La mise en oeuvre en France du plan Juncker

Cour des Comptes - 24/02/2020 16:20:00


Adopté en 2015, le plan d'investissement pour l'Europe, communément appelé « plan Juncker », a pour ambition de favoriser les investissements susceptibles d'accroître la compétitivité de l'Europe. La France a su mobiliser les acteurs dans des délais rapides et obtenir des résultats notables en nombre de projets financés et de financements mobilisés. Fin 2018, elle se plaçait ainsi en tête des Etats membres, avec près de 12 Mdeuros de prêts accordés par la Banque européenne d'investissement. Les projets financés correspondent globalement à la cible, mais le financement d'un quart des dossiers examinés par la Cour paraît contestable : projets peu innovants, investissements déjà réalisés ou entreprises n'ayant pas de difficultés d'accès aux financements classiques. La Cour suggère plusieurs pistes d'amélioration, notamment dans la perspective du déploiement du futur dispositif européen « InvestEU », comme la déconcentration des décisions d'investissement ou la nécessité d'un suivi attentif et d'une évaluation rigoureuse des projets financés. Elle formule quatre recommandations à cet effet.


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La Cour des comptes vient de rendre public un référé sur la mise en oeuvre, en France, du plan d'investissement pour l'Europe, dit plan Juncker. En sachant que la France arrive "en tête des États membres avec près de 12 milliards de financements accordés par la BEI".

Alors qu'il est d'usage de dénoncer, à tort ou à raison, la capacité de la France à bénéficier des facilités accordées par l'Union européenne, le référé que vient de rendre public la Cour des comptes sur la mise en oeuvre, en France, du plan Juncker mettra un peu de baume au coeur.
Pour mémoire, ce plan d'investissement pour l'Europe a été adopté en 2015, "grâce au rôle actif de la France" souligne la rue Cambon, afin de favoriser les investissements susceptibles d'accroître la compétitivité de l'Union européenne, notamment via la création du fonds européen pour les investissements stratégiques, alimenté par un fonds de garanti financé par l'UE et des fonds propres de la Banque européenne d'investissement (BEI).

La France en tête
À l'issue de ses travaux, la Cour des comptes souligne que "la France a su mobiliser les porteurs de projets publics et privés [...] et les établissements financiers dans des délais rapides", se plaçant même fin 2018 "en tête des États membres avec près de 12 milliards de financements accordés par la BEI", représentant un montant total d'investissements de 50 milliards d'euros. Elle relève que "la forte implication de la Caisse des Dépôts et de Bpifrance" - qui ont apporté dès le lancement du plan un co-financement à hauteur de 8 milliards d'euros - "a joué un rôle important".
La Cour constate que les projets relèvent de deux catégories principales :
- les projets d'infrastructure et de recherche-développement d'une part, qui a représenté 80% des financements obtenus par la France. Là-encore, la Cour des comptes souligne que la Caisse des dépôts "a eu un rôle moteur dans la mise en oeuvre, en France, du volet Infrastructures", comme "co-investisseur, conseil et promoteur de plateformes d'investissements ou de projets ; elle a facilité les relations avec les collectivités territoriales et favorisé le financement de petits projets" ;
- les ETI-PME innovantes en mal de financement classique ; la Cour rapporte que la gestion de la procédure, qui repose ici "principalement sur Bpifrance", "a montré que les conditions dans lesquelles elle s'effectuait étaient dans l'ensemble satisfaisantes ", notant toutefois que certains dossiers examinés étaient contestables car jugés par la Cour peu innovants, déjà réalisés ou ne posant pas de problème de financement particulier.

Importance du réseau territorial
In fine, la Cour suggère quelques postes d'améliorations "au moment où s'élaborent les conditions de mise en place du plan d'investissement pour l'Europe InvestEU" (qui regroupera le plan Juncker et d'autres dispositifs). Mettant en évidence "l'importance d'un réseau territorial pour détecter les projets d'investissement et porter une appréciation sur leur viabilité", elle souligne notamment "l'intérêt d'une déconcentration des décisions d'investissement". Dans son rôle, elle invite également à un "suivi attentif et une évaluation rigoureuse des projets financés", en invitant plus particulièrement le gouvernement :
- à inciter les instances européennes à définir les critères de l'additionnalité de façon objective et s'assurer de leur mise en place de manière homogène ;
- à assurer un suivi des projets financés faisant notamment apparaître les investissements effectivement réalisées ;
- à renforcer le dispositif de contrôle interne de Bpifrance ;
- à mettre en place un dispositif d'évaluation des effets économiques globaux du plan permettant d'apprécier son impact sur la croissance et l'emploi.
Dans sa réponse, le Premier ministre indique sur ce dernier point que "la dernière évaluation en date, publiée en octobre 2019, estime que les investissements dans le cadre du plan Juncker ont augmenté le PIB de l'UE de 0,9% et ont créé 1,1 million d'emplois depuis son lancement".