La Fondation ARC récompense l'équipe de Saadi Khochbin à l'Institut Albert Bonniot
La Fondation ARC a remis, le 27 avril 2016, le prix « Équipe à l'Honneur » à l'équipe de Saadi Khochbin en présence de nombreux donateurs invités à venir rencontrer les chercheurs.
Lors de la remise du prix, André Hochberg, administrateur de la Fondation ARC, a souligné le travail de défrichage réalisé par l'équipe de Saadi Khochbin dans le domaine épigénétique, ajoutant : « La Fondation ARC pour la recherche sur le cancer est la seule fondation entièrement dédiée à la recherche sur le cancer. Elle soutient des projets importants et innovants, comme celui Saadi Khochbin, qui permettent de défricher des terrains encore peu connus, d'accélérer la recherche et le transfert des découvertes de la paillasse au patient. Notre objectif est de parvenir à guérir deux cancers sur trois dans 10 ans. »
Déchiffrer et défricher : zoom sur les travaux de Saadi Khochbin
L'équipe de Saadi Khochbin a découvert que l'activation aberrante de certains gènes, normalement silencieux dans les cellules pulmonaires, était associée la survenue de cancers du poumon particulièrement agressifs. Cette découverte ouvre la voie à une meilleure compréhension et à une meilleure prise en charge du cancer du poumon, au pronostic aujourd'hui souvent sombre (avec, en moyenne15 % de survie à 5 ans).
« Lors des travaux que nous avons menés avec le soutien de la Fondation ARC, nous avons analysé les tumeurs de près de 300 patients atteints de cancers du poumon, déchiffré le génome et recensé de manière systématique les gènes anormalement actifs dans les cellules tumorales, expose Saadi Khochbin. Nous en avons trouvé plusieurs centaines. Nous les avons alors regardés un par un afin d'identifier ceux que l'on pouvait associer à une agressivité notable du cancer. Et finalement, nous en avons trouvé 26 dont l'activation allait de pair avec les tumeurs les plus agressives et métastatiques. »
Quand les cellules tumorales utilisent le pouvoir des spermatozoïdes
Les 26 gènes identifiés par l'équipe de Saadi Khochbin sont, en temps normal, exclusivement actifs dans les futurs spermatozoïdes ainsi que dans le placenta. Leur activation aberrante dans les cellules tumorales du poumon, mais aussi d'autres cancers, confère à ces cellules de nouvelles propriétés, contribuant à leur développement et à leur capacité à essaimer dans l'organisme. « Les spermatozoïdes sont les seules à pouvoir traverser des milieux hostiles. Ils le peuvent grâce à l'activation de gènes, de programmes génétiques spécifiques, explique Sophie Rousseaux, la collaboratrice du chercheur grenoblois. Mais ces programmes activés dans d'autres cellules, de manière aberrante, du fait de dérèglements épigénétiques sont à l'origine d'une reprogrammation génétique responsable de la survenue de tumeurs agressives. »
De la paillasse au lit du malade : les applications thérapeutiques de ces travaux
Les 26 gènes qui signent l'agressivité du cancer du poumon constituent des biomarqueurs dont l'utilisation pour préciser le diagnostic et ajuster la prise en charge des patients est actuellement explorée dans des études cliniques.
Au-delà du cancer du poumon, les travaux de l'équipent de Saadi Khochbin débouchent sur des applications concrètes d'autres cancers, comme les lymphomes non-hodgkiniens (lire le dossier de présentation joint à ce communiqué), offrant de nouvelles cibles thérapeutiques dans le traitement des maladies les plus agressives.
Enfin, le travail de recensement des gènes silencieux ou anormalement actifs réalisés par l'équipe de Saadi Khochbin constitue une base, une méthodologie sur laquelle il est possible de s'appuyer pour évaluer l'impact de l'environnement sur le développement des cancers : « Nous avons recensé tous les gènes silencieux et identifié ceux qui semblaient responsables de l'apparition de cancers, explique Saadi Khochbin. Cela nous a permis de baliser le terrain que constituent les milliards de données recelées par l'information génomique des cellules. Nous savons désormais où regarder. Ce qui nous permettra d'avancer plus vite dans tous nos travaux à venir, notamment dans le cadre de notre collaboration au projet CANC'AIR, développé par le Dr Pascal Guénel (Villejuif) avec le soutien de la Fondation ARC. »
Cet ambitieux projet développé dans le cadre du programme CANC'AIR de la Fondation ARC vise à caractériser les liens entre l'exposition à la pollution atmosphérique et le risque de cancer du sein. Coordonné par le Dr Pascal Guénel du Centre de recherche en Epidémiologie et Santé des Populations à Villejuif, en collaboration avec l'équipe du Dr Rémy Slama de l'Institut Albert Bonniot, il s'appuiera sur le suivi épidémiologique de larges cohortes de femmes pour étudier les périodes de la vie au cours desquelles la susceptibilité aux polluants cancérogènes pourrait être accrue (période périnatale, grossesses, âge adulte, etc.). L'équipe de Saadi Khochbin interviendra sur la recherche des dérégulations épigénétiques qui pourraient être impliquées dans la survenue de cancers du sein.
Comprendre l'impact de l'environnement sur les dérégulations épigénétiques
« La vie est l'expression d'une information contenue dans l'ADN, une sorte de gros livre qui contient des milliers de pages d'instructions, poursuit Sophie Rousseaux. Toutes les cellules de notre corps contiennent toutes les informations nécessaires à notre vie mais elles ne doivent en utiliser qu'une partie. L'information épigénétique est comparable à un ensemble de marque-pages qui guide chaque cellule vers la bonne information et lui permet de fabriquer les bons outils. Mais lorsque ce balisage dysfonctionne, les cellules ne vont pas lire les bonnes informations et dans certains cas, développer des programmes à l'origine du développement de cancers ».
Les causes de ces dérégulations épigénétiques sont multiples et l'on est au début de leur exploration. L'étude de tous les facteurs environnementaux - de l'environnement de la cellule au mode de vie ou à l'exposition aux polluants - est une étape essentielle pour s'acheminer vers leur identification.
Sur le prix Equipe à l'honneur de la Fondation ARC
Créé en 2008, le prix intitulé « Equipe à l'Honneur » est destiné à récompenser une équipe ayant réalisé des travaux de recherche sur le cancer de tout premier plan dans le cadre d'un Programme Labellisé Fondation ARC.
L'équipe de Saadi Khochbin a été désignée, en 2015 parmi 14 équipes bénéficiaires d'une subvention Programme Labellisé Fondation ARC attribuée pour 4 ans, en 2010. Le programme labellisé Fondation ARC coordonné par Saadi Khochbin avait alors reçu de la Fondation ARC un soutien d'un montant de 280 000 euros sur 3 ans.
Le prix Équipe à l'honneur, doté d'un montant de 10 000 euros, contribuera à la poursuite des travaux de l'équipe.