Discours - Plan massif de recrutements pour la Justice - Cour d'appel de Colmar

Eric Dupond Moretti - Ministre de la Justice - 13/09/2023 14:15:00

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Eric Dupond Moretti

Éric Dupond-Moretti s'est rendu à la Cour d'appel de Colmar pour assister à la cérémonie de prestation de serment des nouveaux magistrats. Il a dévoilé devant les Chefs de cour une première répartition des recrutements de magistrats, greffiers et attachés de justice prévus par la loi d'orientation et de programmation 2023-2027 du ministère.


- seul le prononcé fait foi -

Monsieur le préfet,

Mesdames, messieurs les parlementaires,

Monsieur le maire,

Mesdames, messieurs les élus,

Mesdames et Messieurs les chefs de cour,

Je suis très heureux de vous retrouver aujourd'hui, en cette rentrée qui s'annonce pleine d'espérance pour la justice de notre pays.

Vous le savez, le projet de loi d'orientation et de programmation du Ministère de la justice a été voté à une large majorité par le Sénat puis par l'Assemblée nationale.

La navette parlementaire se poursuivra au début du mois d'octobre par la réunion de la commission mixte paritaire. Nous mettons toute notre énergie afin que celle-ci soit conclusive. Mon ambition est claire : je veux que ce texte, les moyens supplémentaires historiques qu'il porte et les réformes qu'il dessine, arrivent le plus vite possible dans vos juridictions. Vous l'avez compris, nous sommes encore suspendus à une approbation définitive qui interviendra dans le meilleur des cas à la mi-octobre.

Sans attendre cette échéance, j'ai souhaité vous réunir dès aujourd'hui pour vous donner à voir concrètement les effets qu'aura cette loi dans vos ressorts.

Atteindre les objectifs ambitieux de recrutements prévus par ce texte, nécessitera la mobilisation de tous, et en particulier la vôtre, vous qui gérez au quotidien les 36 cour d'appel de ce pays.

En effet, il était important pour moi de vous donner le plus de visibilité possible pour les prochains dialogues de gestion.

Vous le savez mon objectif n'a pas changé depuis 3 ans : donner à la justice de notre pays les moyens à la hauteur de la place qui est la sienne dans notre société, c'est-à-dire centrale.

Sur ce point, nous avons bénéficié d'un large consensus politique au Parlement. La prise de conscience est là, et c'est heureux.

Ces recrutements permettront d'abord de rendre une justice plus rapide et plus proche de nos concitoyens.

Plus de magistrats, plus de greffiers, plus d'attachés de justice, c'est une justice qui prend le temps d'écouter le justiciable, ce sont des décisions de justice qui sont rendues plus vite. C'est un service public de la justice qui va mieux, digne d'une grande démocratie comme la nôtre. Ce sont des citoyens qui sont davantage satisfaits.

A cet égard je vous rappelle l'objectif que j'ai fixé devant nos compatriotes en janvier dernier : nous devons faire en sorte que d'ici 2027, les délais de la justice soient divisés par deux. Les moyens alloués sur le quinquennat nous obligent. Les Français, attendent des résultats concrets de ces hausses budgétaires importantes.

Au-delà des recrutements, ce budget exceptionnel permettra également de faire des investissements lourds notamment en matière immobilière.

A ce titre, permettez-moi de faire un petit aparté alsacien, car vous le savez je m'adresse à vous depuis la cour d'appel de Colmar. Je n'ai pas choisi cette cour d'appel par hasard. D'abord parce que je suis venu lancer les travaux de la toute nouvelle cité judiciaire de Colmar. Elle sera érigée en centre-ville, grâce à la réhabilitation du palais actuel et de l'ancienne prison. C'était un souhait très fort des habitants et de leurs élus et je veux ici saluer l'engagement de la ministre Brigitte Klinkert et du maire de Colmar qui ont permis de faire aboutir ce projet.

Cela représente un investissement de presque 100 millions d'euros.

Et si je suis venu à Colmar pour cette annonce précisément c'est aussi parce que ce projet de cité judiciaire incarne la vision que nous avons pour l'avenir de la justice : recruter massivement et offrir les meilleures conditions de travail possible.

