Hausse annoncée des tarifs autoroutiers

MoDem - Mouvement Démocrate - 19/09/2016 11:30:00


Privatisation des autoroutes : "Le symbole exact le plus significatif d'une certaine opacité française"

Invité au micro d'Yves Calvi sur RTL, François Bayrou a vivement réagi à la hausse annoncée des tarifs autoroutiers. "Cette affaire de privatisation des concessions autoroutières est depuis 10 ans le symbole exact le plus significatif d'une certaine opacité française, de la manière dont les affaires se traitent sans que les citoyens en soient informés et même contre leur sentiment" a-t-il dénoncé.

Bonjour François Bayrou, maire de Pau et président du MoDem,

Bonjour,

Comment avez-vous réagi à cette annonce finale et surprise d'une augmentation du prix des autoroutes ?

Cette affaire de privatisation des concessions autoroutières est depuis 10 ans le symbole exact le plus significatif d'une certaine opacité française, de la manière dont les affaires se traitent sans que les citoyens en soient informés et même contre leur sentiment. On consent et multiplie des avantages perpétuels à l'égard d'un certain nombre de groupes privés.

La décision a été prise en 2005 par Dominique de Villepin et déjà à l'époque vous étiez contre.

Je suis allé au Conseil d'Etat tout seul en tant que citoyen ! Les autoroutes étaient entièrement financées et leur amortissement s'achevait dans ces années 2005, 2006, et donc on savait qu'elles allaient dégager des bénéfices très importants. Ces bénéfices avaient été prévus pour financer de grands travaux autoroutiers et ferroviaires, c'est Jean-Pierre Raffarin qui avait décidé cela. Or, on a décidé de privatiser tout cela par une décision que le Parlement n'a pas examiné. C'est pour cela que je suis allé au Conseil d'Etat mais ma requête a été prise en catimini comme tout se fait en France. Depuis, tout l'effort des sociétés autoroutières est de faire prolonger cette privatisation, au départ elle était prise pour 30 ans et maintenant on en est à 35 ans. Cela est purement inacceptable.

Le ministre des transports explique que c'est le seul moyen d'aller plus vite, de prendre en charge rapidement ces travaux qui sont par ailleurs nécessaires, sinon il nous faut un accord de Bruxelles, du Parlement et cela prendrait au minimum un an. Estimez-vous que ces travaux soient nécessaires ? Si oui, il faut quand même bien les financer !

Je pense que tout cela est de l'intox.

Et en plus ça va créer de l'emploi.

C'est de l'intox. Je rappelle que la plupart des sociétés autoroutières font faire ces travaux par leurs filiales ou des filiales voisines. Donc d'une certaine manière l'investissement revient à ceux qui font ces bénéfices très importants. Le pire dans tout ça est que le gouvernement refuse de transmettre l'accord qui permet aux sociétés autoroutières de faire cela. Les citoyens n'ont pas le droit d'en avoir connaissance. Monsieur Raymond Avrillier, ancien adjoint à Grenoble, est allé au ministère, il a également écrit pour demander cet accord, puis il est allé à la commission de transmission des documents administratifs. Il a finalement obtenu un jugement qui oblige l'Etat à donner cet accord et hier on a appris que l'Etat allait en cassation pour refuser aux citoyens de savoir ce qu'il y avait dans cet accord.

Pensez-vous qu'il y a des choses à cacher ?

Je pense que si le gouvernement s'oppose à la transmission de l'accord c'est qu'il y a probablement des dispositions que les citoyens n'accepteraient pas. Souvenez-vous, il y a à peine quelques mois, le gouvernement a dit « c'est scandaleux cette affaire des autoroutes », on a même prononcé le mot de renationalisation, ce à quoi je n'ai jamais cru car cela coûterait des dizaines de milliards. Les contrats sont extrêmement fouillés, travaillés, sécurisés... Le gouvernement a envisagé la renationalisation. Aujourd'hui, il allonge en catimini la concession et il augmente les tarifs autoroutiers. Il y a dans tout cela une spoliation de ce que devrait être le bien de tous les citoyens. Tout cela, ce sont les Français qui l'ont payé comme contribuables et comme usagers ! C'est tellement le symbole de tout ce qui en France est opaque, dissimulé, connivent entre la puissance publique et des grandes entités privées que cela mérite que l'on se batte et que sur une antenne comme la vôtre, en effet on défende l'intérêt des Français.

Vous suggérez presque qu'il y ait des actes de corruption dans ce que vous êtes en train de nous dire.

Non. J'essaie de prononcer des mots exacts. Je n'ai aucun élément sur des éléments de corruption. J'ai une certitude, c'est qu'il y a des relations entre la puissance publique et ces grandes entités privées qui ne sont pas saines. Il y a quelque chose qui fait que les citoyens en France sont considérés comme étant de deuxième zone ! Tout cela est pour moi pénalisant pour le développement de la France !

Question d'un auditeur : En France, nous avons un réseau autoroutier en excellent état. On peut constater en revanche une dégradation majeure du réseau secondaire. Je m'étonne que l'on trouve des moyens pour financer les autoroutes. Peut-être faut-il ponctionner de l'argent sur les péages d'autoroutes pour aller financer le reste qui se dégrade.

C'est exactement ce qui était prévu au départ ! Il était prévu que les bénéfices des sociétés autoroutières devaient être réinvestis dans d'autres voies routières ou ferroviaires. Enfin, on devait avoir le bénéfice de l'investissement considérable qui a été voulu par les Français et on s'en servait pour ré-équiper le pays. La Cour des comptes, qui a fait un rapport extrêmement sévère sur cette affaire, a dit que c'est comme si on avait emprunté à près de 8% !

Une commission d'enquête parlementaire ne serait-elle pas une bonne idée ?

Ce serait une bonne idée mais vous voyez bien que tout cela a été le fait des gouvernements successifs d'un bord et de l'autre. Donc, tout le monde se tient car tout le monde a pris sa part de cette décision que je considère comme allant à l'encontre de l'intérêt national.

Merci beaucoup François Bayrou.