Le Défenseur des droits s'inquiète de la situation des droits à Mayotte l

Défenseur des Droits - 20/02/2020 14:20:00


Suite à sa visite à Mayotte les 2 et 3 octobre dernier, Le Défenseur des droits rend public son rapport.
Depuis la création de l'institution en 2011, la situation des droits des personnes vivant à Mayotte est un sujet de préoccupation constant du Défenseur des droits, justifiant plusieurs déplacements depuis 2012, la mise en place d'un réseau territorial de trois délégués à Mayotte et l'installation d'un chef de pôle régional assurant la représentation permanente du Défenseur des droits à la Réunion et à Mayotte.


Chargé par la loi organique de mars 2011 de défendre notamment les usagers des services publics et de promouvoir les droits de l'enfant, le Défenseur des droits s'est, à de nombreuses reprises, prononcé sur les situations d'atteintes aux droits dans ce département, en soulignant l'écart entre les droits consacrés et les droits effectifs. Il publie ce jour un rapport « Etablir Mayotte dans ses droits » qui éclaire une nouvelle fois le problème majeur d'accès aux services publics et d'exercice réel des droits qui affecte l'ensemble de la population. L'accent mis sur la lutte contre l'immigration irrégulière détourne les regards de l'urgence qu'il y a à garantir aux habitants de Mayotte une égalité de droits réelle avec ceux de la métropole.

Les droits fondamentaux - le droit à l'éducation, à la sureté, à la santé, le droit à vivre dans des conditions décentes, notamment - y sont gravement entravés du fait de la carence des services publics.

En matière de droits de l'enfant, le Défenseur des droits déplore l'ineffectivité à Mayotte du droit à la scolarisation ainsi que les défaillances multiples du dispositif de protection de l'enfance

Il rappelle en particulier qu'il appartient aux autorités de permettre la scolarisation de tous les enfants présents sur le territoire national en particulier lorsqu'ils sont en âge d'obligation scolaire et en situation de vulnérabilité.

En matière d'accès à la santé, le Défenseur des droits relève une offre de soins sous-dimensionnée au regard des besoins : 20 médecins généralistes pour une population totale estimée à 250 000 habitants, absence de médecin scolaire, et un ratio de 1,6 lits d'hôpital pour 1000 habitants (contre 6 lits / 1000 hab. en métropole). Le Défenseur des droits prend la mesure de l'effort financier fourni pour développer la qualité de l'offre de soins à Mayotte, notamment via le financement d'un projet d'extension du Centre hospitalier de Mayotte. Il estime toutefois que, compte tenu de l'ampleur des carences dont souffre le dispositif, ces moyens devraient encore être renforcés. Il regrette, par ailleurs, que le droit dérogatoire qui s'applique à Mayotte prive encore les personnes les plus vulnérables de dispositifs tels que l'AME ou la complémentaire santé solidaire (auparavant CMU-c), comme c'est le cas en métropole. L'accès à de tels dispositifs, outre la progression vers l'alignement des législations, permettrait à ces derniers de bénéficier de soins en ville et de désengorger ainsi l'hôpital public dans l'intérêt de tous. Au regard de la nécessaire prise en compte de l'intérêt supérieur de l'enfant, le Défenseur des droits recommande l'affiliation directe à l'assurance maladie des enfants à charge de majeurs non affiliés ainsi que des mineurs isolés.

Enfin, en matière de défense des droits des personnes étrangères, lesquelles représentent un habitant sur deux à Mayotte, le Défenseur des droits regrette que l'augmentation du nombre d'éloignements de personnes en situation irrégulière s'accompagne d'un nombre préoccupant de manquements à la loi.

Le Défenseur des droits rappelle par ailleurs sa position ferme et constante relative à la rétention des enfants : il demande qu'en toutes circonstances, la rétention administrative des mineurs soit proscrite, conformément aux obligations internationales de la France.

Plus généralement, le Défenseur des droits regrette que l'accent mis sur la lutte contre l'immigration irrégulière se fasse au détriment du développement d'une réelle politique d'accueil et d'intégration des étrangers vivant à Mayotte mais plus encore au détriment d'un investissement conséquent au profit des missions de service public.


LES DROITS ET L'ETAT DE DROIT A MAYOTTE