Discours à propos de Daech et du génocide de John Kerry, Secrétaire d'État des États-Unis d'Amérique

Ambassade des Etats-Unis - 30/03/2016 11:40:00


M. le Secrétaire d'État Kerry : Bonjour à tous.

En 2014, le groupe terroriste Daech a commencé à s'emparer de territoires en Syrie et en Irak, mettant à sac de grandes métropoles et commettant les atrocités. Les États-Unis d'Amérique ont rapidement réagi en dénonçant ces actes barbares et surtout en coordonnant des actions pour contrer les terroristes. Au mois de septembre 2015, le président Obama a mobilisé une coalition internationale, aujourd'hui forte de 66 pays, pour stopper la progression de Daech et faire reculer l'organisation. Et c'est exactement ce que nous faisons à l'heure actuelle.

Au cours des 18 mois suivants, les bombardements menés par la coalition ont permis de libérer Kobané, Tikrit, Ramadi, ainsi que d'autres villes et agglomérations clefs. Nous avons chassé les terroristes de 40 % des territoires qu'ils contrôlaient en Irak, et de 20 % en Syrie. Nous avons affaibli leur commandement, attaqué leurs sources de revenus et désorganisé leurs voies d'approvisionnement. En outre, nous nous sommes engagés à présent, comme vous le savez tous, dans une initiative diplomatique destinée à tenter de mettre un terme à la guerre en Syrie. Daech se nourrit de cette guerre, et par nos actions actuelles, nous travaillons à l'isoler et à l'affaiblir de plus en plus pour, finalement les vaincre. Nous travaillons intensivement à stopper la progression de Daech et de ses membres dans la région et au-delà.

Tout cela représente des efforts extraordinaires de la part d'une large partie de la communauté internationale et des États-Unis d'Amérique. Et ces efforts sont justifiés par les épouvantables actes dont l'organisation que nous affrontons se rend coupable.

Si je me présente aujourd'hui devant vous, c'est pour affirmer que, selon mon jugement, Daech est responsable du génocide commis contre les communautés installées sur les territoires qu'elle contrôle, notamment les yézidis, les chrétiens et les chiites. Daech revêt un caractèreest génocidaire de par son auto-proclamation, son idéologie et ses actes; en raison de ce qu'elle dit, ce en quoi elle croit et ce qu'elle fait. Daech est également responsable de crimes contre l'humanité et d'épuration ethnique dirigés contre les communautés précitées, mais, dans certains cas, également contre les sunnites, les kurdes, ainsi que d'autres minorités.

J'affirme ces propos, même si le conflit actuel et le manque d'accès aux principales régions ne nous permettent pas de disposer d'une vision claire et détaillée des actes commis par Daech en ce moment et par le passé. Nous n'avons pas été en mesure d'élaborer un rapport précis. Je pense que la situation parle d'elle-même : certaines régions nous sont encore impossibles d'accès. Cependant, au cours des derniers mois, nous avons passé en revue l'importante quantité d'informations recueillies par le département d'État, nos services de renseignement, ainsi que des organismes externes. Et je fonde ma conclusion sur ces informations et sur la nature des actes rapportés.

Nous savons, par exemple, qu'en août 2014, Daech a tué des centaines d'hommes et de femmes âgées yézidis dans la ville de Kocho, mais également piégé des milliers de membres de yézidis sur les monts Sinjar, leur empêchant tout accès à la nourriture, l'eau et les soins médicaux. Sans notre intervention, il est clair que ces gens auraient tous été massacrés. Les opérations de sauvetage, assistées par les bombardements de la coalition, ont finalement permis de sauver de nombreuses personnes, mais malheureusement pas avant que Daech n'ait capturé et réduit en esclavage des milliers de femmes et de jeunes filles yézidis. Les terroristes les vendent aux enchères, les violent et détruisent les communautés qui les avaient accueillies pendant d'innombrables générations.

Nous savons qu'à Mossoul, Qaraqosh et ailleurs, Daech a exécuté de nombreux chrétiens uniquement en raison de leur religion, en Libye, c'est 49 coptes et chrétiens éthiopiens qui ont été abattus, et encore des femmes et jeunes filles chrétiennes étaient forcées à l'esclavage sexuel.

Nous savons que Daech a massacré des centaines de Turkmènes chiites et de shabaks à Tall Afar et Mossoul ; assiégé la ville turkmène d'Amerli et affamé ses habitants ; et kidnappé des centaines de femmes turkmènes chiites, dont beaucoup ont été violées devant les yeux de leur famille.