Car in fine cela bénéficiera au justiciable qui d'ailleurs verra ses conditions d'accueil s'améliorer.

Ces augmentations sont le fruit d'une mobilisation sans précédent du Président de la République d'abord, dans ses engagements de campagne, du gouvernement ensuite, dans la déclinaison de ces engagements et des parlementaires enfin par le vote des lois. Je saisis cette occasion pour les en remercier de nouveau : tous les parlementaires alsaciens présents ont voté ces hausses de moyens.

Ainsi, parmi les 10 000 personnels de justice qui seront recrutés en plus d'ici 2027, pas moins de 1500 magistrats supplémentaires viendront renforcer les effectifs des services judiciaires et au moins 1 500 postes de greffiers seront créés en l'espace de cinq ans.

L'élan insufflé est inédit car, pour être concret, c'est autant de recrutements prévus sur cinq ans qu'il n'en a été réalisé au cours des vingt dernières années ! C'est dire l'effort consenti et le rattrapage qui est en marche.

Concrètement, les chiffres que je vais vous communiquer correspondent à une hausse de 18% des effectifs de magistrats de 19% de greffiers entre 2023 et 2027.

Par ailleurs, pour accompagner cette hausse historique, une première marche de 1 100 postes d'attachés de justice seront à pourvoir d'ici 2025, car c'est désormais en termes d'équipe que nous raisonnons.

Ceux qui ont pu jadis être qualifiés de « sucres rapides » font aujourd'hui partie intégrante du paysage institutionnel et leurs postes ont été pérennisés. C'est dire combien ils nous sont désormais essentiels.

Plus encore, ils ont préfiguré l'équipe juridictionnelle qu'il nous revient de consolider forts des bonnes pratiques locales. C'est tout le sens des travaux que nous conduisons.

Si l'augmentation des moyens est un prérequis pour mener à bien notre action, elle n'est qu'une partie de la solution.

Il y a un an, la Première ministre évoquait dans son discours de politique générale la nécessaire mise en oeuvre de « méthodes nouvelles » en matière de justice. Elles sont au coeur de ma feuille de route.

Afin de permettre une meilleure organisation des juridictions, nous devons donner de la visibilité aux cours et aux tribunaux.

Nous devons donc répartir le plus justement et le plus efficacement possible ces effectifs supplémentaires. Et pour cela, votre expertise et votre leadership est indispensable.

Pour ce faire, j'ai demandé à la DSJ de développer une nouvelle méthodologie à la hauteur de l'enjeu.

Cette répartition équitable doit se faire entre les 36 cours d'appel. J'ai bien dit 36, car il était primordial que l'Outre-mer soit intégrée au modèle de répartition, tout y en intégrant ses singularités.

La méthode utilisée est rationnelle et objective.

Elle se fonde sur une multitude de facteurs. En effet, elle prend en compte à la fois l'activité de vos cours dans toutes ses dimensions (flux et stocks) mais également la réalité de vos territoires.

Si les mathématiques permettent de gagner en objectivité, l'outil de répartition reste animé par une analyse métier poussée. Ainsi, ce n'est pas « la machine » qui a déterminé les catégories d'emploi concernées, ni les indicateurs d'activité appropriés. C'est bien « l'humain », c'est-à-dire nous, qui avons présélectionnés une batterie d'indicateurs suffisamment large et variée pour embrasser toutes les réalités de vos territoires.

Je ne vais pas ici citer tous les critères qui ont permis d'arriver au résultat que je vous présente aujourd'hui tant ils sont nombreux.

Mais au-delà de critères assez évidents comme l'augmentation du volume d'affaires ou la croissance de la population, nous avons également pris en considération des facteurs ayant une influence directe et indirecte sur le volume de contentieux. Je pense par exemple au niveau de vie médian, à la composition des ménages, à la densité de population ou encore au nombre d'avocats.

En outre, nous avons privilégié des analyses sur le temps long, en observant les évolutions de ces indicateurs sur les dix dernières années. Ainsi nous ne nous sommes pas contentés d'une photo à un instant T.

