Ukraine / Conseil de l'Europe / Intervention de Luigi DI MAIO Ministre des affaires étrangères de l'Italie devant le Comité des Ministres

Conseil de l'Europe - 27/05/2022 10:40:00

Mesdames, Messieurs les Ministres, Monsieur le Secrétaire général, Mesdames et Messieurs,

C'est avec grand plaisir que je vous accueille aujourd'hui à Turin, à l'occasion de la 132e Session du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe, qui marque la fin du semestre de la Présidence italienne.

J'ai le privilège de présider la première partie de notre réunion de ce matin et de passer le relais à la fin à mon collègue, le ministre des Affaires étrangères de l'Irlande, Simon Coveney, qui assumera la présidence du Comité des Ministres.

Je suis heureux que vous ayez été si nombreux à répondre positivement à notre invitation.

Hier soir, nous avons eu une conversation ouverte et extrêmement intéressante. Nous avons anticipé bon nombre des questions que nous traiterons aujourd'hui mais dans un cadre informel, parmi lesquelles je rappelle l'aide à l'Ukraine, la question des ressources financières pour 2022, les conséquences de l'exclusion de la Fédération de Russie du Conseil de l'Europe, le renforcement du dialogue avec la société civile en Russie et en Biélorussie. Le retour aux rencontres en face-à-face a l'avantage d'offrir de telles opportunités d'échanges francs et directs. La conscience commune de la nécessité de préserver la pertinence du Conseil de l'Europe en tant que communauté paneuropéenne fondée sur des principes et des valeurs partagés dans le domaine des droits de l'homme, de la démocratie et de l'État de droit est apparue comme le fil conducteur de la discussion. .

Le haut sens de notre discussion d'hier est bien représenté par les propos du Ministre Covenay, qui, rappelant la perspective d'un sommet, a posé la question cruciale "Si ce n'est pas maintenant, quand ?". Je profite donc de cette occasion pour remercier ma collègue islandaise d'avoir partagé la volonté de son gouvernement d'accueillir le sommet.

Nous pouvons maintenant poursuivre notre conversation dans le cadre formel de cette 132e session du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe.

Je n'ai pas besoin de rappeler la gravité du cadre politique actuel. L'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine est avant tout une violation flagrante du droit international qui affecte directement la population ukrainienne. C'est vers lui et vers les autorités ukrainiennes que nous tournons d'abord nos pensées à l'ouverture de cette session. Les conséquences du conflit sont multiples et dramatiques, pour l'Ukraine, mais aussi pour l'Europe et le monde. L'agression russe et le processus qui a conduit à la suppression du statut de membre du Conseil de l'Europe par la Fédération de Russie, étape douloureuse mais nécessaire sanctionnée par le Comité des Ministres, ouvrent une nouvelle page dans l'histoire de cette Organisation.

Il est donc essentiel de lancer ici une réflexion commune sur des orientations stratégiques et des mesures concrètes, qui soient adéquates pour faire face aux défis que le nouveau scénario ouvre.

Je reste convaincu que seul un engagement collectif nous permettra de les surmonter, avec l'ambition partagée de réaffirmer, avec encore plus de force et de conviction, les principes et les valeurs de notre Organisation. Notre objectif reste d'assurer la paix et la prospérité dans une "maison commune européenne" fondée sur le respect des droits de l'homme, de la démocratie et de l'État de droit.

Aujourd'hui, nous sommes appelés à prendre des décisions importantes pour le présent et l'avenir de l'Organisation. Je voudrais rappeler brièvement les points essentiels ci-dessous.

1) Assistance à l'Ukraine. Les changements de priorité du plan d'action sur l'Ukraine, convenus avec Kiev, étendent son périmètre et renforcent sa structure, en faisant un outil efficace pour que l'Ukraine supporte les conséquences de l'agression russe. Il est urgent de l'adopter et de l'appliquer avec conviction.

2) Création d'un Groupe de Sages. Je crois que c'est une initiative digne d'être soutenue. Au Conseil de l'Europe lui-même et dans d'autres organisations internationales, ce type de soutien a été invoqué. Le Groupe des Sages pourrait apporter une contribution significative à l'orientation de la redéfinition du rôle du Conseil de l'Europe à 46 ans. Dans sa mise en place, il sera important d'assurer un équilibre hommes-femmes et géographique, ainsi qu'entre des personnalités qui connaissent déjà ou ont eu des expériences liées au Conseil de l'Europe.» «L'Europe et des personnalités extérieures qui peuvent apporter des pistes de réflexion d'inspiration différente. L'horizon temporel des délibérations du groupe ("d'ici la fin de la présidence irlandaise") indiqué dans la décision que nous espérons prendre ce matin, Sur ce, nous nous confions à notre Secrétaire Général, en qui nous accordons une grande confiance.

