Les autorités azerbaïdjanaises ont poursuivi deux activistes de la société civile pour trafic de stupéfiants en représailles d'un graffiti politique sur une statue

CEDH - Cour Européenne des Droits de l'Homme - 13/02/2020 16:25:00


L'affaire Ibrahimov et Mammadov c. Azerbaïdjan (requêtes n o 63571/16, 2890/17, 39541/17, 74143/16, 2883/17, 39527/17) concerne deux requérants qui avaient été arrêtés et poursuivis pour détention et trafic de stupéfiants et qui affirmaient que ces accusations étaient infondées et que c'était en réalité parce qu'ils avaient peint des graffitis à tonalité politique sur la statue d'un ancien président que les autorités les avaient inquiétés.
Dans son arrêt de chambre , rendu ce jour, la Cour européenne des droits de l'homme dit, à l'unanimité, qu'il y a eu :
violation de l'article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) de la Convention
européenne des droits de l'homme à raison des mauvais traitements subis par les requérants aux
mains de la police et de l'absence d'enquête effective,
violation de l'article 5 § 1 (droit à la liberté et à la sûreté) au motif que leur arrestation n'était pas
fondée sur des soupçons plausibles,
violation de l'article 5 § 4 (légalité de la détention) au motif que les juridictions internes ont échoué
à les protéger contre une arrestation et un maintien en détention provisoire arbitraires,
violation de l'article 18 (abus des restrictions aux droits) combiné avec l'article 5, au motif que
c'est en réalité parce qu'ils avaient peint des graffitis à tonalité politique que les requérants ont été
arrêtés et placés en détention, et
violation de l'article 10 (liberté d'expression).
Se fondant notamment sur des rapports rédigés par le Comité européen pour la prévention de la
torture et par les Nations unies, la Cour juge en particulier que les allégations de mauvais
traitements formulées par les requérants sont crédibles et que le Gouvernement n'est pas parvenu à
les réfuter.


Les chefs de détention et de trafic de stupéfiants étaient fondés sur des éléments de preuve qui ne
respectaient pas les exigences minimales devant être remplies pour que l'on puisse considérer qu'il y
avait des raisons plausibles de soupçonner les requérants d'avoir commis les infractions dont ils
étaient accusés. La Cour suit également les conclusions qu'elle avait formulées dans une précédente
affaire concernant un manquement systémique des juridictions internes à protéger les justiciables
contre l'arrestation et la détention arbitraires.
Il ressort clairement du contexte, des carences de l'enquête et du moment choisi par la police pour
agir contre les requérants que c'est en réalité à cause des slogans politiques qu'ils avaient peints que
les requérants ont été arrêtés, placés en détention et poursuivIS; L'atteinte au droit à la liberté d'expression qui en a résulté était donc « manifestement arbitraire et incompatible avec le principe de la prééminence du droit » inhérent à la Convention.

Principaux faits

Les requérants, Giyas Hasan oglu Ibrahimov et Bayram Farman oglu Mammadov, sont deux ressortissants azerbaïdjanais nés en 1994 et 1995 et résidant à Bakou.

Les requérants, qui appartiennent tous deux au mouvement NIDA, une organisation de la société
civile, furent arrêtés en mai 2016 après qu'ils eurent peint des graffitis sur une statue de Heydar
Aliyev, l'ancien président de l'Azerbaïdjan, et en eurent publié des photographies sur les réseaux
sociaux. Ils avaient notamment inscrit les mots « F ... ck the system » et « Joyeuse fête des
esclaves », un jeu de mots faisant écho au message « Joyeuse fête des fleurs » qui avait été diffusé
dans le cadre des commémorations organisées pour l'anniversaire de l'ancien chef d'État.
D'après les requérants, des hommes en civil s'étaient emparés d'eux en pleine rue, leur avaient
asséné des coups de poing et les avaient interrogés à propos des graffitis qu'ils avaient peints sur la
statue. Les intéressés auraient ensuite été conduits au commissariat central de Bakou, où des
policiers auraient dissimulé des stupéfiants sur eux et leur auraient infligé des mauvais traitements
dans le but de leur faire avouer par la force qu'ils étaient coupables de détention et de trafic de
stupéfiants. Ils auraient d'abord refusé, mais auraient finalement fait des aveux après qu'ils auraient
subi des mauvais traitements et auraient été menacés par la police.

