Déclaration de la Commission sur l'arrêt rendu par la Cour de justice européenne concernant la loi sur la Cour suprême polonaise

Commission Européenne - 25/06/2019 10:25:00


Aujourd'hui, la Cour de justice européenne a jugé que la loi sur la Cour suprême polonaise, abaissant l'âge de départ à la retraite des juges de la Cour suprême, est contraire au droit de l'UE et enfreint le principe de l'inamovibilité des juges et par conséquent de l'indépendance de la justice.

En réponse à l'arrêt de la Cour, la Commission européenne a publié la déclaration suivante:

«La Commission européenne prend acte de l'arrêt de la Cour de justice européenne, qui confirme la position de la Commission.

C'est là une décision importante en faveur de l'indépendance de la justice en Pologne et ailleurs. C'est aussi une précision bienvenue sur les principes de l'inamovibilité et de l'indépendance des juges, qui constituent des éléments essentiels pour l'efficacité de la protection juridictionnelle dans l'Union européenne. Cet arrêt précise aussi que, bien que l'organisation de la justice dans les États membres relève de la compétence nationale, il n'en est pas moins demandé aux États membres, au moment d'exercer cette compétence, de se conformer aux obligations qui leur incombent en vertu de la législation de l'Union européenne. Chaque juridiction nationale est également une juridiction européenne lorsqu'elle met en oeuvre le droit de l'Union. Les États membres doivent en conséquence assurer aux justiciables le respect de leur droit à une protection juridictionnelle effective dans les domaines couverts par le droit de l'Union.

La Commission va à présent examiner l'arrêt avec soin et le reprendre dans sa communication à venir sur l'état de droit.

La Commission se dit prête à soutenir le gouvernement polonais dans l'application de cet arrêt et à poursuivre les discussions sur la résolution de toutes les autres questions en suspens ayant trait à l'état de droit en Pologne dans le cadre de la procédure en cours prévue à l'article 7.

L'état de droit est un pilier fondateur de notre Union et la Commission européenne, en tant que gardienne des traités, fera toujours tout ce qui est en son pouvoir pour le faire respecter.»

Contexte

La loi sur la Cour suprême polonaise a abaissé l'âge de départ à la retraite des juges de la Cour suprême de 70 à 65 ans, ce qui risque de contraindre 27 des 72 juges siégeant à la Cour suprême à prendre leur retraite. Cette mesure s'est également appliquée au premier président de la Cour suprême, dont le mandat de six ans, qui est fixé par la Constitution polonaise, prendrait fin prématurément.

En vertu de cette loi, qui est entrée en vigueur le 3 avril 2018, les juges actuels concernés par l'abaissement de l'âge de départ à la retraite ont eu la possibilité de demander une prolongation de leur mandat, laquelle pouvait être accordée par le président de la République pour une durée de trois ans renouvelable une fois. Aucun critère clair n'a été fixé aux fins de la décision du président et aucun contrôle juridictionnel n'est prévu en cas de rejet de la demande. Qui plus est, la seule garantie prévue par la loi polonaise résidait dans une consultation non contraignante du Conseil national de la magistrature.

L'état de droit est une des valeurs communes sur lesquelles est fondée l'Union européenne et auxquelles adhèrent tous les États membres. En tant que tel, il est consacré à l'article 2 du traité sur l'Union européenne.

L'état de droit est essentiel au fonctionnement de l'UE dans son ensemble, par exemple en ce qui concerne le marché intérieur et la coopération dans le domaine de la justice et des affaires intérieures; il permet de garantir que les juges nationaux qui sont également des «juges de l'UE» peuvent remplir leur rôle consistant à veiller à l'application du droit de l'UE et peuvent interagir correctement avec la Cour de justice européenne dans le cadre des procédures préjudicielles.

Conjointement avec les autres institutions et les États membres, la Commission européenne est chargée, en vertu des traités, de garantir l'état de droit en tant que valeur fondamentale de l'Union et de veiller au respect du droit, des valeurs et des principes de l'UE. Les événements survenus en Pologne ont incité la Commission européenne à engager un dialogue avec le gouvernement polonais en janvier 2016 conformément au cadre pour l'état de droit, puis à avoir recours à la procédure prévue à l'article 7, paragraphe 1, du TUE, le 20 décembre 2017. Ce processus est fondé sur un dialogue permanent entre la Commission et l'État membre concerné. La Commission informe régulièrement le Parlement européen et le Conseil.

Le 2 juillet 2018, la Commission a engagé une procédure d'infraction concernant la loi sur la Cour suprême polonaise, en raison des dispositions de ladite loi concernant le départ à la retraite et de leur incidence sur l'indépendance de la Cour suprême. Le 24 septembre 2018, la Commission a saisi la Cour de justice européenne et lui a demandé d'ordonner des mesures provisoires de nature à prévenir le préjudice irréparable qui résulterait de l'application de la nouvelle loi, ainsi qu'une procédure accélérée, afin d'obtenir une décision définitive dans les plus brefs délais. Le 17 décembre 2018, la Cour de justice a rendu une ordonnance définitive imposant des mesures provisoires destinées à arrêter l'application de la loi sur la Cour suprême polonaise. L'avocat général a rendu ses conclusions le 11 avril de cette année.