Musée du Jeu de Paume: Soulèvements jusqu'au 15 janvier 2017

Musée du Jeu de Paume - 10/01/2017 10:00:00


Le Jeu de Paume confie la totalité de ses espaces au philosophe et historien de l'art Georges Didi-Huberman pour une grande exposition réunissant à la fois des oeuvres anciennes et contemporaines.

«Soulèvements» est une exposition transdisciplinaire sur le thème des émotions collectives, des événements politiques en tant qu'ils supposent des mouvements de foules en lutte : il sera donc question de désordres sociaux, d'agitations politiques, d'insoumissions, d'insurrections, de révoltes, de révolutions, de vacarmes, d'émeutes, de bouleversements en tous genres.

C'est une interrogation sur la représentation des peuples, au double sens esthétique et politique du mot «représentation». L'exposition se fonde sur un travail historique et théorique que Georges Didi-Huberman tente de mener depuis quelques années, notamment à travers une série d'ouvrages intitulés L'oeil de l'histoire et dont les derniers affrontent la question de l'«exposition des peuples» ainsi que de l'émotion en tant qu'elle serait à ne pas exclure d'une anthropologie politique.
La figure du soulèvement sera déclinée à travers divers médiums : manuscrits d'écrivains, peintures, dessins, gravures, photographies, films. Ceux-ci, parce que la représentation des peuples en mouvements depuis Griffith et Eisenstein jusqu'aux réalisateurs d'aujourd'hui est l'une des grandes affaires du cinéma, feront l'objet d'une attention particulière qui donnera sans doute à l'exposition son style particulier.

Le parcours de l'exposition suit un cheminement sensible et intuitif, à travers cinq grandes parties : Éléments, Gestes, Mots, Conflits, Désirs.


ÉLÉMENTS (DÉCHAÎNÉS)
Se soulever, comme lorsqu'on dit «une tempête se lève, se soulève».
Renverser la pesanteur qui nous clouait au sol. Alors, ce sont les lois de l'atmosphère tout entière qui seront contredites. Surfaces draps, drapés, drapeaux qui volent au vent. Lumières qui explosent en feux d'artifice. Poussière qui sort de ses recoins, qui s'élève. Temps qui sort de ses gonds. Monde sens dessus dessous. De Victor Hugo à Eisenstein et au-delà, les soulèvements seront souvent comparés à des ouragans ou à de grandes vagues déferlantes. Parce qu'alors les éléments (de l'histoire) se déchaînent.
On se soulève d'abord en exerçant son imagination, fût-ce dans ses «caprices» ou ses «disparates», comme disait Goya. L'imagination soulève des montagnes. Et lorsqu'on se soulève depuis un «
désastre» réel, cela veut dire qu'à ce qui nous oppresse, à ceux qui veulent nous rendre les mouvements impossibles, on oppose la résistance de forces qui sont désirs et imaginations d'abord, c'est-à-dire forces psychiques de déchaînement et réouvertures des possibles.


GESTES (INTENSES)
Les gestes sont intenses : se soulever s'agit ou s'agite.
Se soulever est un geste. Avant même d'entreprendre et de mener à bien une «action» volontaire et partagée, on se soulève par un simple geste qui vient tout à coup renverser l'accablement où jusque-là nous tenait la soumission (que ce fût par lâcheté, cynisme ou désespoir). Se soulever, c'est jeter au loin le fardeau qui pesait sur nos épaules et nous empêchait de bouger. C'est casser un certain présent fût-ce à coups de marteau, comme auront voulu le faire Friedrich Nietzsche ou Antonin Artaud et lever les bras vers le futur qui s'ouvre. C'est un signe d'espérance et de résistance.
C'est un geste et c'est une émotion. Les républicains espagnols l'ont pleinement assumé, eux dont la culture visuelle avait été formée par Goya et Picasso, mais aussi par tous les photographes qui recueillaient sur le terrain les gestes des prisonniers libérés, des combattants volontaires, des enfants ou de la fameuse Pasionaria Dolores Ibárruri. Dans le geste de se soulever, chaque corps proteste de tous ses membres, chaque bouche s'ouvre et s'exclame dans le non-refus et dans le oui-désir.