Cette ONG de Kharkiv défie les bombes pour aider les déplacés d'Ukraine

Organisation Internationale pour les Migrations - 30/08/2022 10:05:00

Six mois après l'invasion russe, l'Ukraine est le théâtre de la plus grande crise humanitaire en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Près d'un tiers des personnes déplacées par le conflit viennent de la région de Kharkiv, la deuxième ville du pays, à l'est. Aider les personnes dans le besoin, comme le fait l'ONG Source of Revival, est un travail à haut risque.

Avant l'aube du 24 février, Kharkiv a été durement touchée : en 24 heures, les troupes russes avaient atteint sa banlieue nord, située à seulement 30 kilomètres de la frontière avec la Russie. Bien que plus nombreuse que les forces ukrainiennes, l'armée russe n'avait pas pu entrer dans la ville.

« Je suis originaire de Kharkiv, de la plus grande zone résidentielle d'Ukraine : Saltivka, où environ 400.000 personnes vivaient avant la guerre », raconte Tania, 21 ans, qui a trouvé un logement temporaire dans la région d'Ivano-Frankivsk, et a participé à une école d'été organisée par l'Agence des Nations Unies pour les migrations (OIM), pour les jeunes leaders parmi les personnes déplacées et les membres des communautés accueillies.

« Pendant deux semaines, ma famille et moi n'avons pas quitté la station de métro, même pour une seule minute. Le métro était devenu le principal abri anti-bombardement pour les habitants. Je ne voulais pas quitter la ville pour ne pas laisser mes grands-parents. Mais quand ils sont venus nous voir à Kharkiv, j'ai décidé de fuir la guerre. »

De 6 heures du matin jusqu'au couvre-feu
Selon une récente enquête de l'OIM, environ 28 % des quelque 6,8 millions de personnes déplacées à l'intérieur de l'Ukraine ont fui la région de Kharkiv. Les besoins humanitaires de ceux ayant choisi de rester, ou ne pouvant fuir, sont immenses.

En mai, la ville a reçu le premier convoi humanitaire de l'OIM avec des articles de première nécessité pour les personnes résidant dans les abris et les hôpitaux, ainsi que pour les communautés difficiles à atteindre dans les zones sous contrôle ukrainien.


« Les habitants ont besoin de lampes solaires car il n'y a plus de lumières ; de matelas et de couvertures, car il fait humide et froid dans les abris ; d'outils pour les réparations mineures de leurs maisons endommagées, et puis de kits d'hygiène », explique Serhii, responsable de Source of Revival, une des plus grandes organisations non gouvernementales de la région, partenaire de l'OIM dans la région de Kharkiv.

Au cours des premiers mois de la guerre, la journée de travail de l'équipe de Source of Revival commençait dès 6 heures et se terminait à 15 heures, l'heure du couvre-feu à partir duquel tout mouvement dans la ville était interdit. L'emplacement des entrepôts a dû changer plusieurs fois en raison des bombardements, des missiles et des frappes aériennes.

Tous les chauffeurs n'ont pas pu accepter de se rendre dans une zone aussi dangereuse. Depuis, la situation a dégénéré et le nombre de victimes a augmenté. Mais aucun membre de l'équipe n'a quitté Kharkiv. Ils utilisent désormais des gilets pare-balles et des casques de protection pour apporter l'aide de l'OIM à ceux qui en ont le plus besoin.

« Il n'y a plus rien de vivant »
Nadia, qui vit actuellement dans la banlieue de Kharkiv, a fui sa maison en mars, située dans la ville de Derhachi, en raison de violents bombardements, peu après avoir découvert qu'elle était enceinte.

« Maintenant, il n'y a plus rien de vivant à Derhachi », se souvient-elle. « Il y a aussi des bombardements ici, mais pas aussi violents que dans ma ville natale » ; mais quand un missile a frappé une école voisine de sa nouveau logis, « nous avons déménagé, une fois de plus. »

Source of Revival a apporté une aide humanitaire sur mesure de l'OIM directement au domicile de Nadia, vu la difficulté pour une femme enceinte de se déplacer dans cette ville peu sûre.

