Le stress oxydant responsable d'une altération de la flore digestive chez les enfants souffrant de malnutrition en Afrique de l'Ouest

IRD Institut de Recherche pour le Développement - 27/05/2016 16:35:00


Une équipe internationale1, coordonnée par l'Institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection, vient de montrer pour la première fois le rôle du stress oxydant sur l'altération de la flore digestive chez les enfants souffrant de malnutrition en Afrique de l'Ouest. Ces résultats, qui interrogent les liens entre alimentation, mode de vie et santé des populations, sont publiés le 17 mai 2016 dans la revue Scientific Reports .

Lutte contre la malnutrition : un enjeu de santé publique international
La malnutrition aiguë sévère touche environ 29 millions d'enfants de moins de cinq ans dans le monde et est responsable d'environ 3 millions de décès d'enfants chaque année. Elle constitue un enjeu de santé publique majeur et une priorité des Objectifs du développement durable (ODD) adoptés par les Nations Unies en 2015.

Un traitement nutritionnel seul s'avère souvent insuffisant : environ 15 % des enfants atteints et 7 % des enfants pris en charge vont mourir malgré une renutrition adaptée. Un stress oxydant anormal (agression des cellules par des dérivés réactifs de l'oxygène) a depuis longtemps été constaté dans le sang et le foie de ces enfants souffrant de malnutrition et associé à une alimentation très pauvre en antioxydants. Cela a conduit à l'incorporation de doses élevées d'antioxydant, dont la vitamine A, C et E, dans le traitement nutritionnel recommandé par l'Organisation Mondiale de la Santé.

De façon étonnante, alors que la flore digestive est très altérée dans la malnutrition, aucune étude n'avait jusque-là testé un possible rôle du stress oxydant (associé à une alimentation déficitaire en antioxydants) sur l'environnement digestif et l'altération de la flore digestive dans la malnutrition. Ce rôle est pourtant très important, car les deux dernières étapes de la digestion (la fermentation et la méthanogenèse) sont assurées essentiellement par des microbes sans aucune défense contre le stress oxydant, les microbes anaérobies.

Mise en évidence du rôle du stress oxydant sur la flore intestinale
Dans cette étude, les chercheurs de l'IHU Méditerranée infection, sous la direction du professeur D. Raoult, ont comparé la flore digestive d'enfants africains souffrant de malnutrition (au Sénégal et au Niger) et celle d'enfants en bonne santé . Des analyses par séquençage nouvelle génération ont révélé un appauvrissement très important des microbes (bactéries et archées) intolérants au stress oxydant chez les enfants souffrant de malnutrition sévère, par rapport aux enfants sains. Des analyses plus poussées ont montré une oxydation de l'environnement digestif, une diminution du nombre total de bactéries composant la flore intestinale et une absence totale d'archée (qui sont les microbes qui assurent la méthanogenèse) chez ces enfants malnutris. Un régime pauvre en antioxydants entraînerait ainsi une perte des micro-organismes responsables de la fermentation et de la méthanogenèse, et donc une maldigestion .

Les auteurs de l'étude émettent l'hypothèse que cette maldigestion serait irréversible par la renutrition, et que seul l'apport de bactéries anaérobies et d'archées sélectionnées avec un régime riche en antioxydants pourrait sauver les enfants sévèrement malnutris qui décèdent malgré un traitement optimal de renutrition (ce qui représente environ 800 000 enfants par an).

Cette étude pionnière ouvre de nouvelles perspectives de recherche sur le lien entre l'alimentation, le mode de vie, le stress oxydant digestif, la flore digestive et la santé ou la maladie. En effet, il est fortement probable que le rôle de la flore digestive dans d'autres maladies associées à un stress oxydant anormal ait été négligé jusqu'à présent.

1. AMU, IRD, hôpital de la Timone Marseille, CNRS, King Abdulaziz University.