Glyphosate, néonicotinoïdes... comment venir à bout des pesticides ?

FNE - France Nature Environnement - 07/06/2016 13:30:00


Elles sont dangereuses, toxiques pour le monde vivant. Ces substances chimiques, contenues dans des pesticides, se nomment glyphosate, néonicotinoïdes ou encore diméthoate. Et pour obtenir l'interdiction d'une seule d'entre elles, le chemin est long et entraîne de vastes débats dans un complexe jeu d'acteurs. Retour sur les dernières batailles contre les pesticides et proposition d'une solution qui pourrait réduire l'usage de l'ensemble de ces substances de façon structurelle.

Roundup : la réautorisation du glyphosate dans une bataille d'expertise

Pour le glyphosate, herbicide le plus employé au monde et matière active du fameux Roundup de Monsanto, la bataille se joue en Europe et s'appuie sur des expertises divergentes. L'autorisation du glyphosate prenant fin le 30 juin, l'Europe doit statuer sur sa réautorisation. Au coeur des débats : le caractère cancérigène ou non de cette molécule. Et sur ce point, les conclusions ne sont pas unanimes.

D'un côté, le Centre international de recherche contre le cancer (CIRC), dépendant de l'OMS, classe en mars 2015 le glyphosate comme un « cancérogène probable pour l'homme » en tenant compte de l'ensemble des expositions humaines à la substance (professionnelles, alimentaires, dans l'air...).

De l'autre, une récente étude du Joint Meeting on Pesticide Residues (JMPR), lui aussi dépendant de l'OMS mais aussi de la FAO, estime qu'il est « peu probable que le glyphosate provoque un risque cancérogène chez les humains qui y seraient exposés par l'alimentation ». Mais cette dernière étude est très contestée, pour son caractère limitatif mais surtout en raison de conflits d'intérêt : des scientifiques très impliqués dans cette expertise font aussi partie d'une organisation de lobbying financée... par des producteurs de glyphosate. Pas l'idéal en termes d'indépendance.

Alors les débats se prolongent. La France est l'un des seuls pays à se positionner clairement pour l'interdiction de cette molécule quand l'Allemagne, l'Italie, la Slovaquie, l'Autriche, le Portugal et les Pays-Bas se montrent encore indécis. Et cette absence de consensus a abouti le 8 mars, puis le 19 mai, puis ce lundi 6 juin, au report de la décision européenne. Le dossier traîne et France Nature Environnement appelle les Etats indécis à rallier rapidement la position de Ségolène Royal et Marisol Touraine et à se positionner contre la réautorisation du glyphosate.

Les divergences entre Sénat et Assemblée retardent l'interdiction des néonicotinoïdes

Pour les néonicotinoïdes, insecticides particulièrement dangereux pour les abeilles et les pollinisateurs mais aussi, directement ou indirectement, pour l'ensemble de la faune, le combat se joue entre parlementaires dans le cadre de la loi biodiversité. Notre fédération plaide pour leur interdiction la plus rapide : les populations de pollinisateurs s'effondrent alors même que 80 % des plantes à fleurs en sont dépendantes pour leur survie (pollinisation).

Les interdire ? Ne pas les interdire ? La bataille se joue cette fois-ci entre l'Assemblée nationale et le Sénat français. Prenant en compte la toxicité de ces substances, l'Assemblée nationale a voté l'interdiction des néonicotinoïdes en première et seconde lecture de la loi. Le Sénat, lui, a préféré écouter le lobbying de l'agro-industrie et a supprimé l'interdiction immédiate en première et seconde lecture. Un rififi qui fait traîner le dossier.

Diméthoate sur les cerises : enfin une décision courageuse et complète

L'interdiction de pesticides au niveau national pose aussi la question des distorsions de concurrence avec les autres pays. Le cas du diméthoate est emblématique. La substance, utilisée sur les cultures de cerises, fait partie des pesticides présentant une toxicité inquiétante pour ses effets sur le sang et le système nerveux selon l'Agence Nationale de Sécurité Sanitaire de l'alimentation de l'environnement et du travail (ANSES).

Suivant cet avis, la France a alors décidé de ne pas l'autoriser en France, provoquant la colère d'arboriculteurs : ils ont abattu 300 cerisiers pour signaler leur mécontentement. Seulement, Stéphane le Foll a complété sa position en appelant l'Europe à ne pas autoriser cette substance tout en interdisant les importations de cerises provenant de pays où le diméthoate était autorisé. Une décision courageuse et complète que FNE soutient puisqu'elle permet de préserver la santé humaine et la biodiversité tout en évitant une distorsion de concurrence pour les agriculteurs.

Traitements de semences : moins connus mais loin d'être moins inquiétants

La suppression des pesticides doit aussi concerner tous les usages. A ce titre, les traitements de semences sont très utilisés mais trop souvent oubliés. Cette méthode, qui consiste à enrober directement la graine de pesticides, est un traitement préventif et comporte des risques spécifiques (pénétration des molécules dans l'ensemble des tissus de la plante, rémanence dans le sol, etc.). 93% des surfaces de grandes cultures sont ainsi implantées avec ces semences traitées (source : Agreste).

Aujourd'hui, afin d'inciter les distributeurs de pesticides à diminuer leurs ventes dans le cadre du plan Ecophyto 2, des certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP) sont en train de se mettre en place. Mais dans leur version actuelle, ils ne prennent pas en compte ces traitements. France Nature Environnement se bat pour que ces traitements de semences soient pris en compte et qu'ils ne soient surtout pas encouragés.

S'attaquer au coeur du problème : le conseil dispensé aux agriculteurs

L'interdiction des pesticides les plus dangereux, en prenant en compte tous les usages et la question des distorsions de concurrence, est un enjeu essentiel. Mais cela prend du temps et de nouvelles molécules sont constamment mises sur le marché. C'est pourquoi, au-delà de la toxicité de telle ou telle molécule, c'est au fond du problème qu'il faut s'intéresser selon FNE : la dépendance de l'agriculture française vis-à-vis des pesticides. Pour changer les pratiques, l'une des clés est le conseil dispensé aux agriculteurs. Aujourd'hui, l'essentiel de ce conseil est délivré par les coopératives et le négoce... qui sont aussi des vendeurs de pesticides. Un bel exemple de conflit d'intérêt.