ONU Femmes : les Femmes, la Paix, le Pouvoir un rôle qui doit être reconnu par tous les Etats !

ONU Femmes - 28/10/2020 10:15:00


En octobre 2020, le Conseil de sécurité des Nations Unies marquera les deux décennies écoulées depuis l'adoption marquante de la résolution 1325, qui a consacré pour la première fois le rôle essentiel des femmes dans l'instauration et le maintien de la paix. Le Conseil de sécurité des Nations Unies organisera le 29 octobre, virtuellement cette année, son débat public annuel sur les femmes, la paix et la sécurité.

La paix est une condition indispensable à la santé, à l'égalité et à la sécurité humaine. Le 20e anniversaire de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies se déroule dans un monde où 2 milliards de personnes vivent dans des pays affectés par des conflits. Dans ces pays, malgré des obstacles considérables, les femmes s'emploient à instaurer et à maintenir la paix. Elles le font même au beau milieu de la pandémie de COVID-19, tout en continuant d'être tenues à l'écart. Dans les pays aux prises avec un conflit, la représentation des femmes dans les groupes de travail sur la COVID-19 se situe à un faible niveau de 18 pour cent.

Au cours des premiers mois de la pandémie, en mars dernier, le Secrétaire général des Nations Unies a lancé un appel en faveur d'un cessez-le-feu immédiat au niveau mondial. Une campagne mondiale menée par les Nations Unies exhorte toutes les parties à réduire au silence les armes à feu et à mettre fin aux frappes aériennes d'ici la fin de l'année, afin qu'ensemble, nous puissions concentrer nos efforts sur la lutte contre la COVID-19 et bâtir un avenir viable fondé sur l'égalité pour toutes les personnes.

ONU Femmes soutient l'appel à l'action lancé par les dirigeantes et dirigeants des Nations Unies et les organisations féministes sur le terrain, en faveur du désarmement, du contrôle des armes et du transfert des dépenses militaires vers l'investissement social.

La promesse inscrite dans les initiatives en faveur des femmes, de la paix et de la sécurité offre un cadre de référence pour une paix durable au beau milieu d'une crise mondiale, et cette promesse s'appuie sur un mouvement de femmes intrépides qui ne connaît que peu de limites. Toutefois, bien que cet ordre du jour bénéficie d'un appui solide de la part de gouvernements du monde entier, cet appui n'a pas comblé les lacunes persistantes freinant sa mise en oeuvre.

Les progrès ont été trop lents, même s'il faut se rendre à l'évidence : lorsque les femmes siègent à la table de négociation, les accords de paix ont de plus fortes chances de durer 15 ans ou plus. Et pourtant, les accords de paix assortis de dispositions sur l'égalité entre les sexes, qui étaient de 14 pour cent en 1995, sont passés à 22 pour cent. En moyenne, les femmes représentaient 13 pour cent des négociateurs, 6 pour cent des médiateurs et 6 pour cent des signataires des grands processus de paix entre 1992 et 2019.

Ce mois-ci, sous le thème "Femmes, Paix, Pouvoir", ONU Femmes souligne les contributions fructueuses des femmes à la paix durable, à la sécurité humaine et à la justice. Découvrez cet espace, entre autres intérêts, pour entendre des voix militantes et vous informer des dernières nouvelles et des tout récents éléments du débat public au Conseil de sécurité des Nations Unies.

Femmes, Paix, Pouvoir, depuis 20 ans

Depuis son adoption il y a 20 ans, le programme « Femmes, paix et sécurité » a été le catalyseur d'avancées cruciales pour les femmes et les filles dans le monde entier. Toutefois, les progrès sont loin d'avoir connu une trajectoire linéaire. Cette chronologie met en lumière les grands moments, tant de succès majeurs que de revers surprenants.


Rimu Sultana Rimu : Où je me tiens : "Apprendre aux filles à lire et à écrire est pour moi l'un des moyens les plus efficaces pour changer les choses."
Rimu Sultana Rimu sait que l'éducation, c'est le pouvoir. En tant que jeune activiste rohingya vivant à Cox's Bazar, l'un des plus vastes camps de réfugiés au monde, elle a fait de l'alphabétisation sa mission.


Lorsque je regarde autour de moi, je constate que les femmes et les filles sont traitées comme des êtres moins importants que les hommes et qu'elles n'ont pas les mêmes droits et les mêmes possibilités. C'est une culture très traditionnelle et nous devons subir les conflits, la violence et les déplacements forcés qui nous affectent. Lorsque les filles et les femmes ne sont pas traitées sur un pied d'égalité, il n'y a aucune chance réelle de parvenir à une société forte et pacifique.

