"Les maires de France : entre résignation et incertitude"

IEP - Institut d'Etudes Politiques de Paris - Sciences Po - 19/11/2018 09:00:00

CEVIPOF Centre de recherches politiques de Sciences Po Paris
"Les maires de France" enquête inédite menée par le CEVIPOF sur la demande de l'AMF, dans le cadre de l'Obervatoire de la démocratie de proximité.

Les résultats de la vague 1 : Les maires de France : entre résignation et incertitude

Les maires de France : entre résignation et incertitude
La France des territoires locaux est-elle en crise ? Pourquoi les maires de ces 35 357 communes
expriment-ils depuis plusieurs mois un sentiment de lassitude vis-à-vis de responsabilités politiques et
administratives qu'ils jugent de plus en plus difficiles à assumer ? Les raisons sont multiples et profondes.
Surtout elles ne sont pas nouvelles. En mars 2014, 40 % des maires avaient été renouvelés aux élections
municipales. En octobre 2018, la part élevée d'élus indiquant ne pas vouloir se représenter laisse augurer
un plus fort renouvellement en 2020. Les raisons de cette tendance sont multiples mais ont en commun
une forme de résignation des maires contenue par un sens du devoir et un esprit républicain du quotidien.
Mais la contestation assumée et relayée par les associations d'élus locaux face au malaise dans leurs
relations vis-à-vis de l'État central et aux effets liés à l'application de certaines réformes (loi NOTRe,
suppression de la taxe d'habitation) ouvre une période de forte incertitude.
Dans le cadre du nouvel Observatoire de la démocratie de proximité, à l'initiative et en partenariat avec
l'AMF, le CEVIPOF a mené une enquête en ligne auprès de l'ensemble des maires de France pour dresser
leurs portraits, pour connaître les trajectoires de celles et ceux qui occupent cette fonction, pour mieux
appréhender leurs difficultés, et pour comprendre l'évolution de la représentation politique au niveau
local. Pilier de la démocratie locale, le maire bénéficie encore aujourd'hui du niveau de confiance le
plus élevé (parmi tous les élus) de la part des citoyens. Toutefois, ce capital de confiance ne doit pas
dissimuler la mise sous tension du maire dans son environnement quotidien l'obligeant à une grande
capacité d'adaptation pour ne pas sombrer dans la résignation.

Principaux enseignements de l'enquête
Les 4 657 maires interrogés par l'enquête AMF-CEVIPOF expriment un sentiment général partagé entre résignation et incertitude au regard des prochaines échéances électorales de mars 2020.

À la question de savoir si les maires ont d'ores-et-déjà pris une décision vis-à-vis du renouvellement de leur candidature, un maire sur deux (50 %) indique vouloir abandonner son mandat de maire. Cette proportion atteint 55 % pour les maires des communes de moins de 500 habitants contre 28 % pour les communes de 5 à 10 000 habitants et 9 % pour les communes de plus de 30 000 habitants.

Les raisons invoquées par les maires sont multiples mais témoignent en priorité de difficultés de l'exercice du mandat puisque 71 % d'entre eux souhaitent se concentrer sur leur vie familiale et personnelle et 52 % considèrent avoir rempli leur devoir civique. Il n'y a donc pas à proprement parler un malaise généralisé chez les édiles municipaux mais plutôt le souhait de passer la main en raison de motifs personnels.

Ce résultat ne doit pas masquer un certain nombre d'insatisfactions ressenties par les maires dans l'évolution institutionnelle du maillage territorial. En effet, le rapport des maires aux regroupements intercommunaux suscite beaucoup d'irritation et un sentiment de « dépossession » de leur action publique locale. Ainsi 80 % d'entre eux considèrent que l'intercommunalité a beaucoup d'influence sur leur commune alors qu'ils ne sont que 25 % à penser que leur commune exerce une influence sur l'intercommunalité. Cette relation asymétrique met en exergue la perte d'autonomie ressentie et vécue par plusieurs maires qui ont été élus sur des projets de transformation et d'amélioration du cadre de vie quotidien et qui ont l'impression d'être relégués aux fonctions d'officier d'état civil.

Enfin, dans un contexte de tension entre l'exécutif national et les représentants des collectivités locales (communes, départements, régions), 75 % des maires interrogés jugent de manière négative les changements introduits par la loi NOTRe et 68 % désapprouvent la réorganisation des services déconcentrés de l'État.

Enfin, l'enquête révèle que la République décentralisée des territoires est en panne alors que les maires restent les représentants politiques bénéficiant du niveau de confiance le plus élevé de la part des Français. L'enjeu est de taille car il met en péril le bon fonctionnement d'une démocratie locale.

Observatoire de la démocratie de proximité AMF-CEVIPOF/SciencesPo