Enfin nous nous sommes appuyés bien évidemment sur les échanges constants que vous avez pu avoir avec moi ou avec la direction des services judiciaires, dont je salue le travail titanesque... qui ne fait d'ailleurs que commencer.

Le résultat, vous l'avez devant les yeux, à travers les trois cartes présentées. Une répartition des effectifs supplémentaires sur 5 ans pour les magistrats et les greffiers et 3 ans pour les attachés de justice, cour d'appel par cour d'appel, prenant en compte une résorption complète de la vacance d'emploi.

Je tiens à préciser qu'il ne s'agit ici que d'une première répartition, qui porte sur 1350 postes de magistrats, 1500 postes de greffiers supplémentaires, et, je l'ai dit, 1100 postes d'attachés de justice.

Une seconde répartition interviendra ultérieurement pour préciser l'affectation des 150 magistrats restant et des postes de greffiers et d'attachés de justice, une fois la loi définitivement adoptée. Cette deuxième répartition permettra de faire face à des besoins plus spécifiques ou imprévisibles, difficilement quantifiables par la méthode statistique.

Les chiffres présentés devant vous constituent un engagement. Cela n'exclut cependant en rien une discussion continue entre vous et la Chancellerie sur cette répartition à l'occasion de vos dialogues de gestion.

Une note technique exhaustive vous sera adressée à l'issue de cette présentation afin de vous exposer les tenants et aboutissants de cette nouvelle méthode. Le directeur des services judiciaire vous réunira évidemment prochainement pour échanger avec vous à ce sujet.

Le travail n'est pas pour autant terminé.

Maintenant, c'est à vous, chefs de cour, de nous proposer une répartition fine de ces nouveaux effectifs juridiction par juridiction, spécialité par spécialité. C'est à la fois une chance historique et une lourde responsabilité. Vous avez pour ce faire les outils métiers existants, vos dialogues permanents avec les juridictions, et surtout votre connaissance du terrain.

Car c'est bien ce changement de paradigme que je veux mettre en place : en partant du terrain, des besoins, des spécificités des tribunaux de vos ressorts et des habitants de vos territoires, c'est vous qui savez mieux que quiconque comment répartir au mieux ces nouveaux effectifs.

Bien sûr, les affectations annuelles précises se feront dans le cadre de dialogues de gestion rénovés et devront respecter les quelques grandes orientations nationales que je vous ai communiqué lors du séminaire 19 juin dernier. Parmi elles, j'en évoquerai deux qui me tiennent particulièrement à coeur :

La première instance doit être privilégiée : il est primordial d'assurer une première réponse au justiciable le plus rapidement possible. Cette priorité donnée à la première instance est la condition sine qua none pour atteindre l'objectif premier du gouvernement : une première décision en moins de 12 mois.
L'accompagnement des ouvertures d'établissements pénitentiaires et notamment des structures d'accompagnement vers la sortie (SAS) ou de centres de rétention administrative. L'accompagnement des personnes condamnées comme des sortants de prison en vue de favoriser leur réinsertion est une condition sine qua non de la prévention de la récidive. C'est aussi de cette manière que l'on peut lutter, sur le temps long, contre la surpopulation carcérale.
Pour conclure, je dirai un mot de la ventilation des effectifs entre le siège et le parquet. Si les parties prenantes ne pourront jamais être à l'unisson, l'arbitrage retenu de 70% de magistrats du siège et de 30% du magistrats du parquet a le mérite de constituer un point d'équilibre entre les nouvelles attributions du ministère public et la justice civile qui fait face à de nombreux défis, tout en permettant de conserver une certaine souplesse pour faire face aux priorités locales.

Qui dit déconcentration dit enfin responsabilité : il vous faudra rendre compte de la gestion des moyens qui vous auront été alloués, des choix réalisés et des actions menées sur cette base. C'est l'un des jalons du pacte conclu entre l'administration centrale et vous, chefs de cour.

Je suis convaincu qu'un dialogue renouvelé émergera de cette nouvelle donne, dans l'intérêt général et celui du service public de la justice dont il nous appartient de garantir ensemble l'efficacité. Et maintenant, le moment que vous attendez tous ! Voici les chiffres détaillés, Cour d'appel par Cour d'appel.