Lavrov au Conseil de Sécurité :non-prolifération des armes de destruction massive:mettre en place des mesures de confiance

Ambassade de Russie - 19/01/2018 16:35:00


New York, 18 janvier 2018

Monsieur le Président,

Monsieur le Secrétaire général,

La Fédération de Russie salue l'initiative du Président du Kazakhstan Noursoultan Nazarbaev d'organiser une réunion spéciale du Conseil de sécurité sur la non-prolifération des armes de destruction massive.

Ce thème est d'autant plus d'actualité que le 1er juillet 2018 marquera le 50e anniversaire de l'ouverture à la signature du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, pilier du système international de la non-prolifération nucléaire. Nous sommes certains que les risques et les menaces auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui dans ce domaine doivent être neutralisés précisément sur base de ce Traité avec une approche équilibrée de ses trois composantes: la non-prolifération, le désarmement et l'usage pacifique de l'énergie nucléaire.

Malheureusement, nous approchons de ce cap des 50 ans avec un grand bagage de contradictions susceptibles de compliquer le cycle actuel d'examen du Traité et des engagements pris dans son cadre, ainsi que de perturber son renforcement sur la base du Plan d'action adopté pendant la Conférence d'examen de 2010. Pour cela, toutes les parties doivent renoncer à leur réticence à s'entendre, qui était si prononcée pendant la Conférence d'examen de 2015.

A l'époque prédominait une tendance illusoire et dangereuse tendant à forcer les puissances nucléaires à renoncer à leurs arsenaux nucléaires sans tenir compte de leurs intérêts en matière de sécurité et des réalités stratégiques. Cette approche a conduit à une élaboration forcée du Traité d'interdiction des armes nucléaires ouvert à la signature.

La Russie n'a pas l'intention d'adhérer à ce Traité. Nous partons du principe que la suppression totale des armes nucléaires ne sera possible que dans le contexte d'un désarmement général et complet, couplé à la garantie d'une sécurité égale et indivisible pour tous, y compris les détenteurs de l'arme nucléaire comme le prévoit le TNP.

Les termes du Traité d'interdiction des armes nucléaires ouvert à la signature sont loin de ces principes. Ce texte fait l'impasse sur la nécessité de prendre en compte tous les facteurs qui impactent aujourd'hui la stabilité stratégique. Il provoque également de profondes divergences entre les membres de la communauté internationale et pourrait déstabiliser le régime de non-prolifération.

Je voudrais souligner que nous partageons la mission de construire un monde non nucléaire. Mais il ne faut pas chercher à atteindre cet objectif par des méthodes aussi unilatérales que celles du Traité d'interdiction des armes nucléaires.

Les perspectives du cycle d'examen actuel reposent également la question de l'absence de clarté concernant la mise en place, au Moyen-Orient, d'une zone exempte d'armes nucléaires (ZEAN) et de destruction massive ainsi que de leurs vecteurs. Nous sommes certains que la réunion de la Conférence sur la création d'une ZEAN au Moyen-Orient reste d'actualité. De notre côté, nous continuerons de contribuer à toute avancée dans ce processus. Nous envisageons le gage de succès dans l'analyse de cette question dans le large contexte de la sécurité régionale. Toutes les parties intéressées connaissent bien les idées russes en la matière, qui sont toujours valables.

Autre problème important: la situation du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE). Partisans de principe de ce Traité, nous appelons tous les pays dont dépend son entrée en vigueur à mener jusqu'au bout sa signature et sa ratification, tel que cela a été promis par certains pays. Il est primordial d'assurer la prolongation du moratoire pour toutes les explosions nucléaires.

Parmi les mesures primordiales et concrètes pour maintenir au stade actuel le régime de non-prolifération nucléaire figure l'union des efforts afin d'assurer une réalisation stable du Plan d'action global commun pour régler la situation autour du programme nucléaire iranien. Le Conseil de sécurité des Nations unies a soutenu le Plan d'action en adoptant à l'unanimité la résolution 2231 et, par conséquent, il est responsable de sa mise en oeuvre. L'Iran respecte rigoureusement ses engagements, comme le confirme régulièrement l'AIEA. La grande majorité de la communauté internationale reconnaît que le Plan d'action apporte une contribution palpable au renforcement du régime de non-prolifération et au maintien de la paix et de la sécurité. On ne peut pas, au profit de la conjoncture politique de certains pays, se détacher de la diplomatie multilatérale résultant des efforts non seulement des participants à cet accord, mais également de bien d'autres pays qui les ont soutenus - le Kazakhstan notamment.

Il est évident qu'un échec du Plan d'action, qui plus est par la faute de l'un des membres du groupe 5+1, serait un signal alarmant pour toute l'architecture de sécurité internationale et notamment les perspectives de règlement du problème de la péninsule coréenne. Nous réaffirmons la pertinence de la feuille de route suggérée par la Russie et la Chine, qui vise à régler ce problème de manière purement pacifique.