Les requérants furent ensuite conduits jusqu'à leurs appartements respectifs, où la police trouva des
stupéfiants qui, d'après les intéressés, avaient également été placés là par des policiers. Ils furent
finalement emmenés jusqu'à un centre de détention provisoire situé dans le commissariat de police
du district de Narimanov, où ils furent contraints de nettoyer la cour et reçurent de nouveau des
coups. Leur avocat fut témoin des mauvais traitements allégués. Il les vit également balayer la cour.
Les deux hommes furent conduits au tribunal de district de Khatai afin qu'il fût statué sur la mesure
préventive devant être appliquée dans l'attente de leur procès, et ils se plaignirent au juge d'avoir
subi des mauvais traitements et d'avoir été forcés de faire des aveux. Le juge ordonna aux autorités
d'enquête d'examiner leurs allégations de mauvais traitements. D'après les requérants, des mauvais
traitements leur furent de nouveau infligés à leur retour au centre de détention.
En mai 2016, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire se rendit en
Azerbaïdjan et rencontra les requérants, qui, d'après la description qu'il en fit, portaient des
« marques physiques » de mauvais traitements.

D'après le Gouvernement, les deux requérants ont été arrêtés après que la police a reçu des
informations qui laissaient penser qu'ils étaient impliqués dans un trafic de stupéfiants. Ils auraient
bénéficié du concours d'avocats commis d'office et rémunérés par l'État, et ils auraient été inculpés
après la découverte d'éléments de preuve. Ils auraient par ailleurs été soumis, au centre de
détention, à un examen médical qui n'aurait révélé aucune lésion. L'enquête pénale aurait conclu à
l'absence de fondement de leurs allégations de mauvais traitements aux mains de la police.
Les requérants furent placés en détention provisoire dans l'attente de leur procès et les juridictions
internes rejetèrent les recours qu'ils formèrent aux fins de contester les décisions relatives à leur
détention ainsi que leurs demandes de mise en liberté. En 2016, ils furent reconnus coupables de
détention et trafic de stupéfiants et furent condamnés à dix ans d'emprisonnement. Ils bénéficièrent
d'une grâce présidentielle et furent remis en liberté en mars 2019.

Griefs, procédure et composition de la Cour
Invoquant l'article 3 (interdiction de la torture et des traitements inhumains ou dégradants), les
requérants alléguaient qu'ils avaient subi des mauvais traitements aux mains de la police lors de leur
arrestation et de leur garde à vue. Sur le terrain du même article, ils dénonçaient une absence
d'enquête effective.
Sous l'angle de l'article 5 § 1 (droit à la liberté et à la sûreté), ils alléguaient que leur arrestation
n'était pas fondée sur des soupçons plausibles. Invoquant les articles 5 et 6 (droit à un procès
équitable), ils se plaignaient en outre d'une absence de motifs pertinents et suffisants propres à
justifier leur détention provisoire, et d'une absence de contrôle judiciaire effectif de la légalité de
leur détention.
Invoquant l'article 18 (limitation de l'usage des restrictions aux droits) combiné avec l'article 5, ils
alléguaient que les autorités internes avaient restreint leur droit à la liberté dans un but non prévu
par la Convention, à savoir les sanctionner pour leurs graffitis contenant des slogans politiques.
Enfin, ils formulaient des griefs sur le terrain de l'article 10 (liberté d'expression) et de l'article 8
(droit au respect de la vie privée et familiale) lu isolément et en combinaison avec l'article 18.
La requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l'homme le 25 octobre 2016.
L'arrêt a été rendu par une chambre de sept juges composée de :
Síofra O'Leary (Irlande), présidente,
Gabriele Kucsko-Stadlmayer (Autriche),
André Potocki (France),
Yonko Grozev (Bulgarie),
MArtiS Mits (Lettonie),
Latif Hüseynov (Azerbaïdjan),
Lado Chanturia (Géorgie),
ainsi que de Claudia Westerdiek, greffière de section.

