Par toutes sortes de mesures, la Commission de Venise aide la Géorgie de réduire l'influence et l'emprise des oligarques

Commission de Venise - 31/03/2023 10:05:00

Projet de loi géorgien sur la désoligarchisation : tout en soutenant l'objectif de limiter l'influence excessive des oligarques, la Commission de Venise appelle à adopter des réformes systémiques

Strasbourg, 14.03.2023 - Dans son avis intérimaire sur le projet de loi géorgien relatif à la désoligarchisation publié aujourd'hui, la Commission de Venise, l'organe d'experts en droit constitutionnel du Conseil de l'Europe, appelle les autorités géorgiennes à adopter des réformes systémiques au lieu de cibler des individus en particulier pour mener à bien le processus de « désoligarchisation ».

L' « oligarchisation » est le résultat de la combinaison de l'exercice du pouvoir politique sans mandat politique, de l'influence sur les parlements, les gouvernements, les partis politiques, le système judiciaire et les organes chargés de faire respecter la loi ; de la propriété ou de l'influence sur les médias ; de l'influence décisive, voire monopolistique, sur un certain nombre de domaines, tels que l'énergie, l'exploitation minière, le pétrole et le gaz, la métallurgie ou l'immobilier. L'élimination de cette influence excessive des intérêts particuliers dans la vie économique, politique et publique est une question à la fois nouvelle et très complexe.

La Commission de Venise note que l'Ukraine a certes été le premier pays à adopter une législation spécifique sur la désoligarchisation, mais l'engagement à éliminer l'influence excessive des intérêts particuliers dans la vie économique, politique et publique a fait l'objet d'une recommandation particulière de la Commission européenne (CE) également adressée à la Géorgie et à la République de Moldova. La Géorgie a par la suite préparé un projet de loi qui s'inspire très étroitement de la législation ukrainienne. Chaque pays présente toutefois ses spécificités.

La Commission de Venise soutient l'objectif d'éliminer ou tout du moins de réduire l'influence des « oligarques » dans la vie politique, économique et publique. Elle souligne cependant que le choix des moyens pour y parvenir est d'une importance décisive pour le système soit efficace tout en respectant la démocratie, l'État de droit et les droits fondamentaux. Toute mesure prise en ce sens devra être proportionnée au but poursuivi, à savoir mettre toutes les parties prenantes de la société sur un pied d'égalité.

La Commission souligne que la désoligarchisation devrait être assurée par une approche systémique, ayant un effet préventif et ciblant de nombreux domaines, tels que la législation relative aux médias, à la lutte contre les monopoles, aux partis politiques, aux élections, à la fiscalité, à la lutte contre la corruption et le blanchiment d'argent, etc.

Le projet de loi géorgien privilégie au contraire une approche dite « personnelle » (punitive), qui a pour objet d'identifier les « oligarques » d'après des critères spécifiques, tels que la richesse et la propriété de médias, à les qualifier publiquement d'« oligarques » et à leur imposer une série de limitations générales visant à les exclure du financement de partis ou d'activités politiques ou encore de la privatisation de biens publics. Cette approche comporte, de l'avis de la Commission de Venise, des risques élevés de violations des droits humains et d'application arbitraire, pouvant nuire au pluralisme politique.

La Commission recommande a minima de transférer le pouvoir de qualifier une personne d'« oligarque » à un organe indépendant du gouvernement, pour retirer à ce dernier le large pouvoir discrétionnaire dont il dispose dans l'interprétation et l'application de ces critères, ainsi que de mettre en place des garanties solides quant au respect des droits humains, à un procès équitable et à l'existence de recours effectifs.

La Commission de Venise a préparé le présent avis à titre intérimaire, en vue de poursuivre son analyse des solutions envisageables à ce problème et de prendre en compte les prochaines évolutions de la législation lorsqu'elles surviendront.

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Cet avis a été préparé dans le cadre du mécanisme de réaction rapide (QRM) du programme conjoint UE/CdE « Partenariats pour une bonne gouvernance », cofinancé par le Conseil de l'Europe et l'Union européenne et mis en oeuvre par le Conseil de l'Europe.