A l'occasion de la Journée internationale des femmes juges : entretien avec Mme Prathiba M. SINGH Juge à la Haute Cour de Delhi, New Delhi (Inde)

OMPI - Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle - 04/06/2024 10:25:00




À l'occasion de la Journée internationale des femmes juges, l'OMPI rend hommage à l'important travail effectué par ces femmes dans le domaine de la propriété intellectuelle, notamment pour faire en sorte que le système de la propriété intellectuelle favorise l'innovation et la créativité dans l'intérêt de toutes et de tous. À mesure que l'importance culturelle, sociale et économique des droits de propriété intellectuelle s'accroît, la portée des jugements en la matière s'étend également dans le monde entier. Les femmes juges jouent un rôle de premier plan en permettant à nos sociétés de saisir les opportunités et de relever les défis posés par la propriété intellectuelle dans un environnement mondial en pleine mutation.

Pourquoi êtes-vous devenue juge et avez-vous intégré la fonction publique, et que cela a-t-il signifié pour vous personnellement?

J'ai pratiqué pendant 25 ans le droit de la propriété intellectuelle des entreprises, et suis intervenue dans quelques litiges à titre gracieux. Cela m'a permis de me forger une solide expérience de la propriété intellectuelle, mais j'ai compris que le droit était un domaine très vaste et que je voulais pouvoir faire quelque chose pour la société et me rendre utile. J'ai été attirée par la magistrature car, en tant que juge, nous pouvons apporter des changements importants dans la vie des gens et influer sur les systèmes dans lesquels nous travaillons.


Par exemple, certaines de mes activités extrajudiciaires m'ont amenée à travailler au sein de divers comités et à contribuer à l'administration judiciaire, notamment avec la création récente d'une division exclusive de la propriété intellectuelle au sein de la Haute Cour de Delhi, qui reçoit chaque année environ 500 nouvelles affaires de propriété intellectuelle, soit le nombre le plus élevé du pays. Je suis très fière d'être devenue l'une des deux juges spécialisées en propriété intellectuelle de cette division, avec une autre femme juge, Mme Jyoti Singh. Devenir juge m'a permis de mûrir énormément, non seulement en touchant à tous les domaines du droit et de la jurisprudence, mais aussi en tant que personne.

Avez-vous eu des modèles ou des mentors féminins?


Plusieurs femmes m'ont inspirée. Ma grand-mère m'a appris à avoir confiance en moi et à être indépendante. Les juges en Inde sont des exemples particulièrement édifiants. Mme Ruma Pal, une juge retraitée de la Cour suprême de l'Inde, était extrêmement compétente, y compris dans les litiges entre entreprises, et les avocats étaient toujours très heureux de lui soumettre des affaires complexes. Elle a donc fait mentir le vieux stéréotype selon lequel les femmes juristes et juges étaient plus adaptées aux domaines du droit autres que le droit des affaires, comme les litiges familiaux. Sans oublier Mme Leila Seth, première femme juge à la Haute Cour de Delhi, et première présidente d'une Haute Cour. Sur le plan international, j'ai considéré Mme Ruth Bader Ginsburg, de la Cour suprême des États-Unis d'Amérique, comme un modèle, non seulement sur le plan professionnel, mais aussi pour la manière dont elle a mené sa vie jusqu'à un âge avancé.

Quelle est la meilleure partie du métier de juge?


Être capable de rendre la justice et de résoudre les problèmes immédiatement, à chaque fois que cela est nécessaire. C'est une grande responsabilité, et elle peut être utilisée pour apporter la paix et l'harmonie dans la vie des personnes, que ce soit dans leur vie familiale ou dans des litiges commerciaux. La portée positive de votre action en tant que juge fait que ce métier en vaut vraiment la peine.

Vous avez eu une longue carrière dans la propriété intellectuelle, comme avocate puis comme juge. Qu'est-ce qui vous a attiré vers la propriété intellectuelle en premier lieu?


Pour moi, la propriété intellectuelle comporte deux dimensions importantes : premièrement, l'objectif de l'innovation est de résoudre des problèmes pour l'humanité, par exemple en créant des vaccins pendant cette pandémie. Et deuxièmement, en parallèle, de rendre ces innovations accessibles à la société. J'ai toujours fait mon possible pour faire progresser à la fois l'innovation et l'accès à l'innovation - pour protéger la propriété intellectuelle et la rendre plus accessible.

Quelle est votre expérience des litiges de propriété intellectuelle? Quelle est la partie la plus stimulante?


Le droit de la propriété intellectuelle est confronté à la plus grande transformation qu'il ait jamais connue en raison de la révolution numérique. La propriété intellectuelle se déplace à l'échelle mondiale et les frontières territoriales sont souvent franchies en cas d'atteintes, ce qui rend les affaires de plus en plus complexes. Il existe également un chevauchement entre le droit de la propriété intellectuelle et le droit de la concurrence, qui se situent aux deux extrémités d'un spectre, et les juges ont la difficile tâche de trouver un équilibre adéquat entre les objectifs de chacun.

Quel est votre conseil aux femmes qui se consacrent ou se destinent à une carrière dans le domaine juridique ou judiciaire?


J'aimerais que les femmes sachent que la propriété intellectuelle est un excellent secteur d'activité, qui apporte beaucoup de satisfaction et de bonheur! Mais quelle que soit la branche du droit dans laquelle elles exercent, j'aimerais voir de plus en plus de femmes devenir juges. Je constate que les femmes font d'excellents juges, qu'elles sont capables de trouver un équilibre entre les nombreux défis qui se posent et de proposer des solutions positives dans toutes les affaires, quel que soit le domaine du droit. Au sein du système judiciaire, le moyen de faire progresser les femmes est de veiller à ce qu'elles ne soient pas limitées à certains types d'affaires - elles devraient acquérir de l'expérience en matière de jugement dans tous les domaines, y compris les affaires techniques de propriété intellectuelle.


Photo Mme Prathiba Singh en audience