État de droit : le montant de l'astreinte journalière imposée à la Pologne par la Cour de Justice est réduit d'un million à 500 000 euros

Cour de Justice de l'Union Européenne - 25/04/2023 14:40:00

En 2021, la Commission a introduit devant la Cour de justice un recours en manquement contre la Pologne tendant à faire constater que certaines modifications législatives de l'organisation de la justice en Pologne violaient le droit de l'Union.

En particulier, selon la Commission, ces modifications interdisent à toute juridiction nationale de vérifier le respect des exigences de l'Union relatives à l'indépendance et à l'impartialité des tribunaux. Une telle vérification pourrait être qualifiée d'infraction disciplinaire. La chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques de la Cour suprême polonaise se serait vu attribuer une compétence exclusive pour examiner les questions concernant l'absence d'indépendance d'un juge ou d'une juridiction. En outre, la chambre disciplinaire de la Cour suprême, dont l'indépendance et l'impartialité ne seraient pas garanties, serait habilitée à statuer sur certaines demandes ayant une incidence directe sur le statut et l'exercice des fonctions de juge.

Durant la procédure en cours, la Pologne a été condamnée par ordonnance du vice-président de la Cour du 27 octobre 2021 à payer à la Commission une astreinte d'un million euros par jour.
L'imposition de cette astreinte était considérée comme nécessaire pour garantir que la Pologne donne effet aux mesures provisoires énoncées précédemment dans une ordonnance du 14 juillet 2021 , visant notamment à suspendre l'application de dispositions nationales contestées par la Commission.

Le 10 mars 2023, la Pologne a demandé à la Cour de rapporter ou, à titre subsidiaire, de modifier l'ordonnance imposant l'astreinte en question. Au soutien de cette demande, la Pologne fait valoir que, suite aux changements législatifs, elle se serait pleinement conformée aux obligations qui lui incombaient en vertu desdites mesures provisoires.

Par son ordonnance de ce jour, le vice-président de la Cour réduit le montant de l'astreinte à 500 000 euros
par jour. Au préalable, le vice-président rappelle qu'une mesure provisoire peut à tout moment être modifiée ou rapportée par suite d'un changement de circonstances remettant en cause les appréciations du juge des référés. Cependant, la modification ou l'abrogation d'une telle mesure n'a pas d'effet rétroactif.
Ensuite, après avoir examiné si la Pologne avait démontré un changement de circonstances impliquant que
l'astreinte en cause ne soit plus justifiée, le vice-président conclut que les mesures adoptées par la Pologne ne sont pas suffisantes pour assurer l'exécution de l'ensemble des mesures provisoires prévues dans
l'ordonnance du 14 juillet 2021.

À cet égard, le vice-président observe, en particulier, que les effets des décisions adoptées par la chambre
disciplinaire de la Cour suprême autorisant l'ouverture d'une procédure pénale contre un juge ou son arrestation n'ont pas été suspendus, en toute hypothèse, de manière immédiate. Par ailleurs, contrairement aux obligations résultant des mesures provisoires, la Pologne n'a pas démontré la suspension complète et effective des dispositions interdisant aux juridictions nationales de vérifier le respect des exigences de l'Union relatives à un tribunal indépendant et impartial établi préalablement par la loi ni celles permettant des poursuites disciplinaires contre un juge ayant procédé à cette vérification. Selon le vice-président, la Pologne n'a établi que partiellement qu'elle a suspendu l'application des dispositions conférant à la chambre de contrôle extraordinaire et des affaires publiques de la Cour suprême la compétence exclusive pour examiner les griefs tirés de l'absence d'indépendance d'un juge
ou d'une juridiction.
Néanmoins, le vice-président estime que les mesures mises en place par la Pologne après la signature de
l'ordonnance imposant l'astreinte journalière sont de nature à assurer, dans une mesure notable, l'exécution des mesures provisoires énoncées dans l'ordonnance du 14 juillet 2021. En particulier, il relève que la Pologne a abrogé les dispositions conférant à la chambre disciplinaire certaines compétences en ce qui concerne le statut des juges et que cette chambre a été supprimée. Le vice-président souligne également que diverses mesures adoptées par la Pologne ont eu pour effet de renforcer les voies de droit ouvertes aux juges ayant fait l'objet de décisions de la chambre disciplinaire ou de faciliter, dans certaines hypothèses, la vérification du respect des exigences relatives à un tribunal indépendant et impartial établi par la loi.

Au vu de l'effet des mesures ainsi adoptées par la Pologne, le vice-président réduit le montant de l'astreinte à 500 000 euros par jour, à compter de la date de signature de la présente ordonnance. La Cour rendra l'arrêt sur le fond de cette affaire le 5 juin 2023.

RAPPEL : Une ordonnance sur des mesures provisoires ne préjuge pas de l'issue de l'action principale.
RAPPEL: Un recours en manquement, dirigé contre un État membre qui a manqué à ses obligations découlant du
droit de l'Union, peut être formé par la Commission ou par un autre État membre. Si le manquement est constaté par la Cour de justice, l'État membre concerné doit se conformer à l'arrêt dans les meilleurs délais. Lorsque la Commission estime que l'État membre ne s'est pas conformé à l'arrêt, elle peut introduire un nouveau recours demandant des sanctions pécuniaires. Toutefois, en cas de non communication des mesures de
transposition d'une directive à la Commission, sur sa proposition, des sanctions peuvent être infligées par la Cour de justice, au stade du premier arrêt.