Au quotidien, les filles sont confrontées à de nombreux problèmes : le mariage des enfants, le harcèlement dans la rue et la violence sexuelle. J'ai le sentiment d'avoir le devoir de faire quelque chose pour essayer de faciliter la vie des femmes et des filles, et d'essayer de créer une société plus pacifique et égalitaire.

Lorsque j'ai commencé à parler des droits des femmes, certains membres de ma famille n'ont pas apprécié que je parle de ce sujet. Ils ont déclaré que je ne respectais pas ma religion et que je ne me comportais pas correctement. D'autres personnes dans ma communauté peuvent également être très décourageantes, mais j'aime relever le défi d'essayer de faire évoluer leurs opinions. Heureusement, je pense que je suis née déterminée, ce qui m'aide à continuer à faire mon travail.

La plupart des femmes et des filles de ma communauté ne savent ni lire ni écrire, elles ne peuvent donc pas comprendre pleinement leurs droits. La plupart d'entre elles sont forcées de quitter l'école à un très jeune âge. Cela signifie qu'elles peuvent être rejetées parce qu'elles n'ont pas fait d'études et que, si elles sont victimes de harcèlement ou de violence, elles se sentent probablement incapables de le signaler ou de demander justice. Les filles qui n'ont pas fait d'études peinent à devenir économiquement autonomes, ce qui signifie qu'elles n'auront jamais le contrôle de leur propre avenir. Apprendre aux filles à lire et à écrire est pour moi l'un des moyens les plus efficaces pour changer les choses.

L'an dernier, j'ai été invitée à me rendre à Dhaka pour prononcer un discours devant une salle remplie de responsables politiques et partager mon expérience de jeune activiste communautaire rohingya. J'étais si heureuse et si fière. Cela a été le plus grand moment de ma vie.

Cette année, tous les problèmes auxquels les filles et les femmes rohingyas sont confrontées dans les camps ont été considérablement aggravés par la pandémie de COVID-19. De nombreuses filles ont cessé d'aller à l'école. Il a été difficile de me déplacer pour organiser mes ateliers. Il y a eu une augmentation du nombre de mariages d'enfants dans les camps, et j'ai lancé une campagne pour sensibiliser les gens à la façon dont cela peut être dommageable pour les filles. Je dis aux gens que chaque fille a le droit d'être en sécurité.

En ce moment, je me sens très positive et forte. J'adore ce travail et j'ai de grands projets pour moi-même. Je veux étudier l'histoire et écrire un livre de poésie. Peut-être qu'un jour, je serai même la Première ministre du Bangladesh. Pourquoi pas? Je ne m'arrêterai pas avant que toutes les femmes et les filles prennent conscience de leurs droits et puissent vivre heureuses et en sécurité en tant qu'égales.

ODD 16 : Paix, justice et institutions efficaces
Rima Sultana Rimu, 18 ans, activiste pour la paix, fait partie du réseau Young Women for Leadership (YWL) à Cox's Bazar, au Bangladesh, un programme du Global Network of Women Peacebuilders (Réseau mondial des femmes pour la paix) organisé en partenariat avec l'organisation locale de défense des droits des femmes Jago Nari Unnayan Sangsta et soutenu par ONU Femmes. Elle anime des ateliers sur la participation des femmes et des jeunes à la consolidation de la paix, éduque les jeunes femmes à propos de leurs droits, à l'aide d'émissions de théâtre et de la radio. La représentante d'ONU Femmes s'est entretenue avec Rima Sultana Rimu à l'occasion du 20e anniversaire de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui continue de déterminer les enjeux prioritaires pour les femmes, la paix et la sécurité et d'inclure les femmes et l'analyse de genre dans tous les aspects de la prévention des conflits, de la paix et de la reconstruction. Les femmes artisanes de la paix, qui gagnent et exercent le pouvoir de décision, sont essentielles à cet ordre du jour.


Rimu Sultana Rimu. Photo: ONU Femmes/Mahmudul Karim en frontispice


Dans les paroles d'Habiba Sarabi : "Notre vision d'un Afghanistan où chaque femme peut vivre en paix et reconnaître ses droits.


