à Nice jusqu'au 29 septembre avec une exposition en deux temps. Tout d'abord, depuis le 5 avril, l'accrochage du tableau des Villas à Bordighera offert par Monet à Berthe Morisot, au coeur d'une présentation intitulée Monet-Morisot : le spectacle de la Riviera. « Ce tableau avait une place d'honneur dans son hôtel particulier à Paris, à la fois dans son salon-atelier et en ligne directe depuis sa chambre. On voit déjà à travers cette oeuvre les liens forts entre Monet et Morisot, mais aussi entre l'impact qu'à eu la Riviera et en particulier Nice sur Morisot et son imaginaire, puisqu'elle a ramené jusque dans la conception intérieure de son foyer des éléments caractéristiques de Nice et de cette atmosphère de la Riviera », explique Johanne Lindskog. La scénographie va d'ailleurs reproduire cet intérieur et montrer comment était présenté le tableau chez elle.

Une filiation artistique


Ensuite, dès le 7 juin, d'autres tableaux prêtés par Orsay seront visibles dans le musée niçois et retraceront les deux séjours de Morisot. Le premier, qui va durer plus longtemps que prévu du fait de la maladie de sa fille, sera consacré à des sujets proches de la mer comme des représentations de la Promenade des Anglais ou du port de Nice. C'est lors de son deuxième séjour qu'elle va se tourner vers la ville et les collines avec des tableaux par exemple sur la cueillette des agrumes. « Elle poursuit des motifs qui la préoccupent comme dans L'enfant à la mandoline. D'infimes détails nous permettent de savoir que ce tableau a été peint à Nice mais son but n'est pas de représenter la Riviera », souligne Johanne Lindskog. Pendant ses séjours, l'artiste louera avec sa famille la Villa Ratti, qui existe toujours aujourd'hui et qui a été restaurée ces dernières années pour la faire visiter au public.

Au total, une soixantaine d'oeuvres de la peintre seront présentées, témoignant de l'attachement de la peintre à la Riviera. « C'est un véritable tour de force car les oeuvres de Berthe Morisot réalisées à Nice ne sont pas extrêmement nombreuses et sont dispersées à travers le monde », note Johanne Lindskog. Cet ensemble sera complété par des tableaux du mari et de la fille de l'artiste - Edgar et Julie Manet - et par des prêts de tableaux de Renoir, qui s'est lui aussi installé dans la région au début du XXe siècle. Les deux artistes étaient très proches, Renoir s'occupant de la fille de Berthe Morisot après le décès de celle-ci. « Julie Manet était très proche de Renoir et va passer du temps au domaine des Collettes à Cagnes-sur-Mer. Les descendants de Berthe Morisot vont rester attachés à la Côte d'Azur et y passer de manière régulière, voire s'installer de manière définitive dans différentes villes de de la Côte d'Azur », complète Johanne Lindskog.

Des oeuvres d'une vingtaine d'artistes femmes contemporaines de Berthe Morisot
Cette exposition est enfin l'occasion de mettre en lumière un pan de l'histoire artistique totalement méconnu en présentant une vingtaine d'artistes femmes contemporaines de Berthe Morisot qui ont eu un lien avec la Riviera ou l'impressionnisme. « Cela nous permet de faire le point sur la création féminine à cette époque, et nous nous sommes rendu compte que des centaines d'artistes produisaient, exposaient et vendaient des oeuvres à Nice. Morisot est finalement une porte d'entrée pour nous, pour révéler tout un pan de l'histoire de l'art niçoise qui est encore une fois largement nationale et internationale », lance Johanne Lindskog. Le musée se replongera dans le XIXe siècle avec des parcours documentés par des archives reprenant les lieux exacts où Berthe Morisot a posé son chevalet, notamment les « pointus », embarcations de pêcheurs sur lesquelles elle s'installait pour peindre le port. Une manière d'impliquer des publics éloignés du musée et de regarder sous un autre oeil la ville.