« Li Beirut » à la rescousse des écoles privées du Liban

UNESCO - Organisation des Nations Unies pour l'Education la Science et la Culture - 02/06/2021 10:45:00

Suite à la double explosion du port, l'UNESCO a pris en charge la réhabilitation des universités et écoles endommagées du pays, dont 20 écoles privées reconstruites grâce au soutien du fonds global Education Cannot Wait. « Je me suis dit que nous ne serons jamais réunis après le 4 août, que tout prendra trop de temps pour être reconstruit », confie une élève.

Ayam vit à l'école Zahrat al-Ihsan depuis 11 ans. La jeune fille, en classe de seconde, est pensionnaire dans cet établissement historique situé à Achrafieh, au coeur de Beyrouth, fondé en 1880 par une jeune moniale, Soeur Marie Geahchan, pour éduquer les filles de la région. Elle le considère comme sa « deuxième maison, où tout est beau ». Le 4 août 2020, Ayam priait à l'église du collège, aux vitraux colorés et antiques, quand une gigantesque explosion au port de Beyrouth, proche de l'école, a fait voler en éclats bancs, portes, fenêtres et vitraux. Dévasté, le collège n'est plus que gravats, et les dégâts sont démesurés. Partout où elle regarde, Ayam ne voit que des gens pleurer et crier. « Nous avons pris peur, confie-t-elle. J'ai senti que rien au monde n'avait plus de sens. De gros morceaux de verre jonchaient la chambre où je vis et tout était cassé. Il m'est en fait très difficile de décrire ce que j'ai ressenti, mais j'étais très triste. Cela nous a psychologiquement affectés, en plus de la crise de Covid-19. Je me suis dit que nous ne serons jamais réunis, que tout prendra trop de temps pour être reconstruit ».

Dans la cour de l'école, Souha Choueiri, la directrice de l'établissement, se remémore elle aussi avec douleur, les larmes aux yeux, cette journée noire. « Je ne sais pas vraiment comment j'ai pu arriver à l'école, raconte-t-elle. En chemin, nous ne savions pas encore ce qui se passait ni où l'explosion avait eu lieu. Mais tout ce que j'ai vu en route, les gens, les blessés, la destruction, tout était terrifiant. J'ai vécu les années de guerre civile au Liban, mais je n'oublierais jamais cette journée, ce choc que je n'arrive pas à surmonter et la scène des 4 religieuses du couvent m'accueillant au milieu de la dévastation ». « La double explosion a affecté l'école à plusieurs niveaux, poursuit Souha Choueiri. Au niveau matériel, tout était détruit. Il n'y avait plus de portes, ni de fenêtres, ni de pupitres, ni d'ordinateurs. Sur le plan humain, Dieu merci, la cour de l'école a absorbé la majeure partie du souffle de l'explosion et personne n'a été grièvement blessé. Mais nous avons malheureusement perdu un papa et une ancienne élève parmi les 200 victimes. Par ailleurs, beaucoup d'élèves habitent aux alentours et leur matériel et équipement scolaire est devenu inutilisable. Nous n'avons pas pu reprendre les cours immédiatement. Malgré le drame, les responsables de UNESCO étaient là à mes côtés, dans mon bureau cassé, dès le premier jour. Sans l'UNESCO, nous n'aurons pas pu reconstruire Zahrat al-Ihsan ».


Un immense chantier

Dans le cadre de son initiative-phare Li Beirut, l'UNESCO a lancé suite à la double explosion du port de Beyrouth, un chantier gargantuesque de réhabilitation des universités et écoles publiques, privées, techniques du pays, pour soutenir le secteur de l'éducation. Parmi celles-ci, 20 écoles parmi 132 écoles privées ayant été endommagées par la double explosion, et qui sont réhabilitées grâce au soutien du fonds global Education Cannot Wait*, en coordination avec le ministère libanais de l'Education et de l'Enseignement supérieur. Si le projet a été lancé en septembre 2020, il devrait être complété en décembre 2021. Les travaux ont déjà été achevés dans 16 écoles et sont encore en cours dans 4 établissements. Au moins 7000 élèves - dont 50% de filles et de nombreux réfugiés syriens - bénéficient de cette intervention. L'UNESCO compile également les autres besoins de ces écoles privées, comme le remplacement du matériel scolaire détruit.

