Les pays de l'OTAN et la Suède, futur Allié, s'entraînent à maintenir la sécurité de l'île suèdoise de Gotland en mer baltique

OTAN - Organisation du Traité de l'Atlantique Nord - 20/07/2022 11:55:00


Après plus de 200 ans de non-alignement militaire, la Suède s'apprête à devenir membre de l'OTAN. En tant que nouvel Allié, elle contribuera à renforcer la sécurité de la zone euro-atlantique. Dans le cadre de l'exercice BALTOPS 22, des troupes suédoises se sont entraînées, aux côtés de marines américains et d'autres forces de pays de l'Alliance, sur l'île suédoise de Gotland, en mer Baltique.

L'île de Gotland se situe en pleine mer Baltique, laquelle est bordée par neuf pays.
« Désolé, Monsieur », dit le lieutenant du corps des marines des États-Unis, « je ne parle pas suédois. En anglais, c'est bon ? »

« Certainement », lui répond l'agriculteur. En Suède, pratiquement tout le monde est polyglotte.

L'officier se présente et explique que sa section se trouve sur l'île de Gotland pour l'exercice militaire Baltic Operations 22 (BALTOPS 22), qui se déroule en Suède sous la direction des États-Unis. L'agriculteur serait-il d'accord de laisser la section traverser sa propriété afin qu'elle puisse atteindre son objectif ?

« Bien sûr », répond-il. Le lieutenant le remercie et fait signe à ses troupes d'avancer. Aussitôt, des marines harnachés de fusils et d'équipements de communication s'engagent en file indienne sur un chemin de terre, longeant un champ où des vaches ruminent sous un ciel bleu poudre.

Défendre la clé d'accès aux voies maritimes

Alors que le soleil darde ses rayons sur la paisible campagne, les marines avancent pour mener à bien leur tâche principale : repousser l'invasion simulée de l'île de Gotland.

La défense de l'île est un élément important du scénario général de l'exercice BALTOPS, qui est conçu pour renforcer les aptitudes des soldats à réagir en cas de menace dans la région, le but ultime étant de préserver la liberté de navigation et la sécurité en mer Baltique.

Bucolique l'été et tempétueuse l'hiver, l'île de Gotland ne se résume pas à ses maisonnettes en bord de mer et à ses prairies parsemées de moutons. Située en mer Baltique entre la Suède et la Lettonie (et le long de la route maritime entre Saint-Pétersbourg et l'exclave russe de Kaliningrad), l'île est cruciale pour le contrôle des mers environnantes et serait une cible très convoitée en période de conflit.

L'île de Gotland se situe en pleine mer Baltique, laquelle est bordée par neuf pays.

Voilà pourquoi la Suède est déterminée à défendre l'île de Gotland et ses quelque 60 000 habitants contre n'importe quelle menace. Cela pourrait nécessiter un déploiement rapide de renforts, un cas de figure pour lequel le pays peut s'appuyer sur des méthodes bien rodées. Certaines sont plutôt conventionnelles - comme le recours à une flotte de navires civils pour transporter des centaines de soldats et de véhicules - et d'autres un peu moins.

Dans le cadre de l'exercice BALTOPS 22, tandis que des avions de combat Gripen déchiraient le ciel, des contrôleurs aériens suédois faisaient atterrir un C-130 Hercules (qui, selon le modèle, a une envergure de 40 mètres et peut peser plus de 70 tonnes en charge pleine) sur une route de campagne au nord de la capitale de l'île, Visby. L'imposant appareil a ensuite manoeuvré sur la piste de fortune, fait demi-tour et s'est immobilisé pour laisser débarquer une section de rangers suédois chargés de fusils d'assaut et de lance-missiles antichars.

Les marines américains, quant à eux, se sont entraînés au déploiement terrestre à partir du bâtiment de débarquement amphibie USS Gunston Hall.À bord de leurs véhicules blindés légers (VBL) débarqués, ils ont gagné la plage de galets de la zone d'entraînement de Tofta. Après avoir rejoint un contingent de soldats du régiment blindé de Gotland, ils ont pris la direction du nord dans l'intention de repousser les envahisseurs fictifs.