La partie la plus dure du travail de l'équipe est de fournir de l'aide aux communautés ayant survécu à l'occupation russe. Bien qu'il faille du temps pour déminer la zone après que les forces ukrainiennes l'ont récupérée, les ONG s'efforcent d'atteindre les personnes en situation critique aussi rapidement que possible.

« Certains villages ont été rasés. Il y a beaucoup d' « Irpin » et de « Boutcha » dans notre région », déclare un membre du personnel de Source of Revival, faisant référence à deux villes de l'oblast de Kiev occupées par la Russie au début de la guerre, où des preuves selon lesquelles des violations des droits de l'homme ont été commises à l'encontre des civils ont été rapportées : exploitation, enlèvement avec demande de rançon, vol, intimidation, torture, viol et abus sexuels de femmes, d'enfants, de personnes âgées et d'hommes.

« Ils veulent reconstruire mais tout a changé »
Les travailleurs humanitaires aident les habitants et identifient les victimes de violences liées au conflit. Toutes ces personnes peuvent se rendre au centre de l'OIM pour une réhabilitation physique et psychosociale.

Dernièrement, Kharkiv a accueilli un nombre croissant de personnes déplacées fuyant les régions voisines de Donetsk et de Louhansk. Malgré la situation sécuritaire, même les habitants de Kharkiv retournent chez eux avec de grands espoirs.

« Ils veulent reconstruire cet endroit mais tout a changé », explique Serhii, dont la maison a été endommagée par des bombardements. « Les infrastructures sont endommagées, les maisons sont détruites, il n'y a pas de travail, et une partie de la région est toujours occupée. Les troupes russes tentent de se rapprocher de la ville, donc la menace demeure, et les bombardements chaotiques continuent. »

Selon les autorités, plus de 1.000 civils ont été tués dans la région de Kharkiv au cours des 181 derniers jours, dont 50 enfants, et ce chiffre pourrait augmenter. Le calme est trompeur ici, et la situation peut changer en un clin d'oeil.

En une seule nuit, le 18 août, 21 civils sont morts et 44 ont été blessés à la suite d'une attaque de missiles sur une zone résidentielle. Néanmoins, comme c'était le cas il y a 79 ans, les habitants croient en leur terre et en la justice, révélant la même force et le même caractère que leurs ancêtres.

« Je puise mon énergie des membres de mon équipe. Je comprends que la plupart d'entre eux pouvaient quitter Kharkiv, mais ils sont restés. Ils sont les premiers à mettre des gilets pare-balles, des casques et à aller aider les autres », dit Serhii.

Les partenaires de l'OIM en Ukraine
Plus de 13 millions de personnes ont été forcées de fuir leurs maisons, cherchant la sécurité ailleurs dans le pays ou la protection à l'étranger. Des villes et des villages entiers ont été rasés, et plus de 5 500 civils ont perdu la vie, selon l'ONU.
Depuis le mois de mai, Source of Revival a distribué plus de 16 000 lampes solaires, 7 000 couvertures, 3 000 kits d'hygiène, 5 000 matelas, 18 000 serviettes, 10 000 jerrycans et d'autres aides non alimentaires de l'OIM dans la région de Kharkiv.
Les livraisons sont en cours grâce au financement de la protection civile et de l'aide humanitaire de l'UE, de l'Union européenne en Ukraine, de l'Agence américaine pour le développement international (USAID), du Fonds humanitaire de l'Ukraine, du Fonds central d'intervention d'urgence des Nations Unies (CERF), ainsi que des gouvernements du Japon, du Canada, de l'Allemagne, de la France, du Danemark, du Koweït, de la Corée du Sud, de la Suède et de la Slovaquie.