L'Italie ne met pas en place toutes les mesures adéquates pour endiguer les bactéries létales touchant les oliviersles oliviers

Cour de Justice de l'Union Européenne - 12/09/2019 18:35:00


La Xylella fastidiosa (ci-après la « Xylella ») est une bactérie affectant de nombreux végétaux qui peut entraîner leur mort par dessèchement. Cette bactérie a été observée pour la première fois en Europe en 2013 sur des oliviers (Olea europaea L.) situés dans la région des Pouilles (Italie). Les données scientifiques ont relevé que la diffusion de la Xylella dépend essentiellement de certains insectes qui peuvent se déplacer de près de 100 mètres en l'espace de seulement 12 jours, agissant ainsi comme vecteurs de la bactérie.

En 2015, la Commission a adopté une décision par laquelle elle a notamment imposé aux États membres des mesures d'éradication de la Xylella, consistant à enlever immédiatement non seulement les plantes infectées (notamment les oliviers), mais aussi toutes les plantes hôtes - même en l'absence de symptômes d'infection - situées dans un rayon de 100 mètres autour de celles infectées, cela non seulement dans la zone infectée mais aussi dans la zone limitrophe, dite « tampon ».

En 2016, la Cour de justice, saisie d'une demande préjudicielle , a déclaré la validité, au regard du droit de l'Union, de ces mesures d'éradication. La même année, la Xylella étant établie dans certaines parties des Pouilles depuis plus de deux ans, son éradication n'était plus possible. Par conséquent, la Commission a modifié sa décision en prévoyant exceptionnellement, pour les territoires infectés de manière stable, des mesures d'enrayement à la place des mesures d'éradication. Ces mesures d'enrayement, visant à empêcher la propagation de la Xylella, comprennent la surveillance du territoire concerné ainsi que l'abattage immédiat des seules plantes infectées situées, notamment, dans une bande de la zone infectée ayant une largeur de 20 kilomètres calculés à partir du « bord » externe de la même zone, donc une bande limitrophe de la zone tampon (schéma ci-dessous), qui traverse les provinces de Brindisi et de Tarente d'Est en Ouest.

1 Décision d'exécution (UE) 2015/789 de la Commission, du 18 mai 2015, relative à des mesures visant à éviter
l'introduction et la propagation dans l'Union de Xylella fastidiosa (JO 2015, L 125, p. 36), telle que modifiée par la décision d'exécution (UE) 2016/764 de la Commission, du 12 mai 2016 (JO 2016, L 126, p. 77).
2 Arrêt de la Cour du 9 juin 2016, Pesce e.a. (affaires jointes C-78/16 et C-79/16) ; voir communiqué de presse n°61/16. En 2018, la Commission a introduit le présent recours en manquement devant la Cour, estimant
que l'Italie ne s'était pas conformée à sa demande d'intervention immédiate en vue d'empêcher la
propagation de la Xylella et que, du fait de la persistance des manquements, cette bactérie s'était
fortement propagée dans les Pouilles
3 Par son arrêt de ce jour, la Cour déclare que, à l'expiration du délai lui ayant été imparti par la Commission, à savoir la date du 14 septembre 2017, l'Italie était en défaut d'avoir respecté deux des obligations lui incombant en vertu de la décision de la Commission. La Cour constate, en premier lieu, que l'Italie n'a pas immédiatement procédé à l'enlèvement, dans la zone d'enrayement, d'au moins tous les végétaux infectés dans la bande de 20 kilomètres de la zone infectée jouxtant la zone tampon. La Cour relève qu'il n'est pas contesté que, au 14 septembre 2017, sur un total de 886 végétaux infectés recensés, 191 c'est-à-dire près de 22 %) n'avaient pas encore été enlevés dans la bande de 20 kilomètres. Il n'est pas non plus contesté que l'enlèvement des végétaux infectés dans cette bande de 20 kilomètres, lorsqu'il a eu lieu, n'a été effectué qu'après plusieurs mois suite au constat de l'infection de ces végétaux. La Cour souligne que le terme « immédiatement » contenu dans la décision de la Commission ne saurait se concilier avec un délai de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois. Au regard des différents obstacles matériels, administratifs et juridiques avancés par l'Italie afin de se justifier, la Cour rappelle que les situations d'ordre interne d'un État membre ne justifient pas le non-respect des obligations et des délais résultant du droit de l'Union. L'Italie aurait donc dû adopter des mesures nationales d'urgence prévoyant des procédures plus rapides afin de surmonter de tels obstacles.
En second lieu, la Cour constate que l'Italie n'a pas garanti, dans la zone d'enrayement, la surveillance de la présence de la Xylella en menant des enquêtes annuelles à des moments opportuns de l'année. La Cour observe que l'Italie a réalisé son enquête pour l'année 2016 entre les mois d'août 2016 et de mai 2017. Or, même à supposer, comme le fait valoir l'Italie, que la présence de la Xylella puisse être détectée pendant toute l'année - ce que la Commission conteste, étant donné que, en hiver, les plantes à feuilles caduques n'ont pas de feuilles qui peuvent révéler les symptômes d'infection -, il demeure que l'Italie n'a pas terminé l'enquête annuelle avant le début du printemps, saison de vol de l'insecte vecteur de la Xylella, afin de permettre l'enlèvement en temps utile des végétaux infectés.

