Des facteurs génétiques à l'origine de la sensibilité des Asiatiques et des Européens à la dengue sévère

Institut Pasteur - 23/02/2018 17:05:00

Les populations ne présentent pas toutes la même sensibilité aux maladies infectieuses tropicales qui se propagent à travers la planète en raison de la mondialisation et du changement climatique. Ainsi, des chercheurs de l'Institut Pasteur, du CNRS et de l'Institut de recherche et d'innovation en santé de l'Université de Porto (i3S) ont identifié des variants géniques communs prédisposant davantage les personnes d'origine asiatique et européenne que les individus d'origine africaine au développement de la dengue sévère, pouvant mener jusqu'à un syndrome de choc qui peut être mortel. Ces résultats ont été publiés dans la revue PLOS Neglected Tropical Diseases, le 15 février 2018.

La dengue est endémique des régions tropicales et subtropicales d'Asie de l'Est et des Amériques, mais le virus responsable de la maladie a récemment atteint l'Amérique du Nord et l'Europe à cause de l'implantation dans ces régions de ses vecteurs, les moustiques du genre Aedes. Le virus de la dengue peut provoquer une grande diversité d'états pathologiques, allant de la fièvre classique au syndrome de choc pouvant entraîner la mort. La diversité ethnique a longtemps été considérée comme l'un des facteurs expliquant la prévalence supérieure des formes sévères de la dengue en Asie du Sud-Est, comme ont déjà pu le montrer des études épidémiologiques, mais sans que cela ne soit expliqué au niveau de la génétique humaine.

Dans cette nouvelle étude, l'équipe d'Anavaj Sakuntabhai, responsable de l'unité de Génétique fonctionnelle des maladies infectieuses à l'Institut Pasteur et du CNRS, en collaboration avec l'Institut de recherche et d'innovation en santé de l'Université de Porto (i3S), s'est penchée sur la génétique de 411 patients admis pour une infection par le virus de la dengue dans trois hôpitaux thaïlandais entre 2000 et 2003.

Les chercheurs ont identifié deux gènes impliqués dans l'inflammation des vaisseaux sanguins qui confèrent un risque de dengue sévère, et quatre liés au métabolisme qui influent sur le risque de dengue classique. Des expériences supplémentaires ont montré que des variations génétiques ont conduit à des changements observables de la dynamique des cellules. De plus, la comparaison avec des bases de données génétiques d'individus d'origine africaine et européenne a permis de montrer que la prévalence de ces variations dépend de l'ascendance ethnique.

Anavaj Sakuntabhai, responsable de l'unité de Génétique fonctionnelle des maladies infectieuses
Le risque génétique spécifique conféré par ces gènes indique que les individus d'Asie du Sud-Est et du Nord-Est sont hautement sensibles aux deux phénotypes de la dengue, tandis que les Africains sont les mieux protégés contre la dengue sévère. Quant aux Européens, ils sont moins sensibles à la dengue classique, mais plus à la dengue sévère.

Ces travaux ouvrent de nouvelles pistes pour mieux comprendre la physiopathologie de cette maladie infectieuse et pour concevoir de nouvelles approches thérapeutiques.

Source
Joint ancestry and association test indicate two distinct pathogenic pathways involved in classical dengue fever and dengue shock syndrome, PLOS Neglected Tropical Diseases, 15 février 2018