Décision de la Cour
Article 3
Mauvais traitements aux mains de la police
La Cour note que les parties divergent sur la question de savoir si les requérants ont été victimes de
mauvais traitements. Le Gouvernement conteste en tous points les allégations formulées par les
requérants à cet égard. Dans ses observations, il invoque les dossiers médicaux et les comptes
rendus des examens médico-légaux qui, d'après lui, ne font état d'aucune lésion.
La Cour considère néanmoins qu'il y a en faveur des requérants plusieurs éléments propres à valoir
un commencement de preuve : leurs allégations concordent avec les conclusions du Groupe de
travail des Nations unies sur la détention arbitraire, qui a relevé sur le corps des requérants des
traces de mauvais traitements ; leur avocat, qui a été témoin des mauvais traitements en question, a
corroboré leurs allégations ; et le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou
traitements inhumains ou dégradants (CPT) a formulé des observations concordantes au cours de
visites en Azerbaïdjan.
Le Gouvernement n'a formulé aucune observation ni fourni aucune explication à propos des
éléments invoqués par les requérants. Par ailleurs, les documents médicaux auxquels il renvoie ne
peuvent constituer un motif de rejet des allégations des requérants. En effet, un rapport médical fait
par exemple état de « rougeurs superficielles » sur le cou du premier requérant sans en expliquer la

cause. La Cour relève en outre plusieurs incohérences dans les rapports concernant les dates
d'admission des requérants au centre de détention.
La Cour prend également note des remarques du CPT, qui dénonce des retards systématiques en
matière d'accès à un avocat et explique que les suspects ne peuvent généralement bénéficier de
l'assistance de l'avocat de leur choix qu'après avoir fait des aveux en présence d'un avocat commis
d'office. Elle considère que le fait que les requérants se soient incriminés eux-mêmes alors qu'ils
étaient uniquement représentés par un avocat commis d'office renforce la crédibilité de leurs
allégations de mauvais traitements.
La Cour juge qu'il est établi au-delà de tout doute raisonnable que les requérants ont subi aux mains
d'officiers de police des mauvais traitements dont le but était de les contraindre à « avouer » des
infractions graves qui, d'après les intéressés, avaient été inventées de toutes pièces.
Compte tenu des éléments de preuve à sa disposition, la Cour considère que les requérants ont été
victimes de traitements inhumains et dégradants aux mains de la police, et qu'il y a donc eu violation
de l'article 3 sous son volet matériel.
Enquête sur les allégations de mauvais traitements formulées par les requérants
La Cour rappelle sa jurisprudence relative à l'article 3, qui impose aux États parties à la Convention
l'obligation procédurale de mener une enquête effective face à des allégations crédibles de mauvais
traitements aux mains de l'État ou de ses agents. Elle note qu'elle a été appelée à connaître d'autres
affaires contre l'Azerbaïdjan dans lesquelles des problèmes similaires à ceux évoqués par les
requérants avaient été constatés dans le cadre d'enquêtes de ce type.
Dans le cas d'espèce en particulier, les requérants ont dû attendre deux semaines à partir du
moment où ils se sont plaints de mauvais traitements pour que des examens médico-légaux soient
réalisés. De plus, alors qu'elles avaient le temps de le faire, les autorités n'ont pas obtenu les images
de vidéosurveillance du commissariat et de son centre de détention, dont la durée de conservation
était de sept jours.
En outre, l'agent chargé d'enquêter sur les allégations de mauvais traitements formulées par les
requérants a omis de prendre des mesures pour inspecter le commissariat et relever des éléments
de preuve. Il s'est borné à envoyer des questions, s'appuyant ensuite sur les réponses écrites qui lui
avaient été envoyées par des policiers du commissariat où les requérants disaient avoir subi des
mauvais traitements.
La Cour considère que les autorités ont échoué à mener une enquête effective sur des allégations
crédibles de mauvais traitements. Elle relève en effet que selon le CPT, le manque d'effectivité de
pareilles enquêtes fait de « la situation dans le pays une exception au sein du Conseil de l'Europe ».
Elle conclut donc qu'il y a eu violation de l'article 3 sous son volet procédural.
Article 5 § 1
Les requérants soutiennent que les stupéfiants qui ont été retrouvés sur eux et à leurs domiciles
respectifs avaient été placés là par la police, dans le but de les punir d'avoir fait des graffitis sur la
statue. Ils allèguent en conséquence qu'il n'y avait pas de raison plausible de soupçonner qu'ils
avaient commis une infraction pénale, et que leur arrestation et leur détention étaient donc
injustifiées. Le Gouvernement conteste cette thèse.
La Cour relève que les requérants étaient tous deux membres du mouvement NIDA, une
organisation pour la jeunesse qui organise et conduit des manifestations contre le gouvernement.
Elle note qu'elle a déjà conclu, dans d'autres affaires, que les autorités avaient ciblé cette
organisation et ses membres au motif qu'ils appartenaient à des « forces destructrices radicales ».
Le Gouvernement ayant argué que l'arrestation des requérants était fondée sur des informations
opérationnelles et d'autres éléments de preuve qui avaient été recueillis par les autorités d'enquête,