En revanche, la Cour rejette la demande de la Commission visant à faire constater un manquement persistant et général de l'Italie à l'obligation d'éviter la propagation de la Xylella. Ce manquement consisterait dans le fait que l'Italie n'a pas atteint le résultat visé par la décision de la Commission, qui était d'empêcher cette propagation. Il en résulterait, selon la Commission, une violation répétée par l'Italie, non seulement des obligations lui incombant dans la zone d'enrayement, mais aussi des obligations, objet de l'affaire préjudicielle susmentionnée, concernant l'éradication de la bactérie dans la zone délimitée, incluant la zone infectée et la zone tampon (voir schéma ci-dessus). La Cour observe, en effet, que la Commission n'a pas prouvé la violation de ces obligations spécifiques. À cette fin, le simple constat de la propagation de la Xylella ne suffit pas. Par conséquent, la Cour estime que la Commission n'a pas non plus prouvé la violation, de la part de l'Italie, ni de l'obligation, énoncée dans la directive 2000/29

4 d'adopter toutes les mesures nécessaires pour empêcher la propagation de la bactérie, ni de l'obligation de
coopération loyale contenue à l'article 4 du traité sur l'Union européenne. La bactérie Xylella s'est en effet propagée de la province de Lecce à tout le territoire des provinces avoisinantes de Brindisi et de Tarente. 4 Directive 2000/29/CE du Conseil, du 8 mai 2000, concernant les mesures de protection contre l'introduction dans la Communauté d'organismes nuisibles aux végétaux ou aux produits végétaux et contre leur propagation à l'intérieur de la Communauté (JO 2000, L 169, p. 1), telle que modifiée par la directive d'exécution (UE) 2017/1279 de la Commission, du 14 juillet 2017 (JO 2017, L 184, p. 33).


RAPPEL : Un recours en manquement, dirigé contre un État membre qui a manqué à ses obligations
écoulant du droit de l'Union, peut être formé par la Commission ou par un autre État membre. Si le manquement est constaté par la Cour de justice, l'État membre concerné doit se conformer à l'arrêt dans les
meilleurs délais. Lorsque la Commission estime que l'État membre ne s'est pas conformé à l'arrêt, elle peut introduire un nouveau recours demandant des sanctions pécuniaires. Toutefois, en cas de non communication des
mesures de transposition d'une directive à la Commission, sur sa proposition, des sanctions peuvent être infligées par la Cour de justice, au stade du premier arrêt.