Réunion d'urgence du Conseil de Sécurité à NEW York sur la situation au Haut-Karabakh et en Arménie - Intervention de la ministre française Catherine Colonna

Catherine Colonna Ministre de l'Europe et des affaires étrangères - 27/09/2023 14:35:00



La ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna intervenant devant le Conseil de Sécurité à NEW York

NEW York, le 21 septembre 2023

Monsieur le Président,

Je remercie le Sous-secrétaire général de sa présentation.

La France a demandé la tenue en urgence de cette réunion du Conseil de sécurité compte tenu de la gravité de la situation au Haut-Karabakh.

Après avoir massé depuis plusieurs semaines une importante quantité de troupes et de matériel militaire, l'Azerbaïdjan a décidé, le 19 septembre, de lancer une opération militaire de grande envergure. Une opération qui a mobilisé des moyens terrestres et aériens massifs, qui a touché la population civile. Une opération dont personne ne peut croire qu'elle n'avait pas été préméditée, alors même que des efforts en vue d'une solution négociée s'intensifiaient et que la veille, pour la première fois depuis trois mois, l'acheminement d'une aide humanitaire avait repris.

La France a immédiatement condamné, avec la plus grande fermeté, cette offensive inacceptable qui contrevient au principe de règlement pacifique des différends consacré par la Charte des Nations unies. Elle est loin d'avoir été la seule. Nombre de pays présents autour de cette table ont également marqué leur refus net de la violence et de l'arbitraire, en appelant l'Azerbaïdjan à faire preuve de retenue et à se conformer au droit international.

Comme c'était à craindre, le bilan de ces actions a été particulièrement lourd, causant plusieurs centaines de blessés et des dizaines de morts, y compris des civils, parmi lesquels plusieurs enfants.

Un cessez-le-feu a été annoncé hier. C'était indispensable. Il est essentiel qu'il soit respecté.

Monsieur le Président,

Ce n'est pas l'intégrité territoriale de l'Azerbaïdjan qui est en jeu ici. Personne ne la conteste. Personne ne la menace. Ce qui est en jeu, c'est la possibilité pour les populations arméniennes du Haut-Karabakh de pouvoir continuer d'y vivre dans le respect de leurs droits, de leur histoire et de leur culture. Une telle garantie ne peut exister quand le plus fort exerce une contrainte délibérée sur le plus faible, quand pèse la menace d'une intervention militaire permanente, et quand le Haut-Karabakh fait l'objet, depuis plusieurs mois maintenant, d'un blocus qui empêche la population de s'approvisionner en nourriture, en médicaments et en énergie.

La France a pris note des propos du Président Aliev, hier, affirmant son souhait de vivre en paix avec les Arméniens du Haut-Karabakh et de préserver leurs droits. Ces propos engagent l'Azerbaïdjan, qui porte aujourd'hui la responsabilité du sort de la population.

Si l'Azerbaïdjan est réellement désireux de parvenir à une solution pacifique et négociée, il doit dès à présent fournir des garanties tangibles :

il doit s'engager de bonne foi dans les discussions, en excluant tout recours à la force ou toute menace de recours à la force et en acceptant que ce dialogue porte sur les droits et garanties de la population, avec le soutien de la communauté internationale ;
il doit assurer l'amnistie aux forces qui ont accepté le cessez-le-feu ;
il doit rétablir, sans délai et sans condition la circulation par le corridor de Latchine, conformément à l'ordonnance rendue par la Cour internationale de Justice le 22 février 2023, et confirmée depuis par la Cour ;
enfin, il doit accepter une présence internationale humanitaire au Haut-Karabagh. C'est indispensable alors que l'hiver approche.
Sans ces garanties, il ne pourra pas y avoir de solution.

Monsieur le Président,

Ce n'est malheureusement pas la première fois que la France alerte ce Conseil sur la gravité de la situation au Haut-Karabakh. Ce n'est pas la première fois qu'elle fois qu'elle appelle à se mobiliser pour éviter un drame humain et une aggravation de cette crise qui risque de déstabiliser profondément la région du Sud-Caucase.

Les événements des derniers jours le confirment : nous ne pouvons rester passifs et détourner le regard de ce qui se joue actuellement au Haut-Karabakh, au risque de nous rendre complices de l'exode massif d'une population qui est déjà très éprouvée. Plusieurs informations font état, depuis hier, de nombreux départs en préparation alors même que près de 10% de la population du Haut-Karabakh a été déplacée en raison de l'offensive menée par l'Azerbaïdjan le 19 septembre.

Ce Conseil doit contribuer de manière active à résoudre la crise. Il doit défendre les principes de la Charte et de la sécurité internationale en apportant son soutien actif à la définition des paramètres d'une solution négociée entre Bakou et les Arméniens du Haut-Karabakh. Il doit dire clairement sa détermination à faire respecter le droit international, en tout temps et en tout lieu. Et il doit rester vigilant face à toute tentative visant à entrainer l'Arménie dans ces événements tragiques et à en prendre prétexte pour remettre en cause son intégrité territoriale.

Le Premier Ministre Pachinian a montré au cours des derniers mois son sens des responsabilités, son souhait de la désescalade et son engagement pour trouver une solution négociée avec l'Azerbaïdjan, basée sur la reconnaissance et le respect de la souveraineté territoriale de chacun des deux pays, dans des frontières précisément délimitées et démilitarisées.

La France est mobilisée et elle continuera de l'être, au sein de ce Conseil comme dans toutes les enceintes pertinentes, pour une paix juste et durable dans le Caucase du sud, au bénéfice de toutes les populations de la région. Elle est prête à travailler avec tous ceux qui poursuivent le même objectif.

Je vous remercie.