3) Quatrième Sommet des Chefs d'Etat et de Gouvernement. À la lumière de l'engagement contenu dans la décision politique, et sur la base de ce dont nous avons discuté hier soir, je crois qu'un nouveau sommet est une perspective que nous devons envisager favorablement, même si elle nécessite encore d'être affinée et préparée par rapport à la résultats attendus. Il est toujours important de définir un objectif vers lequel convergent réflexions et initiatives concrètes. La perspective d'un Sommet peut activer une dynamique de confrontation et d'engagement politique à un niveau approprié à l'ampleur des défis auxquels nous sommes confrontés.

4) Ressources financières. Nous sommes appelés à garantir au Conseil de l'Europe les ressources nécessaires pour poursuivre son travail, malgré l'urgente nécessité de combler le déficit laissé par la fin de la Fédération de Russie, à partir de l'exercice en cours. C'est notre devoir moral et un impératif politique d'éviter le risque que la dissolution de la Fédération de Russie n'entraîne une réduction des fonctions et des ambitions de l'Organisation. Outre l'urgence de trouver les ressources pour 2022, il faudrait commencer dès cet automne à aborder un volet plus structurel, revoir les priorités d'une organisation à 46, à travers un nouveau programme de travail et un nouveau budget biennal.

5) Société civile russe et biélorusse. Il est très préoccupant qu'à la suite de l'agression russe contre l'Ukraine, un nouveau rideau de fer rende impossible toute communication avec les populations russe et biélorusse. Nous ne pouvons manquer à notre devoir de laisser une porte ouverte à ceux qui rejettent l'agression, aux défenseurs des droits de l'homme, à cette partie de la société civile qui partage les valeurs du Conseil de l'Europe. Le Conseil devra identifier les voies et moyens pour préserver le dialogue et, si possible, la coopération avec ces réalités.

Sur toutes ces questions, mais aussi sur d'autres initiatives que le Conseil de l'Europe peut mener, je serai heureux d'avoir de vos nouvelles.

Plus d'info sur la session du Conseil de l'Europe
Au terme d'une réunion marquée par les conséquences de l'agression de la Russie contre l'Ukraine, les ministres des Affaires étrangères des 46 Etats membres du Conseil de l'Europe ont décidé aujourd'hui que l'Organisation ne devait pas sortir affaiblie de la crise, mais au contraire renforcée. Ils ont réaffirmé leur engagement en faveur des valeurs du Conseil de l'Europe et de son travail dans le domaine des droits de l'homme, de la démocratie et de l'Etat de droit, et se sont engagés à garantir la pérennité de l'Organisation. Condamnant à nouveau fermement toutes les violations par la Russie des droits de l'homme et du droit international y compris les attaques contre des civils et des infrastructures civiles en Ukraine et du patrimoine culturel et religieux, les ministres ont appelé le pays à cesser immédiatement son agression, à retirer ses forces d'occupation du territoire de l'Ukraine et à libérer toutes les personnes civiles enlevées, y compris celles qui ont été transférées de force vers le territoire de la Fédération de Russie. Les ministres se sont engagés à mobiliser toute la capacité du Conseil de l'Europe pour garantir que la Russie rende pleinement compte des violations des droits de l'homme commises.

Ils ont souligné que la Russie portait seule la responsabilité de priver les personnes relevant de sa juridiction de la protection qu'offre la Convention européenne des droits de l'homme à compter du 16 septembre 2022 et ont réitéré l'obligation qui lui incombe d'exécuter pleinement les arrêts définitifs de la Cour de Strasbourg.

Le Comité des Ministres a réitéré son soutien et sa solidarité envers l'Ukraine et son engagement indéfectible en faveur de l'indépendance, de la souveraineté et du respect de l'intégrité territoriale de l'Ukraine dans ses frontières internationalement reconnues.

Les ministres ont également décidé d'adopter un Plan d'action ajusté pour l'Ukraine 2018-2022 comprenant des mesures destinées à protéger les personnes déplacées, soutenir les professionnels du droit, donner des conseils liées à la Convention européenne des droits de l'homme, rassembler des preuves sur les violations des droits de l'homme, protéger les droits des enfants, lutter contre la violence à l'égard des femmes et la traite, protéger les personnes vulnérables, y compris les Roms, et prévenir la discrimination, et aussi des mesures pour soutenir les médias ukrainiens et le système judiciaire.

Par ailleurs, les ministres ont souligné la nécessité de revoir les priorités du Conseil de l'Europe à la lumière de la nouvelle réalité du continent et de renforcer à travers l'Europe les valeurs de l'Organisation, notamment par la coopération avec la société civile, y compris en Russie et au Bélarus. Afin d'assurer la pérennité et l'aptitude de l'Organisation à accomplir sa mission et son mandat avec efficacité, les ministres ont décidé de garantir collectivement les ressources financières nécessaires pour combler le déficit dans son budget 2022, suite à l'exclusion de la Russie le 16 mars dernier. Le Comité des Ministres devra aussi se prononcer sur la tenue d'un 4e Sommet des Chefs d'Etat et de Gouvernement.