La Dre Habiba Sarabi, leader pionnière en Afghanistan, est l'une des quatre seules femmes à négocier la paix avec les talibans dans le cadre des pourparlers intra-afghans en cours. Hématologue de formation, elle est devenue activiste pour la paix, politicienne et réformatrice dans la reconstruction de l'Afghanistan. Elle a été ministre de la Condition féminine et est devenue en 2005 la première femme afghane à occuper le poste de gouverneure. Elle continue de jouer un rôle déterminant dans la promotion des droits des femmes et de la consolidation de la paix, à un moment décisif pour son pays. ONU Femmes s'est entretenue avec la Dre Habiba Sarabi à l'occasion du 20e anniversaire de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui continue de façonner les priorités concernant les femmes, la paix et la sécurité, dans le but d'inclure les femmes et l'analyse des disparités entre les sexes dans tous les aspects de la prévention des conflits, de la paix et de la reconstruction. Indispensables à la réalisation de ces priorités, les femmes leaders artisanes de la paix acquièrent et exercent leur pouvoir de décision.


J'ai grandi en Afghanistan dans les années 1960, et tout ce que je voulais faire quand j'étais petite, c'était aller à l'école. C'était dur parce que mon père ne s'intéressait pas à mon éducation. Mais je suis née têtue et déterminée. Je me rendais à l'école à pied et endurais les railleries des garçons.

J'étais une jeune femme mariée et mère de deux enfants travaillant dans le secteur de la santé à Kaboul, lorsque les talibans sont venus occuper l'Afghanistan en 1996. Ma ville est devenue un lieu violent et dangereux. Les talibans ont enfermé les femmes dans leurs maisons et nous ont empêchées de travailler. Quand ils ont fermé les écoles, j'ai pris mes enfants et je me suis enfuie au Pakistan en laissant mon mari derrière nous.

Cela a été une période extrêmement difficile pour ma famille. Mes enfants étaient très jeunes, mais je ne pouvais pas rester les bras croisés à regarder mes soeurs souffrir en Afghanistan. J'ai commencé à retourner à Kaboul en secret, en traversant les montagnes puis la frontière en burqa, afin de pouvoir contribuer à la mise en place d'un réseau clandestin d'écoles pour filles. De retour au Pakistan, j'ai travaillé pour des organisations de la société civile dans des camps de réfugiés et dénoncé la situation des femmes dans mon pays d'origine.

Après la chute des talibans en 2001, je suis immédiatement retournée en Afghanistan pour aider à la reconstruction. J'ai d'abord été nommée ministre de la Condition féminine par le gouvernement intérimaire afghan sous Hamid Karzaï. Puis, en 2005, j'ai été nommée gouverneure de la province de Bamiyan, devenant ainsi la première femme à assumer ces fonctions dans tout l'Afghanistan.

Ce fut un moment marquant pour les femmes dans le pays. Beaucoup de gens n'avaient jamais vu une femme occuper un poste de responsabilité avant moi. Une fois, je me souviens avoir participé à un événement et avoir parlé avec un groupe de femmes dans un vestibule. À un moment donné, le chef de la police est arrivé et ces femmes ont été étonnées de voir cet homme important recevoir des ordres de moi. Mon statut de modèle exemplaire et les espoirs de changement concret que je donne aux femmes m'ont permis de prendre la mesure du pouvoir qui m'est conféré.

La situation dans laquelle se trouvent les femmes afghanes aujourd'hui n'est pas la même qu'il y a quelques décennies. Nous sommes davantage mobilisées. Les réseaux sociaux nous ont permis d'élever la voix. Aujourd'hui, de nombreuses femmes participent à la vie publique et occupent des fonctions publiques.

Pourtant, nous abordons un tournant déterminant dans notre lutte, tant pour les droits des femmes que pour une paix durable.

Je participe actuellement aux pourparlers de paix entre le gouvernement afghan et les talibans pour essayer de faire en sorte que les femmes soient au centre des négociations en cours. Sans la participation des femmes à ce processus, il n'y aura pas de paix durable et viable.

Dans le même temps, nous assistons à une recrudescence de la violence à l'égard des femmes en Afghanistan, de la part de ceux qui comprennent qu'en attaquant les femmes, on peut également attaquer et compromettre le processus de paix lui-même. Les meurtres et les agressions sexuelles sont en hausse, et la liberté de parole et d'expression des femmes dans les zones rurales est réduite au silence.

L'enjeu est de taille. Nous ne devons pas fléchir dans notre détermination à poursuivre notre combat, jusqu'à ce que nous réalisions notre vision d'un Afghanistan où chaque femme peut vivre en paix et reconnaître ses droits

Dre Habiba Sarabi. Photo: UNAMA/Fardin Waezi