la Cour examine le dossier de la procédure pénale pour détention et trafic de stupéfiants qui avait
visé les requérants.
Elle note tout d'abord que les affaires n'étaient pas liées l'une à l'autre d'un point de vue formel,
mais que la procédure contre chacun des requérants a en substance suivi le même schéma. Tous
deux ont notamment été accusés d'avoir obtenu les stupéfiants dans des circonstances similaires,
auprès de ressortissants iraniens. Les autorités ont également pris les mêmes mesures d'instruction,
et il apparaît même que le libellé des rapports rédigés dans le cadre des enquêtes était identique.
La Cour relève également le calendrier des faits : les autorités ont arrêté les requérants le jour même
où elles ont reçu les informations concernant leur implication dans un trafic de stupéfiants, et leur
placement dans le centre de détention et leur présentation devant un tribunal remontent à la même
période.
La Cour procède à une analyse plus approfondie des informations opérationnelles que les autorités
disent avoir reçues concernant l'implication des requérants dans un trafic de stupéfiants, ainsi que
des mesures prises par les autorités d'enquête.
Sur le premier point en particulier, il ressort des informations opérationnelles que les personnes
soupçonnées de trafic de stupéfiants étaient simplement désignées par les noms « Giyas » et
« Bayram », sans autre précision permettant d'identifier les requérants. La Cour constate une
« absence de preuves » entre la réception des informations en question et l'arrestation des
requérants. Le dossier ne laisse apparaître aucun autre document ou pièce propre à montrer que les
enquêteurs avaient établi un lien entre les informations recueillies et les requérants.
Les mesures d'enquête prises après l'arrestation des requérants ont principalement consisté en des
fouilles menées sur la personne des requérants et à leurs domiciles respectifs. Cependant, les
fouilles corporelles se sont déroulées au commissariat, dans des circonstances similaires à d'autres
affaires où le fait que les policiers n'aient pas fouillé les suspects juste après leur arrestation avait
légitimement fait craindre que les policiers n'aient « placé » eux-mêmes les éléments de preuve.
En outre, les requérants ont été fouillés alors qu'ils étaient victimes de mauvais traitements aux
mains de la police. Du plus, alors que le motif invoqué pour justifier leur arrestation était leur
implication supposée dans un trafic de stupéfiants, les policiers n'ont fait aucun effort pour trouver
des éléments de preuve propres à étayer leurs accusations, comme la présence de liquidités, des
informations concernant d'éventuels fournisseurs ou acheteurs, ou encore la présence de matériel
nécessaire à ce type d'activité - balance, matériel de conditionnement, etc.
Compte tenu de ces éléments et d'autres facteurs, la Cour estime que les pièces qui lui ont été
présentées ne satisfont pas la norme minimale fixée par la Convention concernant la plausibilité des
soupçons requis pour justifier l'arrestation d'un individu. Elle conclut donc que les requérants ont
été privés de leur liberté alors qu'il n'y avait pas de raison plausible de soupçonner qu'ils avaient
commis une infraction pénale, ce qui emporte violation de l'article 5 § 1.
Article 5 §§ 3 et 4
Sur le terrain des articles 5 et 6, les requérants se plaignent des décisions qui ont été rendues par les
juridictions internes. La Cour décide d'examiner ces allégations sous l'angle de l'article 5 §§ 3 et 4.
Néanmoins, compte tenu des conclusions qu'elle a formulées sous l'angle de l'article 5 § 1, elle
considère qu'il n'est pas nécessaire qu'elle examine ces griefs sur le terrain de l'article 5 § 3.
Dans Aliyev c. Azerbaïdjan, la Cour avait conclu à l'existence d'un manquement systémique des
juridictions internes à protéger les justiciables contre l'arrestation et le maintien en détention
provisoire arbitraires. Le Gouvernement n'ayant présenté aucun fait ni aucun argument propre à la
persuader de conclure autrement en l'espèce, elle conclut donc à une violation des droits des
requérants découlant de l'article 5 § 4.

