H&B et Notre-Dame-des-Landes: notre position à la veille de la consultation

Humanité et Biodiversité - 22/06/2016 14:04:18


Les électeurs de Loire-Atlantique sont appelés à dire le 26 juin s'ils sont «favorables au transfert de l'aéroport de Nantes Atlantique sur la commune de Notre-Dame-des-Landes»


Après plusieurs décennies de débats sur le sujet, et une dizaine d'années de conflits durs, comment un citoyen responsable peut-il se former une opinion éclairée pour répondre à cette question, à partir des éléments d'information disponibles (1) ?

H&B, sans s'estimer légitime à donner des consignes de vote, souhaite pourtant s'exprimer sur ce sujet, qui concerne aussi bien la biodiversité que la démocratie environnementale et le développement économique des territoires. Notre association fournit donc ici ses propres éléments d'analyse : libre à chacun de deviner ce qu'elle voterait, si les associations avaient le droit de vote...

A quoi sert le projet, et quelles sont les options envisageables ?

Il s'agit de répondre à la demande de trafic aérien du « Grand Ouest » (en gros, les régions Bretagne et Pays de Loire) et le projet présenté par le gouvernement consiste pour cela à construire un nouvel aéroport à deux pistes de 3600m de long à Notre-Dame-des-Landes, à une trentaine de km de Nantes, actuellement desservie par l'aéroport périurbain de Nantes-Atlantique. Ce projet a été défini dans ses grandes lignes il y a une quarantaine d'années, dans l'hypothèse d'un trafic transatlantique important et selon les tendances socioéconomiques de l'époque.

Un rapport public récent, établi par le CGEDD (2) à la demande de la ministre de l'environnement et dont les conclusions n'ont pas été contestées, a actualisé ces données de contexte : les hypothèses de 2016 ne sont en effet plus celles de 1970 en matière de lignes à desservir, de capacité unitaire des avions, de répartitions entre trafics aériens et ferroviaires, et de politique de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre et de préservation de la biodiversité. Ce rapport conclut qu'en cas de transfert, un aéroport à une seule piste de moins de 3000 m serait suffisant. Il envisage par ailleurs la possibilité de réaménager sur place l'aéroport de Nantes Atlantique pour régler les problèmes de bruit et de sécurité qui s'y posent, le trafic prévisible restant du même ordre, voire nettement plus faible, que celui observé dans de nombreux autres aéroports en site urbain - Genève en tête.

On se trouve donc en présence de trois options pour répondre à des besoins différents de ceux définis au départ :
- le projet présenté par le gouvernement (jugé « surdimensionné » par le rapport CGEDD cité plus haut au vu des hypothèses actuelles à prendre en compte),
- un projet nouveau à une seule piste plus courte,
- et l'aménagement de l'aéroport actuel.

Les deux derniers n'ont pas fait l'objet d'études détaillées contrairement au premier, mais cela ne constitue pas un argument suffisant pour les écarter, s'ils répondent aussi bien aux besoins identifiés, pour des impacts environnementaux nettement plus faibles et une dépense publique probablement nettement plus faible aussi : ils méritent en tout cas au moins d'être étudiés, y compris au regard de leurs effets respectifs sur l'emploi.

La consultation du 26 juin va-t-elle permettre de trancher le débat, et au vu de quelles données ?

S'appuyer sur le résultat d'une consultation populaire pour trancher entre les options en présence, dans une situation conflictuelle extrêmement lourde et durable, pouvait être une idée séduisante. Cela supposait trois conditions : un périmètre de consultation bien choisi, une question claire, et des informations données au public avant la consultation qui en montrent bien les enjeux. Qu'en est-il ?

- Le périmètre de la consultation a été restreint au département de la Loire-Atlantique, alors que les impacts positifs ou négatifs du projet dépassent largement ce département. Sinon, pourquoi les deux régions concernées auraient-elles accepté de s'engager financièrement et politiquement ? N'y aurait-il pas, dès lors qu'il s'agit de se prononcer sur l'aéroport du « Grand Ouest », une logique à consulter au moins ce « grand ouest » ?
- La question posée, demandant de se prononcer sur « le projet de transfert », n'est pas claire. En effet, comme on l'a vu, il y a en cas de vote « oui » deux options différentes de transfert et non une seule, et l'option de maintien sur place correspondant au vote « non » n'est décrite nulle part.
- Le document d'information mis à disposition des électeurs aurait dû présenter la description des options alternatives au projet, avec les raisons pour lesquelles elles n'ont pas été retenues : c'est ce qu'impose le droit, conforme en cela au bon sens, dans la procédure de préparation des grands projets.

Le document fourni ne répond malheureusement pas à ces exigences.
En effet, aucune comparaison n'est faite entre le projet à deux pistes longues retenu par l'Etat et ses deux options de substitution évoquées plus haut, au regard de l'ensemble des critères d'appréciation : réponse aux besoins de mobilité, analyse coût/bénéfice, impacts environnementaux (dont bruit, émissions de gaz à effet de serre, eau et biodiversité, urbanisme, etc.), impact sur les finances publiques, dynamisme de créations d'emplois.

