"Je refuse un constat d'impuissance, l'idée que l'on ne saurait pas faire mieux : unifions par exemple nos services de renseignement"

MoDem - Mouvement Démocrate - 18/07/2016 09:00:00


Réaction de François Bayrou sur Europe 1 après l'attentat commis jeudi soir à Nice qui a fait au moins 84 morts et de nombreux blessés.

Alain Juppé a dit « si tous les moyens avaient été pris, l'attentat de Nice n'aurait pas eu lieu ». Cette phrase est terrible à entendre. Êtes-vous d'accord avec ses propos ?

Chacun s'exprime comme il le sent. Moi, je ne veux pas faire de polémique à propos de ce qui se passe. Je me suis toujours interdit d'en faire, quels que soient les gouvernements, quelles que soient les circonstances, quelles que soient les positions des uns et des autres. Pourquoi ? Parce que je pense que dans le moment où nous sommes, nous avons le plus grand besoin de solidité nationale. Solidité veut aussi dire évidemment solidarité. Je trouve que bien sûr il y a des décisions à prendre, bien sûr il y a des améliorations à apporter mais vous voyez bien qu'à partir du moment où on transforme en polémique la situation telle qu'elle est créée, évidemment on affaiblit la réponse possible. Chacun, encore une fois, s'exprime comme il le sent.

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"D'après les indications communiquées, c'est toujours le même profil : des hommes délinquants jeunes, qui tombent de la délinquance générale dans cette folie de meurtres et de suicides, parce qu'ils veulent tuer et se faire tuer. Si vous réfléchissez à cela, alors vous vous rendez compte qu'en croisant les informations sur les parcours des uns et des autres, sur leur radicalisation, probablement y a-t-il de quoi nourrir des services de renseignement unifiés. Je crois qu'ils sont trop divisés pour l'instant : l'information passe plus ou moins bien, les services sont plus ou moins séparés les uns des autres et parfois même en concurrence les uns avec les autres ! Si on unifie ces services de renseignement avec l'idée que les critères qui indiquent qu'il y a un risque de terrorisme sont éloquents, alors il y aura, me semble-t-il, une ligne d'amélioration, de progression dans la prévention.

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Moi, je refuse un constat d'impuissance, l'idée que l'on ne pourrait pas faire différemment, que l'on ne saurait pas faire mieux. Cette idée n'est pas recevable quand il s'agit de centaines de vies humaines qui sont prisées et d'assassinats sur notre sol. On ne peut pas accepter cela !

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La conscience du risque est indispensable pour la mobilisation de tous. À l'unification des services de renseignement pour que les populations qui présentent ces critères soient identifiées et suivies à l'avance, il faut ajouter un deuxième élément : tous ces gens ont un entourage, des cousins, des proches et s'il existe dans leur voisinage et dans leur quartier cette conscience du risque alors il peut y avoir aussi alerte. Quand il y a alerte, on sauve des dizaines de vies humaines et on sort du cauchemar dans lequel tout le monde tombe."

François Bayrou

"Il faut réfléchir à réorganiser le renseignement et mettre sous la même autorité tous les services pour croiser les données"

"Ce qui est bouleversant bien sûr, c'est qu'entre la promenade des Anglais et le boulevard des Pyrénées, il y a une incroyable ressemblance quand on voit les images. La première chose que l'on éprouve est une vive émotion : on pense tout d'abord à ces parents, à ces enfants qui étaient là simplement pour trouver un moment de convivialité, de plaisir, de détente, et qui se retrouvent au milieu de l'horreur. Ces enfants sont nos enfants, ces parents sont nos proches et nous pensons à eux avec énormément de peine. J'ai envoyé un message bien sûr à Christian Estrosi pour lui dire que Pau pensait à Nice et que je pensais à lui bien sûr en raison de la gravité des événements.

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C'est difficile, mais il y a sûrement quelque chose à faire pour empêcher le plus possible ces attaques. Évidemment, je n'ai pas les détails de l'enquête, mais j'ai lu et entendu les propos sur le profil vraisemblable de la personne qui a commis cette horreur. Ce qui me frappe est l'incroyable ressemblance des profils de tous ceux qui agissent ainsi. Si l'on prend les frères Kouachi - l'attentat à Charlie Hebdo - en passant par le terrible attentat de novembre ou par ce qui s'est passé en Belgique et maintenant à nouveau chez nous, alors on voit l'incroyable similitude des profils : des hommes assez jeunes connus pour des faits de délinquance de droit commun et qui basculent en quelques semaines - les spécialistes disent même en quelques jours, cela a été prouvé pour ceux qui étaient en Belgique - du côté du terrorisme et du fanatisme musulman.

Cette similitude des profils dit une chose : probablement y a-t-il quelque chose à construire du côté du renseignement. Quand vous avez les mêmes profils sur les mêmes populations, vous vous dites qu'en repérant les données et en les croisant, on peut sans doute empêcher de nombreux actes. On a déjà empêché en France des attentats depuis des mois. Mais cette idée qui a été soulignée par la commission d'enquête parlementaire selon laquelle il faut réorganiser le renseignement et mettre sous la même autorité tous les services peut évidemment aider ! En tout cas c'est une piste qu'il faut approfondir. Je rappelle que la commission d'enquête parlementaire a proposé cette piste il y a dix jours et qu'elle n'a pas été retenue par le gouvernement. Mais je suis sûr que l'exécutif va à nouveau y réfléchir.

Il faut avoir une détermination implacable. Il faut avoir la volonté d'organiser notre défense et notre sécurité de manière efficace. On est face à un risque dont tout le monde mesure le caractère terrible. Notre détermination et notre esprit doivent être à la hauteur de ce risque. Il y a une chose que je veux ajouter à cette unification du renseignement : il y a autour de ces hommes, des voisins, des parents, des gens qui les connaissent dans leur quartier. Ceux-là aussi ont un devoir de protection. Lorsque l'on voit une personnalité qui se met à dériver, qui part vers des comportements qui donnent place à l'inquiétude et au soupçon, alors il faut agir et signaler pour que l'on puisse empêcher des drames de cet ordre.

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La France ne peut pas s'arrêter de vivre. Et au demeurant s'arrêterait-elle, les assassins terroristes trouveront toujours des femmes, des enfants, des groupements de personnes, des familles pour déchaîner leurs violences. Au contraire, c'est dans la responsabilité d'un pays qui sait qui il est et où il va que l'on trouvera les débuts de réponse à cette question. Le sentiment d'unité est le plus important dans ces drames là. J'ai toujours été et je suis partisan que l'on manifeste par tous les signes possibles que devant ces risques s'effacent les divisions dans le pays. Nous sommes coresponsables à l'endroit où nous nous trouvons - majorité, opposition, élus locaux, pères ou mères de famille - nous avons tous comme citoyens une responsabilité. Cette responsabilité doit nous pousser à nous unir et non à nous diviser. Écartons le démon de la division, cela nous affaiblirait encore un peu plus. Ce dont nous avons besoin, c'est de force et de détermination. Une force et une détermination implacables."

François Bayrou