« Toutes les écoles privées du Liban sont aujourd'hui dans le besoin, explique Souha Choueiri, arpentant la cour de l'établissement qui refait aujourd'hui peau neuve, et où trône le buste en pierre représentant Emilie Sursock, la plus célèbre des présidentes de l'Association des Dames de Zahret El Ihsan. Avec la crise économique, il est impossible de faire des plans à long-terme. Les prix du matériel nécessaire pour le fonctionnement de l'école changent chaque jour et cette explosion nous a ramenés à la case départ ». « Toutefois, nous continuerons, assure la directrice avec espoir. Nous n'avons jamais refusé l'admission d'un enfant qui n'a pas les moyens de payer sa scolarité et nous poursuivrons notre mission malgré les finances. Nous sommes fiers de notre école associée au réseau de l'UNESCO, et de ses bâtiments classés comme héritage culturel. L'homme se relève toujours et la foi nous pousse à avancer, pour donner à nos enfants la chance de réaliser leurs rêves et leurs ambitions ».

Entre passé et futur

A quelques centaines de mètres de Zahrat el-Ihsan, une autre institution a également été réhabilitée par l'UNESCO. Il s'agit de l'École Annonciation Orthodoxe. Elles font toutes deux partie du réseau de l'archevêché grecque-orthodoxe de Beyrouth. « Après les explosions, les efforts ont été déployés pour soutenir les familles et institutions affectées, assure Pia Abdo, directrice de l'association sociale de l'archevêché, Saint Porphyrios. De nombreuses institutions dont notre hôpital, des maisons de repos, des dispensaires et cinq écoles ont subi des dégâts évalués à 10 millions de dollars. Trois de nos écoles qui servent 2000 enfants étaient gravement endommagés et les dégâts s'y élevaient à plus de 2.5 millions de dollars. Elles ont été réhabilités en urgence avec le soutien de l'UNESCO. Sans cette aide, nos 700 salariés seraient aujourd'hui à la rue. L'organisation nous a également mis en contact avec d'autres institutions internationales afin de réhabiliter le reste des bâtiments ».


En effet, l'UNESCO coordonne les efforts de réhabilitation de l'ensemble des écoles libanaises privées affectées par la double explosion du port, quelle que soit la partie souhaitant intervenir. Cette dernière doit également se référer à l'évaluation technique de l'organisation, menée avec ONU-Habitat, qui supervise également les travaux. « Je tiens à remercier l'UNESCO pour tout le travail accompli en faveur du secteur de l'éducation au Liban, ajoute Pia Abdo, alors que des ouvriers s'activent près d'elle à repeindre un mur. L'organisation s'est engagée à agir immédiatement et a eu un impact majeur. J'admire son engagement envers la culture et le patrimoine pour préserver le passé, et sa détermination à construire l'avenir à travers les étudiants. »

« Tout était inutilisable »

A l'école Ali Bin Abi Taleb, affiliée à l'Association islamique caritative Makassed, la vie semble avoir repris son cours en ce matin de juin. Dans les couloirs, les élèves s'activent, heureux de retrouver leurs classes après une absence forcée imposée par la pandémie et par l'explosion. Leurs masques ne les empêchent pas de faire du bruit, au grand bonheur de Rana Sabiddine, directrice de cette école verte fondée en 1950 à Achrafieh, et qui accueille plus de 300 élèves des cycles complémentaire et secondaire. « Il y a quelques jours encore, nous ne pouvions pas encore accueillir nos élèves ni nos enseignants par souci de sécurité, et surtout durant la saison des pluies, explique-t-elle. L'école avait été catégorisée comme « Gravement endommagée ». Pas une salle, pas un laboratoire, n'ont été épargnés. La destruction était pour moi du jamais-vu. Tout était inutilisable. Les scouts et les volontaires des Makassed ont dû nettoyer les lieux pendant plusieurs jours ».


Pour Rana Sabiddine, la tragédie du port a emporté « le peu de détermination qui restait ». « Nous vivions déjà dans une situation des plus précaires au Liban, dit-elle. Je suis donc reconnaissante à l'UNESCO qui nous a accompagnés dans tous les défis, et qui a offert beaucoup pour réparer les salles, les vitres et les murs effondrés. Quand je vois que notre école était un endroit où il n'est pas possible d'enseigner ni d'apprendre, puis que tout a été réparé, je dis chapeau l'UNESCO ! »

Li Beirut est une initiative internationale lancée depuis Beyrouth par la Directrice générale de l'UNESCO, Audrey Azoulay, au lendemain des explosions, le 27 août 2020, pour soutenir la réhabilitation des écoles, des bâtiments du patrimoine historique, des musées, des galeries et de l'économie industrie créative, qui ont tous subi d'importants dommages dans les explosions meurtrières.

*Dans le cadre de Li Beirut, Education Cannot Wait soutient également la réhabilitation de 20 écoles publiques, pour un total de 40 institutions affectées par la double explosion.