République Démocratique du Congo : Entretien avec Keneth EHOUZOU Représentant adjoint du Fonds des Nations Unies pour la Population

CIJF - Comité International des Jeux de la Francophonie - 19/09/2023 09:20:00



Keneth EHOUZOU Représentant adjoint de l'UNFPA, l'agence des Nations Unies pour la population


Keneth EHOUZOU, de nationalité franco-béninoise, est représentant adjoint de l'UNFPA, le fonds des Nations Unies pour la population, en République Démocratique du Congo (RDC) qui travaille ce pays depuis 1978, et plus spécifiquement de l'agence onusiene en charge de la santé sexuelle et reproductive. Depuis 2009, Keneth EHOUZOU a travaillé dans plusieurs pays et assuré différentes fonctions au sein des Nations Unies. A l'occasion des Jeux de la Francophonie, le plus grand rendez-vous de la jeunesse francophone qui réunissait 4000 athlètes et artistes, Keneth EHOUZOU a mis en place un partenariat avec le Comité d'organisation congolais des Jeux


Q : Quelle est votre rôle en République Démocratique du Congo et au titre des Jeux de la Francophonie ?

Nous sommes dans le cinquième cadre de coopération approuvé par le gouvernement qui donne lieu à un document cadre présenté aux bailleurs de fonds. Ce document de travail présente les moyens mis en oeuvre pour atteindre trois objectifs principaux à l'horizon 2030 : zéro décès maternels évitable, lors de l'accouchement, zéro besoin non satisfait en planification familiale et zéro violence basée sur le genre. Pour ce faire, notre rôle est de nous assurer que les jeunes et les femmes aient accès à l'information et aux services sur la santé de la reproduction, mandat donné aux Nations Unies en 1994 lors de la conférence internationale du Caire sur la population et le développement.

Notre mission est compliquée par le contexte du pays, notamment en raison des conflits armés à l'Est, de la pauvreté, des difficultés de développement et du départ de la MONUSCO - Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation.

Pourtant, les besoins de la population sont importants, avec 68% de moins de 25 ans, raison pour laquelle la jeunesse est un moteur ici, le premier rapport sexuel à environ 16 ans, le quart des adolescentes qui deviennent mères et un indice de fécondité de 6,2 enfants par femme, le plus haut taux après le Niger, ces chiffres expliquant les risques existants : maladies sexuelleme
nt transmissibles générant un besoin de dépistage, violences sexuelles, grossesses non désirées.
Dans le cadre des 9ème Jeux de la Francophonie, notre rôle est la prévention et l'information tant auprès des athlètes que des visiteurs. C'est pourquoi, travaillant avec le comité local d'organisation, nous avons mis à disposition, avec nos partenaires, des kits sanitaires - notamment, des moyens de contraception - et des informations. Nos stands étaient situés sur tous les lieux où se déroulaient les jeux : Palais du Peuple, Académie des Beaux-Arts, Stade des Martyres, etc. Le partenariat a été très positif car les Jeux de la Francophonie ont été un grand succès populaire et partout dans le monde, l'UNFPA est au service des populations.

Q : Pouvez-vous nous détailler les actions de l'UNFPA afin d'aboutir aux objectifs de 2030 ?
En premier lieu, afin de prévenir tout décès maternel évitable, nous travaillons, en lien avec le gouvernement, pour la formation, notamment des sage-femmes dont le travail est encouragé au titre d'une loi récemment adoptée, mais aussi pour l'information à destination de la population.

Il faut savoir qu'il y a 547 décès pour 100 mille naissances par défaut de personnels qualifiés et d'infrastructure. S'il y a un engagement fort du gouvernement, nous pouvons compter sur nos partenaires, France, Suède, Norvège et le Peace Building Fund des Nations Unies. L'UNFPA couvre sur cette thématique environ vingt provinces du pays.
En deuxième lieu, s'agissant des besoins en termes de planification familiale, et partant des chiffres existants qui sont de 33% des jeunes entre 15 et 19 ans ont des besoins qui ne sont pas satisfaits pour la planification familiale et 19% qui n'ont pas d'informations sur le VIH, notre rôle est de mettre avant l'éducation, l'information et les préservatifs. Pour ce faire, nous travaillons avec l'éducation nationale, les entreprises, les humanitaires et les communautés dans les villages.

En troisième lieu, les violences basées sur le genre et les pratiques néfastes sont alarmantes puisque plus de 60% des femmes en union estiment avoir été victimes de violence. Ceci s'explique en partie par les conflits armés, les tensions intracommunautaires, les catastrophes naturelles, la pauvreté et les mariages précoces. Notre rôle est de les prévenir et d'y apporter une réponse holistique.

En RDC, pour atteindre nos objectifs, nous devons affronter un obstacle qui est la carence dans le recensement. En effet, nous organisons le deuxième recensement du pays depuis 1984 pour lequel le gouvernement s'est engagé et qu'il a budgétisé malgré la situation politique et la période électorale en cours. Il faut aussi compter sur l'absence d'accessibilité de certains lieux pour des raisons de catastrophes naturelles/climatiques ou de guerre.


Q : Existent-ils des structures où sont traitées les victimes des viols de guerre ?


Sur ces questions, nous travaillons en coordination avec le Ministère du Genre. Nous effectuons un gros travail de sensibilisation pour que les cas de ces violences soient rapportés. Une loi visant à l'accompagnement et à la réparation des victimes vient d'être votée selon laquelle les survivants se tournent vers les services de santé pour leur prise en charge multisectorielle : juridique, médicale, santé mentale, socio-économique, etc. Pour ce faire, nous travaillons avec des acteurs divers dont le PNUD, la MONUSCO, le FONAREV et la coordination humanitaire. Les femmes leaders des groupes communautaires dans les villages sont des pièces maîtresses très engagées. Elles effectuent un travail remarquable de réintégration des victimes.


Q : Quels champs nouveaux sont-ils encore à développer ?

Il nous est nécessaire d'utiliser l'Intelligence Artificielle pour éviter la propagation des fausses nouvelles et informations chez les jeunes, fer de lance de ce continent.


Q : Qu'est-ce qui vous a conduit à l'UNFPA ?


Tout d'abord, j'ai été sensibilisé au sujet en 2006 alors que je participai à une conférence régionale des jeunes sur la population et le développement.
Des motifs touchant ma famille proche m'ont aussi motivé.
Et une expérience de terrain m'a guidée vers une enfant de 3 ans, violée, et dont le regard ne me quitte pas encore aujourd'hui.
Pour toutes ces raisons qui ont nourries ma vocation, j'ai rejoint l'UNFPA et son équipe fantastique.

entretien avec Jean François Puech Directeur de la rédaction - président




Keneth EHOUZOU visitant une maternité dans le Tanganyika



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Keneth EHOUZOU Représentant adjoint de l'UNFPA, et Jean François Puech Directeur de NEWS Press