"Sondor, le site où débattent les mortels et les dieux" d'Yvette Beoutis - chapitre V et IV

Yvette Beoutis - 21/11/2023 10:05:00



Vue de la ville de Cuzco à l'époque Inca


Cuzco, la capitale des Incas, était déjà à cette époque une grande métropole très développée qui comptait un vaste réseau routier, de nombreuses forteresses, palais, temples et maisons bâtis sous forme d'ensembles de pierre. Cuzco disposait aussi de nombreuses places de rues bien tracées, de nombreuses fontaines assorties de canaux d'eaux potables et d'irrigation. La cité comptait aussi des réserves d'aliments et des minerais, surtout d'or, d'argent et de cuivre, administrées par des fonctionnaires instruits, minutieux et imprégnés des principes Cuzquéniens de « ne pas voler », « ne pas mentir » et « ne pas être oisif ».

Ces fonctionnaires contrôlaient efficacement ces richesses et ces réserves en utilisant un système de comptabilité fait de fils de laine et de coton avec des noeuds appelés « quipus ». Les enfants Cuzquéniens appartenant à la classe dirigeante étaient élevés dans des écoles particulières, la majeure partie de la population étant destinée à l´agriculture, aux mines, à la construction de terrasses agricoles ou « andenes » et à celle de barrages hydrauliques. La production était partagée de façon égale, l´Empereur Inca et le service du culte recevant cependant une part plus importante.



Vue urbanistique de la ville de Cuzco à l'époque Inca


La société Cuzquénienne était paisible car elle respectait la loi. Peu de gens étaient en prison.

Cependant, cette situation changea lorsque l´Empereur Inca Wiracocha quitta Cuzco, pour entreprendre la conquête d´autres territoires et laissa la capitale sous la responsabilité d'Urco, son fils préféré.

Urco était un jeune Prince vaniteux en raison de son origine noble, mais aussi complexé car il souffrait d'un trouble de la parole. Il agissait toujours contre les valeurs promues par la culture Inca. Paresseux, ivrogne et bagarreur, il violait les femmes quelle que soit leur condition. Bien que son père, l'Inca Wiracocha, lui ait laissé le contrôle de l´Empire, il n'avait jamais usé de sa position avec responsabilité.

Bien au contraire, toute la charge de ses fonctions, il la délégua à sa famille et à ses amis, tous aussi irresponsables que lui, et Urco ne leur réclamait aucun compte. Il les encourageait à dépenser sans contrôle en fêtes et orgies en son honneur et à s´approprier les richesses de l'Empire dans un pacte secret de protection mutuelle, de silence complice et d'injustice. Les trois principes moraux de l´empire n´étaient plus respectés. Pour la première fois, les pénuries et les désordres apparurent à Cuzco.

Se rendant compte qu'Urco menait l´Empire au chaos, un autre fils de Wiracocha, le Prince Cusi Yupanqui, soutenu par son frère Capac Yupanqui et le General Apo Mayta, décida de le renverser et de rétablir l´ordre. Cusi Yupanqui était l'opposé d'Urco : grand et imposant, fort tant physiquement que moralement et fin d'esprit. Dès son plus jeune âge, il s'était imposé par son courage, son honnêteté et ses talents de commandement.


Plusieurs jours s´étaient écoulés depuis que l´armée Chanca avait traversé le fleuve Apurímac pour entrer dans la Vallée du fleuve Urubamba à la porte de la cité de Cuzco. Le climat était différent. Finies les températures tempérées d´Andahuaylas, les Chancas marchaient désormais sous les chauds rayons du soleil traversant un ciel d'un bleu intense qui contrastait avec la couleur jaune des épis de maïs se balançant au gré du vent. Tout y était abondance : un climat agréable, une production prospère d'aliments dans la vallée et les terrasses agricoles des collines environnantes. En raison de la distance parcourue Anccu Hualloc estima que l'armée se trouvait près de Cuzco.

Envoyant des soldats en repérage, ceux-ci confirmèrent que la cité était déserte car l´Inca Wiracocha comme son fils Urco et toute la Cour Cuzquénienne avaient quitté la ville , les habitants restant sur place comme enfermés dans ses murailles. C´est ainsi qu'Anccu Hualloc donna l'ordre à son armée d'investir la Cité qui lui sembla la plus belle et la plus grande qu'il eut vu jusqu'alors.


Ayant atteint la place principale, Anccu Hualloc vit de loin, dans la partie haute des montagnes qui entouraient Cuzco, tout d'abord ce qui ressemblait à des têtes de soldats puis une multitude de guerriers Cuzquéniens portant massues et gourdins pour passer à l'attaque.




Le prince Cusi Yupanqui

C'était l´armée du Prince Cusi Yupanqui qui, ayant pris le pouvoir s'était assigné la mission de défendre la capitale. Tout à l'inverse de son père Wiracocha et de son frère Urco qui l'avaient abandonnée. Afin de paraître plus nombreuse qu'elle n'était, l´armée Inca avait placé des pierres dans la partie haute des montagnes avec des archets et des lances pour leurrer les Chancas. En outre, quelques Coyas et Princesses de la Cour, ainsi que des femmes de généraux, lançaient des bûches et des pierres du haut de la forteresse de Sacsayhuaman pour lutter elles aussi contre l'ennemi. C'est à ce moment que Cusi Yupanqui, âgé de vingt ans, réussit à s´emparer des reliques du héros Uscovilca considérées comme protectrices de l´armée Chanca, causant ainsi la démoralisation des troupes et leur fuite.

Anccu Hualloc envoya des messagers à Sóndor pour informer de la situation, et du renforcement des troupes Incas et demander en urgence l'envoi de guerriers Chancas, comme cela était convenu au départ si cette situation devit se présenter.

Ces renforts n'arrivèrent jamais. Ainsi, tout se déroulait comme l'avait prévu Guasco ; son objectif était de faire peser sur Anccu Hualloc la responsabilité de la défaite de l´armée Chanca et l'accuser d'avoir organisé avec les Cuzquéniens la victoire des troupes Incas.

Sans tarder, Cusi Yupanqui attaqua le nouveau campement Chanca et chassa les troupes en retraite jusqu´à l´intersection du fleuve Apurímac où eut lieu le dernier affrontement, les troupes Chancas tentant d´empêcher l´entrée des Cuzquéniens sur leur territoire. Cependant, ils échouèrent, car Cusi Yupanqui vainquit le reste de l'armée Chanca. Dans les eaux du fleuve Apurímac flottaient les cadavres des soldats qui semblaient maintenant teints de couleur rouge. Les pleurs de douleur des femmes et des enfants durèrent une nuit entière puis se répétèrent en écho sur les parois du canyon. Ce fut le début de la désolation et du malheur des Chancas. La plupart des généraux Chancas étaient morts, parmi eux les amis d´Anccu Hualloc : Hastu Huaraca et Tumay Huaraca.