Synergie Officiers: LOI SUR L'ANONYMISATION

Synergie Officiers - 01/02/2017 12:00:00


Dans le cadre du projet de loi « Sécurité Publique », actuellement débattu au Parlement, plusieurs articles tels l'usage des armes ont fait l'objet d'une publicité substantielle. Cependant, il est un sujet qui n'a pas recueilli l'écho mérité au regard des dangers qui pèsent aujourd'hui sur les policiers ; c'est celui relatif à l'anonymisation des actes établis dans le cadre de procédures judiciaires.
Parce qu'il est nécessaire de prendre toute la mesure de ce dispositif, et parce qu'à notre sens le texte préparé n'est pas à la hauteur des enjeux, SYNERGIE-OFFICIERS vous détaille le système envisagé, et ses carences.

Les conditions de mise en oeuvre de l'anonymisation des policiers, au terme de l'article 2 du projet de loi sécurité publique
Actuellement les seuls policiers bénéficiant de l'anonymisation sont ceux dont la mission est spécifiquement dévolue à la lutte contre le terrorisme, et dont les noms ont été enregistrés auprès de l'autorité judiciaire.
Au terme du projet de loi, seraient autorisés à solliciter l'anonymisation tous les fonctionnaires de police, mais dans les cas et selon les critères cumulatifs suivants :
Lorsque les faits poursuivis sont passibles d'une peine d'au moins 3 années d'emprisonnement,
Lorsqu'il existe un critère objectif légitimant un danger pesant sur le fonctionnaire (lieu d'exercice, matière traitée par le fonctionnaire, menaces subies, antécédents...),
Sous réserve de validation de la légitimité de cette anonymisation par une haute autorité administrative (au-delà du supérieur hiérarchique direct).

A SYNERGIE-OFFICIERS, il nous apparait que ces conditions ne sont pas adéquates et n'atteignent pas leur but, qui était de protéger les policiers sur lesquels peut peser une menace en rapport direct avec l'exercice de leur profession.

En effet, choisir de ne réserver qu'aux faits passibles d'au moins 3 années d'emprisonnement la possibilité de mettre en oeuvre l'anonymat est trop restrictif ; cela élimine d'emblée l'outrage, la rébellion et les menaces de commettre un crime ou un délit contre les biens et les personnes.
En outre, décider de ne réserver l'anonymat des policiers qu'à certaines catégories de faits, c'est nier qu'aujourd'hui tous les moyens sont bons pour une certaine catégorie de délinquants pour récupérer les données personnelles des policiers.
Le critère d'un quantum minimum de peine ne peut donc pas être un indicateur fiable.

La solution prônée par SYNERGIE-OFFICIERS est donc d'éliminer purement et simplement le critère de quantum de peine.
Le simple fait de qualifier l'existence d'un critère objectif faisant peser un danger sur le fonctionnaire de police sollicitant l'anonymat, et le contrôle de la validité de cette demande par une autorité administrative devraient suffire à permettre d'engager la procédure d'anonymisation. Face à une menace protéiforme et bien souvent invisible, il est nécessaire d'ajuster notre dispositif sur le curseur le plus haut.

Les conditions de retrait de l'anonymisation des policiers
Deux recours aux fins de désanonymisation sont envisagés ; celui lié à l'exercice des droits de la défense et celui lié aux nullités.
Dans le premier cas, l'autorité judiciaire (juge d'Instruction, du fond ou Procureur) éventuellement saisie d'une demande en ce sens par le mis en cause ou son conseil va examiner l'opportunité, au regard des garanties des droits de la défense, de lever l'anonymat rapporté à tout ou partie des actes établis par le fonctionnaire.
Pour se prononcer elle vérifiera les conditions ayant conduit à la mise en place de l'anonymat, et les comparera à l'avantage pour les droits de la défense que constituerait le fait de lever l'anonymat.
L'autorité saisie, s'il s'agit d'un juge du fond, pourra décider directement lors de l'audience de donner droit à la demande de désanonymisation.
Dans le but d'éviter les risques d'engorgement liés aux reports d'audience, est prévue la création d'un fichier unique regroupant tous les APJ et OPJ, de Police et Gendarmerie, qui serait consultable directement au sein des Tribunaux.

Ainsi si le Juge estimait nécessaire de lever l'anonymat ayant pesé sur un ou plusieurs actes de procédure, cela pourrait être fait immédiatement. Si au contraire le Juge décidait de ne pas donner droit aux demandes formulées par le mise en cause ou son conseil, et que le jugement était frappé d'appel, la décision du Juge de ne pas lever l'anonymat pourrait également être frappée d'appel.

Les problèmes posés par ce dispositif sont multiples :

Dans certains cas où la culpabilité d'un individu n'est quasiment étayée que par des actes établis sous couvert d'anonymat (imaginons des aveux formulés lors d'une audition où le fonctionnaire était anonyme), la contestation de la validité de ces actes entrainera probablement une requête en vue de désanonymisation. L'esprit du texte (le magistrat est juge de l'opportunité du maintien de l'anonymat au regard de la comparaison entre le danger pesant sur le policier et la garantie des droits de la défense) fait craindre que l'autorité judiciaire ne penche dès lors souvent du côté de la partie demanderesse ! Comment ne pas percevoir l'insécurité que ferait peser sur les fonctionnaires ayant engagé une procédure d'anonymisation, le simple fait que cet anonymat puisse à un moment donné de la phase juridictionnelle être levé ?

Enfin, il ne peut être intégré dans le projet de loi le principe de la création d'un fichier regroupant l'identité de tous les enquêteurs avec leur numéro d'immatriculation associés, consultable depuis les tribunaux, sans que des garde-fous soient institués. Quelle garantie est prévue par la loi pour assurer le degré de sécurité nécessaire à la gestion de ce fichier ? Il est inacceptable que la loi ne définisse pas de façon stricte les conditions de mise en oeuvre et de consultation de ce fichier.

Pour SYNERGIE-OFFICIERS, il faut davantage protéger la sécurité des policiers qui auront recours à l'anonymisation de leurs actes.
Il n'est simplement pas tolérable que l'anonymat puisse être levé. Soit les policiers sont anonymes, soit ils ne le sont pas.
Pour SYNERGIE-OFFICIERS, il doit être prévu qu'en cas de contestation, un collège de magistrats, tel la chambre de l'Instruction, se réunisse pour décider dans le cadre d'un débat contradictoire du bien-fondé du maintien d'un ou plusieurs actes contestés, sans pour autant y assortir la désanonymisation des auteurs de ces actes.
Ce procédé est déjà prévu dans le cadre du second recours possible, celui visant à établir la nullité d'un acte. Dans ce cas, l'autorité judiciaire se prononce sur le fond et décide, si un PV est entaché de vice, de l'annuler sans jamais envisager de lever l'anonymat du ou des fonctionnaires en étant à l'origine.