Faute de les trouver dans le dossier, on peut pourtant assez facilement reconstituer les éléments de comparaison, sur certains critères importants. Ainsi :

- L'analyse coût/bénéfice, résumant selon une méthode de calcul normalisée l'intérêt global du projet pour la société, fournit d'après le dossier un résultat positif pour le projet de transfert à deux pistes. Le même calcul effectué pour le projet à une piste plus courte fournirait un résultat sans aucun doute bien meilleur, puisque le montant investi est plus faible, tous les autres paramètres de calcul étant semblables. Il est à peu près certain aussi (le coût des investissements étant probablement nettement plus faible) que le résultat serait plus favorable encore pour le maintien à Nantes-Atlantique, lequel bénéficie, en sus, de gains de temps pour les accès à l'aéroport...

- Les enjeux liés au climat et aux émissions de gaz à effet de serre sont à peu près complètement ignorés dans le dossier. La conception très ancienne du projet explique sans doute cette lacune grave, mais elle ne la justifie en rien. Le dossier montre (notamment par ce qui est dit sur les extensions prévisibles de l'aéroport à l'échéance 2050) que le projet de transfert repose sur l'hypothèse d'une forte augmentation du trafic aérien. Même si le progrès technique permet d'abaisser les consommations des avions, ce projet est ainsi en contradiction manifeste avec les objectifs consacrés par l'accord de Paris faisant suite à la COP21, pourtant porté par la France. Les déplacements d'accès à l'aéroport dans les deux options de transfert sont par ailleurs plus émetteurs de gaz à effet de serre que dans l'option de maintien à Nantes, la majorité des passagers venant de cette ville.

- Les impacts sur l'eau et la biodiversité sont à l'évidence plus importants dans les deux options de transfert que dans l'option du maintien. L'urbanisation induite à proximité du nouvel aéroport en rase campagne ne ferait qu'accentuer cette différence.

- Le besoin de financements publics dans chaque option est curieusement à peu près incompréhensible dans le dossier. On ne peut que s'étonner que les représentants de l'Etat et des collectivités ne semblent pas accorder plus d'importance à cette question, en ces temps de rigueur budgétaire pour l'Etat et les collectivités. On peut cependant supposer sans grand risque que la différence de dimension des projets, la prise en compte comparée de tous les coûts de la desserte publique nécessaire, et la correction d'une surestimation du dossier (3) dans l'évaluation du coût d'aménagement sur place, donneraient à cette option un avantage sensible.

Que conclure à ce stade ?

Bien que le dossier d'information ne les décrive pas, les atouts des deux options alternatives au projet présenté paraissent déterminants. Elles nécessiteraient à l'évidence des études de définition plus précises, dont on ne peut que déplorer qu'elles n'aient été faites depuis longtemps. Ces études devraient en particulier porter sur les deux questions sensibles du traitement optimal du bruit et de la sécurité, dans l'hypothèse de l'aménagement sur place à Nantes-Atlantique.

Sous réserve de la bonne fin de ces études, qui apparait probable au vu de la situation de nombreux aéroports comparables dans le monde, la solution de maintien sur place correspondrait probablement à un choix judicieux, au regard des transitions écologiques et économiques dont personne ne conteste plus la nécessité.
Il est normal que la puissance publique se préoccupe de mettre fin aux troubles à l'ordre public dans les terrains de la ZAD, et cherche à mettre fin à un conflit aussi long et difficile. Mais cela ne justifie en rien d'engager un projet qui ne serait de loin pas le meilleur au regard de l'intérêt général.

Pour H&B, la solution la plus raisonnable actuellement serait d'engager enfin les études relatives à un projet d'aménagement sur place de Nantes-Atlantique : cette option apparaît en effet, dans l'état actuel des informations disponibles et au vu d'un contexte qui est celui de 2016 et non celui de la fin du XXème siècle, nettement plus pertinente que le projet de transfert à Notre-Dame-des-Landes. Sauf difficulté majeure soulevée au cours de ces études préalables, c'est aussi sans doute la solution qui permettrait la mise en service la plus rapide d'un aéroport rénové.

H&B estime en tout cas que ce projet, devenu emblématique par la publicité donnée au conflit depuis quinze ans, est un test important de cohérence entre les orientations de politiques générales relatives à la biodiversité et au climat et leur mise en oeuvre pratique dans les décisions publiques.

1-Notamment le document d'information établi par la CNDP pour la consultation : https://nddl-debatpublic.fr/#Grid27

2-Rapport CGEDD : http://www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/010459-01_rapport_cle28d63c.pdf

3-L'évaluation du coût du maintien sur place omet, curieusement et en contradiction avec toutes les pratiques prescrites en matière de prise en compte de dépenses futures, d'appliquer à celles-ci un taux d'actualisation, ce qui en réduit considérablement le poids.


Humanité et Biodiversité



94 RUE LAFAYETTE - 75010 PARIS
01 43 36 04 72


Bernard Chevassus-au-Louis
Président