Nous sommes très préoccupés par la menace grandissante du terrorisme dit "chimique" au Moyen-Orient, notamment en Irak et en Syrie. Non seulement les terroristes utilisent des produits chimiques toxiques, mais disposent également de leurs propres capacités technologiques et industrielles pour synthétiser des substances chimiques militaires à part entière. Ils ont mis en place des canaux ramifiés d'accès à leurs précurseurs.

Il faut également tenir compte des risques tout à fait réels que représente la prolifération du terrorisme "chimique" au-delà du Moyen-Orient, notamment compte tenu de la part importante de combattants étrangers parmi les extrémistes. Les terroristes venus en Syrie et en Irak depuis l'étranger ont déjà pu recevoir une expérience pratique et des compétences en matière de création et d'utilisation de l'arme chimique.

Ces trois dernières années, nous avons proposé plusieurs fois d'adopter une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies, ou au moins une déclaration de son président, pour condamner les actes concrets de terrorisme "chimique" en Syrie et en Irak. Malheureusement, toutes nos propositions étaient constamment rejetées par plusieurs de nos collègues occidentaux qui avançaient des accusations infondées contre Damas et préféraient fermer les yeux sur les cas d'utilisation et même de fabrication de l'arme chimique par les terroristes.

Nous jugeons inadmissible de spéculer sur la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive pour atteindre des objectifs géopolitiques égoïstes, comme ce fut le cas avec l'intervention en Irak sous un prétexte complètement fictif il y a 15 ans.

Ces derniers temps, nous constatons des tentatives insistantes de manipuler l'activité de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) et du Mécanisme d'enquête conjoint qui a terminé son travail. Nous trouvons cela déplorable. Nous confirmons notre proposition de former un nouveau mécanisme pour enquêter sur les cas d'utilisation de l'arme chimique en Syrie selon des principes qui devront entièrement correspondre aux normes de la Convention sur l'interdiction de l'arme chimique.

Nous appelons tous les États à remplir également leurs engagements dans le cadre de la résolution 1540 du Conseil de sécurité des Nations unies adoptée en 2004, qui prescrit à tous les pays de prendre des mesures efficaces pour empêcher les entités non étatiques, terroristes y compris, de mettre la main sur les armes de destruction massive et tous les matériaux afférents. La pertinence de la résolution 1540 a été réaffirmée par le Conseil de sécurité des Nations unies à l'issue de l'examen de sa mise en oeuvre en 2016. Le Conseil doit réagir fermement aux violations des termes de la résolution 1540, que ce soit en Syrie, en Irak ou ailleurs, et notamment à l'aide apportée aux entités non étatiques pour qu'elles obtiennent un accès aux armes de destruction massive.

La Russie soutient les efforts pour former et renforcer les potentiels nationaux, régionaux et sous-régionaux nécessaires pour remplir ces tâches. Récemment, nous avons organisé à Kaliningrad, sous l'égide de l'OSCE et du Bureau des affaires de désarmement des Nations unies, un séminaire spécial sur les aspects pratiques de la mise en oeuvre de la résolution 1540. En 2017, sous notre présidence du Forum de l'OSCE pour la coopération en matière de sécurité, nous avons organisé une réunion spéciale à ce sujet.

Nous saluons également l'approbation par consensus, en octobre 2017, de la décision du Conseil exécutif de l'OIAC visant à prévenir les menaces d'utilisation de l'arme chimique par des entités non étatiques. Nous pensons que c'est un pas dans la bonne direction.

Afin de renforcer l'efficacité de la coopération multilatérale pour empêcher la prolifération des armes de destruction massive et les risques qu'elles se retrouvent entre les mains des groupes terroristes et d'autres entités non gouvernementales, la Russie a proposé d'élaborer un nouvel instrument juridique contraignant: la Convention internationale pour combattre les actes de terrorisme chimique et biologique. Nous avons présenté le projet de Convention pendant la Conférence de Genève sur le désarmement. Nous appelons à ouvrir au plus vite les négociations sur sa mise au point.

Monsieur le Président,

Monsieur le Président,

Monsieur le Secrétaire général,

La situation actuelle dans le domaine de la non-prolifération et du désarmement nécessite absolument une recherche conjointe de solutions pour surmonter les contradictions grandissantes, tout en prenant soin des mécanismes de coopération qui ont prouvé leur efficacité et en renforçant leurs fondements juridiques internationaux sur base des intérêts de tous les États.

Nous espérons que la réunion d'aujourd'hui du Conseil de sécurité des Nations unies et l'initiative avancée par le Président du Kazakhstan Noursoultan Nazarbaev contribueront à remplir ces tâches.