ONU FEMMES France : Ne fermons plus les yeux face aux violences faites aux mineur.e.s ! [Tribune]

ONU Femmes - 02/02/2021 20:35:00

Dans un contexte de pandémie mondiale, le monde a connu une flambée de violences intrafamiliales. En particulier, l'inceste demeure un tabou qu'il est difficile de briser.

Dans le monde, 15 millions d'adolescentes* ont été forcées à avoir des rapports sexuels. En France, 6,7 millions de personnes ont été victimes d'inceste, 8 victimes sur 10 sont des femmes et 2 sur 10 sont des hommes**.

Comme le démontrent ces chiffres en constante augmentation, les violences sexuelles envers les mineur.e.s sont omniprésentes dans tous les milieux sociaux. Très souvent, elles se déroulent et demeurent dans la sphère familiale, la sphère privée et agent d'omerta, restant ainsi impunies. Elles sont aussi liées dans bon nombre de cas à des violences conjugales : ainsi, 80 % des femmes victimes de violences sont des mères et 40 à 60 % des enfants victimes de violences conjugales sont aussi victimes de violences physiques exercées contre eux par leur père ou beau-père***. Ces violences, c'est prouvé, auront des conséquences dramatiques sur le devenir des enfants exposés à ces situations, sur leur santé et leur développement.

Mais nous vivons peut-être en France un tournant sans précédent : le livre de Vanessa Springora en 2020 (Le consentement) avait mis à jour le phénomène d'emprise d'un adulte sur une adolescente. Celui de Camille Kouchner ce début d'année 2021 (La Familia Grande) vient jeter une lumière crue sur l'inceste et ses ravages durables et permet de libérer la parole des victimes et d'accélérer la sensibilisation du grand public à l'ampleur des drames. Enfin, ce tabou social tend à se déliter comme en témoignent les milliers de témoignages #MeTooInceste.


Ces témoignages reflètent le courage des victimes pour briser l'omerta, demander une reconnaissance effective de ces crimes et en empêcher la reproduction.

Ces témoignages nous engagent et engagent notre société toute entière à écouter les victimes, à ouvrir les yeux sur la réalité de ces crimes et à condamner les pédocriminels par l'opprobre collective mais surtout par un dispositif législatif à la hauteur de l'enjeu et des mécanismes de prévention réalistes et adaptés. Un.e enfant n'est jamais responsable, ni consentant.e. Un.e enfant est victime dans tous les cas, sans exception.

Dans la plupart des pays du monde, ces enfants et adolescent.e.s victimes d'incestes subissent une triple peine : les violences subies en tant que telles ; les multiples traumatismes physiques et psychologiques liés à ces violences (perte de confiance en soi, déni, isolement, maladies, suicides, etc.) ; la charge de la preuve, puisqu'il leur revient de devoir prouver leur innocence et la culpabilité du tiers rappelons-le, dans la grande majorité des cas se trouvant dans leur entourage proche et en position d'exercer une forte emprise mentale pour des faits que leur mémoire enfantine a parfois tenté de brouiller pour survivre.

Parce que nous sommes à un tournant sur cette question essentielle à nos humanités, ONU Femmes France prend position et demande aux pouvoirs publics le renforcement de la protection des mineur.e.s, en instaurant notamment un seuil d'âge de non consentement à 15 ans. Dans un pays comme le nôtre, il est grand temps de reconnaître que les enfants et les adolescent.e.s sont, tout autant que les adultes, sujets directs de droits et que la loi traduise entièrement, sans ambiguïté et sans faille cet état de faits.

Nous exprimons notre soutien à toutes les victimes et leur redisons à quel point nous les croyons et nous sommes de leur côté à chaque instant. Nous invitons, toutes et tous, à soutenir et croire les survivant.e.s et à contribuer au changement de paradigme de notre société pour que cette parole des victimes soit écoutée et prise en compte. Et que toutes les formes de violences faites aux mineur.e.s cessent d'exister.

Ne laissons pas l'intensité retomber. Profitons de ce moment opportun pour réparer des décennies d'injustice monstrueuse malgré l'engagement méritant de bon nombre d'acteurs de terrains, et pour dessiner une société où les enfants pourront aspirer à la condition de leur âge : celle de l'innocence.

* ONU Femmes
** Sondage Ipsos pour l'association Face à l'inceste, novembre 2020.
*** Haut Conseil à l'Egalité, 2020

Catherine Reichert
catherine.reichert@onufemmes.fr
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