Des dinosaures parents-poules

CNRS - Centre National de Recherche Scientifique - 29/06/2017 09:40:00


Une méthode inédite d'analyse géochimique d'oeufs fossilisés provenant de Chine a montré que les oviraptorosaures couvaient leurs oeufs avec leurs corps, à l'instar des oiseaux d'aujourd'hui, et en les maintenant à une température comprise entre 35°C et 40°C. Ce résultat est le fruit d'une collaboration franco-chinoise coordonnée par Romain Amiot du Laboratoire de géologie de Lyon : Terre, planètes et environnement (CNRS/ENS de Lyon/Université Claude Bernard Lyon 1). L'article est publié dans la revue Palaeontology disponible en ligne le 28 juin 2017.

Les stratégies de reproduction des dinosaures, et notamment le mode d'incubation de leurs oeufs, soulèvent encore de nombreuses questions scientifiques. Jusqu'alors, les interprétations se basaient sur des indices indirects tels que la morphologie de coquilles d'oeufs fossilisés ou l'organisation des nids. Des chercheurs lyonnais, en collaboration avec une équipe chinoise, ont mis au point une méthode basée sur l'analyse géochimique d'oeufs fossilisés et ont déterminé pour la première fois que la température d'incubation des oeufs d'oviraptorosaures était comprise entre 35 et 40°C.

Les oviraptorosaures étaient des dinosaures bipèdes couverts de plumes et munis d'un bec leur donnant l'apparence de certains oiseaux. Appartenant au groupe des théropodes1, ils pesaient quelques dizaines de kilos et pouvaient atteindre deux mètres de long. Afin de déterminer la température à laquelle ces dinosaures incubaient leurs oeufs, les chercheurs ont analysé sept oeufs fossilisés provenant du sud de la Chine. Ces derniers, vieux de 70 millions d'années, contenaient encore des embryons. Leurs coquilles ainsi que leurs os ont été analysés afin d'obtenir leur composition isotopique en oxygène2. En effet, lors de la formation du squelette, l'oxygène des fluides de l'oeuf va être transmis aux os avec une abondance isotopique qui dépend de la température de l'oeuf. En prenant en compte ces mesures, les chercheurs ont pu modéliser, avec l'aide d'un collègue physiologiste, les différentes étapes de développement intégrant les compositions isotopiques de l'oxygène. Ils ont ainsi pu retrouver la température à laquelle l'oeuf s'était formé : entre 35 et 40°C. À titre de comparaison, la température d'incubation d'un oeuf de crocodile, animal enterrant ses oeufs, est d'environ 30°C, alors que celle d'un oeuf de poule est de 37,5°C. Selon les chercheurs, la température d'incubation déterminée pour les oeufs d'oviraptorosaures est donc cohérente avec le mode de couvaison supposé de ces dinosaures.

Ce résultat confirme la découverte, dans les années 90, d'oviraptorosaures fossilisés étendus sur leur ponte qui suggérait qu'ils couvaient leurs oeufs. Ce travail ouvre également de nouvelles perspectives en paléontologie : la méthode proposée permettra de connaître quelles étaient les stratégies d'incubation adoptées par les autres dinosaures. Certains, pesant plusieurs dizaines de tonnes, ne pouvaient vraisemblablement pas s'allonger sur leurs oeufs pour les couver, mais utilisaient peut-être des sources de chaleur externes en recouvrant par exemple leur ponte d'un monticule de végétaux procurant de la chaleur par décomposition. La température d'incubation qui sera estimée reflétera la stratégie employée, sous réserve d'avoir accès à ces fossiles aussi rares que précieux.

Au sein d'une collaboration franco-chinoise, ces travaux impliquent le Laboratoire de géologie de Lyon : Terre, planètes et environnement (CNRS/ENS de Lyon/Université Claude Bernard Lyon 1), le Laboratoire de biologie et de biométrie évolutive (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1/VetAgroSup) ainsi que le Laboratoire d'écologie des hydrosystèmes naturels anthropisés (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1/ENTPE).

Photo: © Romain Amiot oeuf d'oviraptorosaure préparé montrant le squelette de l'embryon préservé. Échelle 1cm.