Article 18 combiné avec l'article 5
Les requérants arguent que le but réel de leur arrestation et de leur détention, qui étaient selon eux
fondées sur des éléments de preuves qui avaient été placées à dessein par les policiers, était de les
sanctionner pour avoir peint des graffitis sur la statue de l'ancien président. Ils allèguent en outre
qu'il s'agissait également d'un avertissement destiné à dissuader d'autres personnes de commettre
des faits similaires. Le Gouvernement soutient que les allégations des requérants relèvent de la
spéculation et qu'aucune des mesures prises à leur encontre n'était motivée par des considérations
politiques.
La Cour considère que ce qui est arrivé aux requérants s'inscrit en droite ligne d'un schéma qu'elle a
déjà identifié dans des affaires antérieures d'arrestation et de détention arbitraires d'opposants au
gouvernement, d'activistes de la société civile et de défenseurs des droits de l'homme, lesquels
avaient fait l'objet à titre de représailles de poursuites et d'une interprétation abusive du droit
pénal, en violation de l'article 18.
Premièrement, les requérants étaient membres du mouvement NIDA, une organisation favorable à
l'opposition, et ils furent arrêtés et placés en détention peu de temps après qu'ils eurent peint sur la
statue de l'ancien président de l'Azerbaïdjan des slogans à tonalité politique. Deuxièmement, ils
furent accusés d'avoir commis des infractions graves en lien avec la détention et le trafic de
stupéfiants, sans qu'il existât de « raison plausible » de les soupçonner d'avoir commis une telle
infraction. Troisièmement, il ressort d'affaires antérieures que les autorités ciblaient le mouvement
NIDA et ses membres. Quatrièmement, la situation des requérants doit s'apprécier à la lumière de la
situation en Azerbaïdjan, où des opposants au gouvernement et d'autres activistes ont été victimes
d'arrestations et de détentions arbitraires.
La Cour considère que les autorités internes ont restreint le droit des requérants à la liberté dans un
but non prévu par l'article 5 § 1 c) de la Convention, à savoir dans le but de les sanctionner pour
avoir peint des graffitis sur la statue de l'ancien président et pour avoir formulé des slogans
politiques contre le gouvernement. Il y a donc eu violation de l'article 18 combiné avec l'article 5.
Compte tenu de cette conclusion, la Cour considère qu'il n'est pas utile d'examiner séparément les
allégations formulées par les requérants sous l'angle de l'article 8 et de l'article 18 combiné avec
l'article 8.
Article 10
La Cour considère que les actes des requérants s'analysent en une forme d'expression politique
couverte par la Convention. Leur arrestation et les poursuites dont ils ont fait l'objet s'analysent en
une ingérence dans leur droit à la liberté d'expression qui ne peut se justifier que dans certains cas.
Cependant, plutôt que d'agir dans les limites de la loi, les autorités ont choisi en représailles de
poursuivre les requérants pour détention et trafic de stupéfiants. Pareille ingérence dans l'exercice
par les requérants de leur droit à la liberté d'expression était non seulement illégale mais aussi
manifestement arbitraire et incompatible avec le principe de la prééminence du droit, expressément
mentionné dans le préambule de la Convention et inhérent à tous les articles de la Convention.
La Cour conclut qu'il y a eu violation de l'article 10.
Satisfaction équitable (Article 41)


La Cour dit que l'Azerbaïdjan doit verser à chaque requérant 30 000 euros (EUR) pour dommage
moral et 6 000 EUR pour frais et dépens.

L'arrêt n'existe qu'en anglais.

Rédigé par le greffe, le présent communiqué ne lie pas la Cour. Les décisions et arrêts rendus par la
Cour, ainsi que des informations complémentaires au sujet de celle-ci, peuvent être obtenus sur
www.echr.coe.int . Pour s'abonner aux communiqués de presse de la Cour, merci de s'inscrire ici :
www.echr.coe.int/RSS/fr ou de nous suivre sur Twitter @ECHRpress.
Contacts pour la presse
echrpress@echr.coe.int | tel: +33 3 90 21 42 08
Patrick Lannin (tel: + 33 3 90 21 44 18)
Tracey Turner-Tretz (tel: + 33 3 88 41 35 30)
Denis Lambert (tel: + 33 3 90 21 41 09)
Inci Ertekin (tel: + 33 3 90 21 55 30)
La Cour européenne des droits de l'homme a été créée à Strasbourg par les États membres du
Conseil de l'Europe en 1959 pour connaître des allégations de violation de la Convention
européenne des droits de l'homme de 1950.