Communiqué de la Confédération Paysanne

Syndicat National d'Apiculture - 08/02/2017 13:10:00


COUR DE CASSATION GAUCHO - La Cour de cassation a, par un arrêt du 4 janvier 2017, rejeté le pourvoi de l'UNAF et confirmé le non lieu au profit de Bayer. Cette décision a déclenché une campagne de propagande, s'appuyant sur le communiqué mensonger de Bayer, dont le but serait d'obtenir l'annulation de l'interdiction des néonicotinoïdes inscrite dans la Loi biodiversité.

Non la Cour de Cassation n'a pas exclu le lien entre le Gaucho et la mortalité des abeilles, elle n'a aucune compétence pour le faire !
Elle fait simplement le constat que l'instruction n'a « pas permis d'établir de lien de causalité entre les troubles qui ont affecté les abeilles et le Gaucho ».

Elle ne confirme donc pas que "les causes de mortalité des abeilles sont multifactorielles et notre produit Gaucho, lorsqu'il est utilisé dans le respect des bonnes pratiques agricoles, est hors de cause dans la mortalité des colonies d'abeilles", comme le prétend Bayer dont le communiqué est repris dans toute la presse agricole.

La Cour estime aussi que l'instruction montre que Bayer qui aurait respecté la procédure en vigueur pour obtenir l'AMM du Gaucho. Alors qu'à plusieurs reprises le Conseil d'Etat à jugé que ce n'était pas le cas.
Revenons au début de l'affaire. Pour Bayer, en 1991, l'imidaclopride est une innovation technique importante, ayant un fort potentiel de développement économique :
-Dose à l'hectare de quelques dizaines de gramme au lieu de un kilo
-Produit systémique, un seul traitement pour toute la durée de vie de la plante
-Utilisé en traitement de semences, donc pas de passage de tracteur pour traiter
Bien sur elle présente quelques inconvénients pour les abeilles du fait de sa très forte toxicité (DL 50=1500 ng/ab) et sa très longue persistance dans les plantes et les sols.
En 1990 une étude réalisée par Cole, pour le compte de Bayer donne la DL50 =3.7ng/ abeille, le produit déjà annoncé comme très toxique pour les abeilles l'est en réalité 400 fois plus que prévu !

Bayer va donc construire une stratégie en obtenant en 1991 l'homologation du Gaucho pour la betterave, plante ne présentant pas d'intérêt pour l'abeille, une première extension d'usage sur maïs en 1992, et enfin une nouvelle extension d'usage en 1993 sur tournesol, plante éminemment mellifère . Toujours sans communiquer l'étude de Cole qui ne sera transmise à l'administration qu'en 1997.
Tout ceci à été fait dans l'urgence, avant la mise en application des exigences de la directive européenne 91/414, votée en 1991, qui obligeait de faire des études plus poussées sur de nombreux points, en particulier pour l'abeille. La partie abeille du dossier de demande d'AMM indiquait uniquement la DL50 =1500 ng/ab.

La Confédération paysanne, qui s'est portée partie civile en 2006, dénonce le fait que cette décision de justice, confirmée par la Cour de cassation, soit basée sur un rapport réalisé par trois experts dont deux ont travaillé auparavant pour Bayer. La demande de contre expertise effectuée par la Confédération paysanne et l'UNAF ayant été rejetée.

Le rapport d'expertise a été réalisé par les professeurs Puyt, Keck et Narbonne. Jean-Dominique Puyt et Gérard Keck ont tous deux ont travaillé pour la société BAYER, ce qui ne constitue pas un gage d'une parfaite indépendance. Et en effet le rapport est consternant.

Pour évaluer la toxicité du Gaucho pour l'abeille, les experts ont consulté uniquement deux scientifiques de Bayer France et Bayer Allemagne et aucun des chercheurs d'organismes publics ayant travaillé sur ce sujet, et n'ont pas tenu compte des nombreuses pièces versées au dossier de l'instruction par plaignants et parties civiles.

Voici quelques affirmations mensongères de l'expertise (développées ci dessous en Annexe).

Selon les experts :
1. BAYER n'aurait jamais reçu la moindre réclamation directe ou indirecte à propos de mortalités d'abeilles

2. La réalité des troubles des abeilles n'aurait pas été constatée et certifiée par des tiers, l'origine possible n'aurait pas été recherchée. De plus ces troubles n'auraient fait l'objet d'aucun compte rendu écrit , les professionnels spécialisés dans les maladies des abeilles n'auraient pas été mobilisés

3. Les apiculteurs, n'auraient fait conduire aucune recherche d'imidaclopride dans les abeilles mortes!

4. Il n'y aurait pas de relation chronologique entre l'introduction des cultures de tournesol traitées au GAUCHO, et la diminution de la production de miel.

Les « experts », probablement soucieux d'intérêts supérieurs, rejettent la responsabilité du GAUCHO. A l'instar de ce que fait Bayer, encore aujourd'hui, leur rapport propose d'autres causes possibles aux dépopulations d'abeilles, en particulier les maladies et varroa !

Ce rapport enlève toute crédibilité, non seulement aux « experts », mais aussi à la justice qui a refusé toute contre expertise. Il faut rappeler que la décision de non lieu a été prise par le cinquième juge d'instruction. Le premier de la liste, le juge Ripoll, prenant certainement son travail trop au sérieux a été muté à Tahiti. Les suivants n'instruisant pas, il a fallu demander leur désistement. Une vingtaine d'années après les faits la Cour de cassation clôt ce lamentable épisode judiciaire.

Il est très difficile en France d'obtenir reconnaissance des préjudices subis par les abeilles ou par les utilisateurs victimes d'intoxications.
Nous ne pouvons pas accepter le perpétuel déni des effets désastreux de l'utilisation des pesticides. C'est pourquoi il faut développer la lutte pour l'interdiction des néonicotinoïdes, mais aussi des pesticides cancérigènes, mutagènes et toxiques de la reproduction (CMR) et des perturbateurs endocriniens, et pour une politique agricole favorisant une mutation vers une agriculture moins dépendante de l'agrochimie.

Jean Sabench 01/02/2017