Rwanda : L'Union européenne ne peut donner des leçons

Blog d'Alain Billen - 23/07/2017 19:05:00

Un édito de Monsieur Alain Billen - Un « Envoyé Spécial est une personnalité envoyée temporairement dans un pays par une institution internationale , un Etat et chargée de recueillir des informations sur place. Tel est le cas de Monsieur Michael Ryan a donc été spécialement désigné pour remplir cette mission à quelques jours de l'élection présidentielle au Rwanda. Qu'il me soit permis de faire un peu d'humour.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que Monsieur Ryan vient de prouver par « Twitter » interposé, qu'il est certainement l'homme de la situation et qu'avec son aide, l'Union Européenne sera pleinement informée de tout ce qui se passe à Kigali où ailleurs dans le pays.

Dernièrement, alors que les travaux planifiés de la démolition de l'Hôtel « Top Tower » touchaient à leur fin, un véritable drame est survenu à proximité de la résidence de « l'Envoyé Spécial ». Le moins que l'on puisse dire, c'est que Monsieur Ryan a dû frôler la mort ce jour-là, un peu comme Bernard Henry-Levy lorsqu'il s'est retrouvé en plein conflit au Moyen-Orient.

En tant que témoin privilégié d'une telle catastrophe, notre « Envoyé Spécial » se devait de prendre une photo et de la « Twitter » d'urgence avec un témoignage aussi sensationnel.

« End of Top Tower...démolition dangereuse a détruit notre mur, un travailleur tué, la maison intacte ». Dans la mesure où le témoin privilégié de cet événement était un professionnel, spécialement choisi et envoyé par la Commission Européenne, il fallait certainement donner plus de précisions, quitte à se substituer en photographe de guerre et offrir un reportage complet de l'état des lieux...ce que fit deux heures plus tard Monsieur Ryan. « L'effondrement de l'hôtel Top Tower vu aujourd'hui de la Résidence de l'UE. Mur détruit. La dernière fois que j'ai vu un tel dommage, j'étais à Damas ».

Là, c'est du sérieux !

Le problème de Monsieur Ryan, c'est qu'il a dû confondre le 'Tweet' moderne avec le « Télex » d'un autre temps. En effet, si le « Télex » était adressé à un seul destinataire, le « Tweet » est lu par pratiquement tout le monde. Dans les heures qui ont suivies, pas moins de 200 réponses sont arrivées en réaction à l'information « spéciale » de l'Émissaire européen.

Le Ministre rwandais de la Justice, Johnstone Busingye a décrit le commentaire du diplomate comme une « fiction », alors que d'autres abonnés « Twitter » ont réagi avec indignation, parfois avec colère. Martin Ngoga, intervenant de l'Assemblée Législative d'Afrique de l'Eest (EALA) a également voulu exprimé sa réprobation: « ...alors je ne peux pas imaginer tout ce qui doit s'écrire à l'intérieur du bureau du diplomate »,

En revenant aux faits j'informe mes lecteurs en leur précisant que les travaux de la Top Tower s'inscrivent dans le cadre d'un aménagement urbain et que l'auteur de cette « fake news » l'a reconnu par la suite, mais de là à s'abaisser à écrire un démenti, il y a encore de la marge. « L'Envoyé Spécial » ne réagira plus, et plutôt que de reconnaître son erreur et exagération, il estime cette fois-ci que « le silence est d'or ».

Pour laisser de côté ces notes d'humour, je voudrais terminer par un propos un peu plus sérieux. Ne serait-il pas temps que chaque pays s'occupe de ses propres citoyens plutôt que de vouloir donner des leçons aux autres nations.

Je proposerais donc à notre « Envoyé Spécial » ainsi qu'à l' Union Européenne, d'oublier, le Rwanda d'aujourd'hui et de méditer l'absence de la communauté internationale au sujet de ce même pays considéré alors comme suffisamment insignifiant pour que l'on omette d'agir au moment où se perpétrait le génocide contre les Tutsi en 1994.

Ici, comme ailleurs, tout n'est pas parfait, mais le chemin parcouru par ce peuple depuis la fin du génocide, mérite toute notre admiration. Le leadership pour la conduite des affaires publiques est est souvent citée en exemple. Et ce n'est pas pour rien que le Rwanda se classe aujourd'hui à la septième place des « pays les mieux gérés au monde ».

Le vieux continent à la fâcheuse habitude de s'immiscer dans les affaires des autres nations alors qu'il a bien du mal à surmonter les crises politiques, sociales, économiques. Le Rwanda a démontré en 20 ans, qu'il était capable d'avancer et de devenir dans un court laps de temps au regard de l'histoire, un exemple à suivre pour les autres nations africaines. Le Rwanda n'a pas besoin qu'on lui dépêche des émissaires et nombreux sont ceux qui s'interrogent sur la réciprocité. Que dirait on si les pays africains faisaient de même, à l'instar de l'Organisation des Etats Américains, qui désigna une mission d'observation aux Etats Unis lors des dernières élections présidentielles de novembre 2017.

In fine, la question qui se pose est celle de la fiabilité ;

- la fiabilité des propos qu'une nécessaire réserve devrait guider,

- la fiabilité des délégués souvent « hors sol » et en écho celle de certains délégataires.

- la fiabilité des rapports sur lesquels se fondent les décisionnaires et en l'occurrence les députés européens lorsqu'ils votent des résolutions au sujet de tel ou tel pays ?

Tout cela semble léger et peu sérieux !

Pour conclure je souhaiterais inviter l'émissaire européen, comme chacun d'entre nous d'ailleurs, à méditer cette maxime. « Une erreur se corrige et les excuses font grandir »

Cet édito n'engage que son auteur et ne saurait en aucune façon engager la rédaction de l'Agence NEWS Press

Photo : Voici le quartier où se trouve la résidence de l'Union Européenne... c'est cela qui ressemble à Damas aujourd'hui ?

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Alain BILLEN
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