Le régiment de Gotland - dont le drapeau arbore un valeureux bélier portant une bannière rouge, sur le modèle des armoiries de l'île - est à lui seul un signe des temps, puisqu'il a été réactivé en 2018 après 13 ans de mise en sommeil.

Pour son commandant, le colonel Magnus Frykvall, la mission du régiment n'a jamais été plus pertinente, y compris pour la population.

« Tout est beaucoup plus concret », dit-il, debout sur la plage de Tofta, tandis que l'on entend, en fond sonore, le bruit des pas des marines sur les galets.

L'invasion à grande échelle de l'Ukraine par la Russie, le 24 février 2022, a été un électrochoc qui a montré jusqu'où ce pays riverain de la mer Baltique était prêt à aller. Cela étant, suite à l'annexion illégale, par la Russie, de la péninsule ukrainienne de Crimée, en 2014, la Suède avait déjà commencé à instaurer de nouvelles mesures visant à renforcer sa posture de défense. En 2017, elle a réintroduit la conscription militaire, appelant sous les drapeaux des milliers d'hommes et de femmes. En outre, elle a lancé une solide campagne d'information pour faire connaître son concept de défense totale, qui vise à conjuguer ressources civiles et ressources militaires dans le cadre d'une action mobilisant tous les niveaux de la société face à une agression extérieure.

« Je me sens en sécurité, et j'ai vraiment l'impression que mon travail a un sens », souligne le colonel Frykvall. « Et c'est important. Nous sommes désormais bien plus appréciés des civils que par le passé. Cela fait donc une grande différence ».

Des manoeuvres militaires aux discussions diplomatiques

Avec BALTOPS 22, ce n'était pas la première fois que des soldats américains arpentaient les routes de l'île de Gotland, ni la première fois que la Suède et les Alliés faisaient équipe dans le cadre d'un exercice militaire. Cependant, on peut difficilement nier que le ressenti était cette fois différent. En effet, une guerre est en cours sur le continent européen, et l'environnement de sécurité a radicalement changé, au point que la Suède a abandonné sa longue tradition de non-alignement militaire et entamé le processus d'adhésion à l'Alliance, aux côtés de la Finlande.

La Suède est un pays partenaire de l'OTAN depuis le milieu des années 1990. À ce titre, elle maintient d'étroites relations de travail avec l'Alliance - elle a d'ailleurs envoyé des forces à l'appui de diverses opérations militaires, comme celle de la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS) en Afghanistan - tout en étant dispensée des obligations à respecter et des garanties à apporter en cas d'adhésion pleine et entière à l'OTAN. Depuis 2014, cette coopération a été renforcée (là aussi dans le prolongement de l'annexion illégale de la Crimée par la Russie) grâce au développement des exercices militaires conjoints et à l'intensification du dialogue politique avec, en point d'orgue, la demande officielle d'adhésion à l'OTAN présentée par la Suède en mai 2022.

Tandis que les marines américains et les rangers suédois se mettaient en position d'attaque, les responsables politiques à Stockholm et à Bruxelles continuaient d'examiner la question de l'entrée de la Suède dans l'Alliance. Un an auparavant, cela aurait été impensable, car la neutralité était un principe aussi suédois que les meubles en kit, un particularisme politique, et même une source de fierté.

Pour l'armée suédoise - et pour les pouvoirs publics et les citoyens suédois, en grande partie favorables à l'adhésion à l'OTAN - il y a un avant et un après 24 février.

« La menace est réelle », prévient le Colonel Frykvall. « Nous savons désormais de quoi la Russie est capable envers un pays voisin ».


La Suède et la Finlande ont été invitées, au sommet de Madrid de juin 2022, à adhérer à l'Alliance. Suite à la signature - au siège de l'OTAN, à Bruxelles, le 5 juillet 2022 - de leurs protocoles d'accession par les 30 Alliés, ces pays sont devenus officiellement « pays invités » de l'OTAN. Sur la photo, la ministre suédoise des Affaires étrangères, Ann Linde, et son homologue finlandais, Pekka Haavisto, sont applaudis par le secrétaire général et les ambassadeurs des pays de l'OTAN.