Les commissions de la culture et des lois du Sénat rejettent les propositions de loi relatives à la lutte contre les"fake news".

Sénat - 19/07/2018 12:37:30

Réunies les mardi 17 et mercredi 18 juillet et suivant les conclusions communes de leurs rapporteurs respectifs et des groupes Les Républicains, Socialiste et républicain et Union Centriste, la commission de la culture et la commission des lois du Sénat ont décidé de rejeter les propositions de loi, adoptées par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatives à la lutte contre la manipulation de l'information.

Rapporteure de la commission de la culture, la Présidente Catherine Morin-Desailly (Union Centriste - Seine-Maritime) a estimé que l'adoption de la proposition de loi "pourrait donner l'impression que la question des fausses nouvelles a été résolue, ce qui ne sera bien évidemment pas le cas, comme nos concitoyens pourront le constater très rapidement, tout en faisant peser de vrais risques sur les libertés publiques. L'amplification récente du phénomène renvoie au modèle économique des plateformes en ligne, qui fragilise le débat dans nos sociétés démocratiques". Elle a annoncé le prochain dépôt d'une proposition de résolution européenne invitant le Gouvernement à ouvrir rapidement les négociations à Bruxelles pour faire évoluer le statut des plateformes.

Rapporteur de la commission des lois, Christophe-André Frassa (Les Républicains - Français établis hors de France) a estimé que les dispositions de la proposition de loi visant à créer un référé pour lutter contre la diffusion des fausses informations en période électorale étaient inabouties, inefficaces et dangereuses : "Inabouties en raison de la précipitation avec laquelle ces propositions de loi ont été élaborées, dont témoignent la définition donnée aux "fausses informations" ou encore la notion de "contenus d'information se rattachant à un débat d'intérêt général". Inefficaces car il est quasiment impossible de rapporter la preuve contraire de certaines allégations : comment établir par exemple que l'on n'a pas ouvert de compte bancaire offshore ? Enfin, dangereuses car elles rompent, sans raison, avec la tradition juridique française de liberté d'expression accrue en matière politique et pendant les périodes électorales et parce qu'un tel dispositif de référé pourrait être instrumentalisé à des fins dilatoires et porter, en pratique, une atteinte disproportionnée à la liberté d'expression."

Plus d'info sur la loi relative à la diffusion de "fake news".
Cette proposition de loi a été déposée à l'Assemblée nationale le 21 mars 2018 par Richard FERRAND et plusieurs de ses collègues.

Constatant "l'existence de campagnes massives de diffusion de fausses informations destinées à modifier le cours normal du processus électoral par l'intermédiaire des services de communication en ligne" et considérant que les lois existantes sont "insuffisantes pour permettre le retrait rapide des contenus en ligne", les députés souhaitent par ce texte modifier le droit existant pour notamment permettre qu'une décision judiciaire puisse être rendue à bref délai pour faire cesser leur diffusion.

Le texte comporte quatre titres.

Une nouvelle action en référé devant le juge civil pendant les périodes pré-électorale et électorale

Le titre Ier (articles 1er à 3) vise à modifier le code électoral.
Il y est proposé d'introduire une nouvelle action en référé devant le juge civil dont la mise en oeuvre serait limitée aux périodes pré-électorale et électorale (article 1er). Le juge se verrait ainsi confier le soin de prononcer, à l'égard des tiers tels que les hébergeurs, plateformes et fournisseurs d'accès à internet, des mesures visant à faire cesser la diffusion de fausses informations et ce indépendamment de toute mise en cause de leur responsabilité.

Ces nouvelles dispositions applicables seraient applicables durant les élections sénatoriales (article 2) et durant les élections des représentants français au Parlement européen (article 3).

De nouveaux pouvoirs conférés au CSA

Le titre II (articles 4 à 8) modifie la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Il vise, selon ses auteurs, à permettre au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) d'empêcher, de suspendre ou de mettre fin à la diffusion de services de télévision contrôlés par un État étranger et qui portent atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation ou participent à une entreprise de déstabilisation de ses institutions. Il institue notamment une procédure exceptionnelle de suspension administrative de la diffusion d'un service conventionné, en période électorale (article 5). Il organise un régime de sanction parallèle à celui créé pour le refus de conventionnement, permettant au Conseil supérieur de l'audiovisuel de retirer la convention en cas d'agissements postérieurs à sa signature (article 6).

De nouveaux devoirs pour les "intermédiaires techniques"
Le titre III (article 9) modifie la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique. Il a pour objet d'imposer un devoir de coopération des intermédiaires techniques : au-delà de l'obligation de retirer promptement tout contenu illicite porté à leur connaissance ("notice and take down"), les prestataires sont soumis à l'obligation de mettre en place un dispositif facilement accessible et visible permettant à toute personne de porter à leur connaissance des contenus constitutifs de fausses informations, d'une part, et de relayer promptement auprès des autorités publiques compétentes les signalements relatifs à ces contenus transmis par les internautes, d'autre part. Ils doivent, enfin, rendre publics les moyens qu'ils consacrent à la lutte contre la diffusion de fausses informations. Cette troisième obligation est transversale et impose une transparence dans la mise en place des deux premières obligations.

Une proposition de loi organique pour lutter contre les fausses informations dans le cadre de la campagne présidentielle

Le 16 mars 2008, par Richard FERRAND, et les députés membres du groupe La République en Marche et apparentés ont déposé une proposition de loi organique afin de rendre applicable à la campagne électorale en vue de l'élection du Président de la République :

- une obligation de transparence des relations commerciales qu'entretiennent les opérateurs de plateforme en ligne en rendant publics l'identité des annonceurs pour lesquels ils agissent ainsi que, au-delà d'un certain seuil défini par décret, le montant des rémunérations reçues en contrepartie de la promotion de contenus d'informations ;
- une possibilité d'action en référé devant le tribunal de grande instance de Paris afin de faire cesser la diffusion artificielle et massive de fausses informations.


Deux textes examinés en procédure accélérée et en discussion générale commune au Sénat

Le Gouvernement ayant engagé la procédure accélérée sur la proposition de loi et sur la proposition de loi organique, le 26 mars 2018, celles-ci pourraient ne faire l'objet que d'une seule lecture au Parlement.


Le 26 juillet 2018, lors de leur première lecture au Sénat, les deux textes feront l'objet d'une discussion générale commune.

Contact(s) presse :
Jean-Christian LABIALLE 01 42 34 20 00



Sénat



15, rue de Vaugirard
75291 PARIS Cedex 06
Tél: 01 42 34 20 00

Directeur de la Communication
Charles Waline
communication@senat.fr


Site internet





Gérard LARCHER
Président du Sénat