Nous savons que sur les territoires qu'elle contrôle, Daech a déployé des efforts systématiques pour détruire le patrimoine culturel de communautés anciennes. L'organisation détruit des églises arméniennes, orthodoxes syriennes et catholiques romaines ; réduit en cendres des monastères et des tombeaux de prophètes ; et profane des cimetières. À Palmyre, les terroristes sont allés jusqu'à décapiter un érudit de 83 ans qui avait passé sa vie entière à protéger les antiquités qui s'y trouvaient.

Nous savons que les actes de Daech sont motivés par une idéologie extrême et sectaire qui réduit les yézidis à, je cite, des « infidèles » et des « adorateurs du diable ». Nous savons également que Daech a menacé les chrétiens de, je cite à nouveau, « conquérir Rome, brûler vos croix et réduire vos femmes à l'esclavage ».

Les chiites, eux, sont décrits par Daech comme étant, je cite, « des dissidents et des apostats », et sont souvent les victimes d'attaques perfides. En décembre 2014, un jeune homme de 14 ans dénommé Usaid Barho s'était approché de l'entrée de la mosquée chiite de Bagdad et avait ouvert sa veste pour montrer qu'il portait une ceinture d'explosifs, avant de se rendre aux gardes. Il avait été recruté par Daech en Syrie, et avait rejoint l'organisation pour servir l'islam, mais les terroristes l'avaient menacé que les chiites viendraient violer sa mère s'il n'obéissait au moindre de leurs ordres. À propos des chiites, Daech avait déclaré, je cite encore une fois : « Il est de notre devoir de tous les tuer, de les combattre, de les déplacer et de purifier la terre qu'ils ont souillée ».

Un caractèristique du génocide est l'intention de détruire un groupe ethnique ou religieux, en partie ou en totalité. Nous savons que Daech offre parfois à ses victimes le choix entre abandonner leur religion ou mourir, mais pour de nombreuses personnes, ce n'est là qu'un choix entre deux façons différentes de perdre la vie.

Daech tue les chrétiens parce qu'ils sont chrétiens, les yézidis parce qu'ils sont yézidis et les chiites parce qu'ils sont chiites. C'est le message qu'ils transmettent à la jeunesse sous leur contrôle. La vision du monde de Daech est fondée sur l'élimination de ceux qui n'adhèrent pas à son idéologie barbare. Il est évident que si Daech parvenait à établir son prétendu califat, elle chercherait à détruire ce qu'il reste de la diversité ethnique et religieuse, autrefois florissante, de la région.

Je voudrais être clair. Je ne me fais ni le juge, ni le procureur, ni le jury en ce qui concerne les allégations de génocide, les crimes contre l'humanité et l'épuration ethnique par des personnes spécifiques. L'ensemble des faits devra être dévoilé par le biais d'une enquête indépendante, et déterminé en justice par un tribunal compétent. Cependant, les États-Unis d'Amérique apporteront tout leur soutien dans les efforts déployés pour recueillir, documenter, préserver et analyser les preuves de ces atrocités, et nous ferons tout ce qui est en notre main pour que les auteurs de ces crimes atroces doivent en répondre.

J'espère que par mon allocution d'aujourd'hui, les victimes des atrocités de Daech seront assurées que les États-Unis d'Amérique reconnaissent et confirment la nature effroyable des crimes que l'organisation a commis contre elles.

J'espère également que mon allocution mettra en avant un intérêt commun que partagent d'autres groupes divers à s'opposer à Daech. Après tout, la réalité du génocide souligne, d'une manière encore plus terrible, le besoin d'une approche approfondie et unifiée pour éliminer cette organisation terroriste à la fois en Syrie et en Irak, mais également plus largement pour l'empêcher d'établir des réseaux extérieurs.

Nous ne devons pas oublier qu'une partie de notre réponse à Daech doit, bien sûr, être de le détruire par la force militaire, mais qu'il existe également d'autres dimensions, tout aussi importantes. Durant les 30 derniers mois, les États-Unis d'Amérique ont apporté pour plus de 600 millions d'aide d'urgence aux Irakiens qui ont été déplacés de leurs communautés par Daech. Nous travaillons étroitement avec les autorités locales pour aider à la récupération des villes libérées, dont les habitants sont confrontés à d'importants défis, tant sur le plan matériel que psychologique, mais également pour soutenir les personnes qui ont désespérément besoin de reconstruire leur vie. Nous finançons des enquêtes sur les fosses communes, et apportons des soins aux victimes de la violence sexiste et à ceux qui ont pu s'échapper de l'emprise de Daech.

Nous continuons à travailler avec le gouvernement de Bagdad pour garantir que ses forces de sécurité et autres institutions soient plus représentatives et plus inclusives. Nous coordonnons également nos actions avec nos partenaires dans la coalition pour couper les finances de Daech et affaiblir son processus de recrutement à l'étranger. Et nous nous préparons à déployer des efforts supplémentaires pour libérer les territoires occupés, tout en prenant en compte la protection des communautés minoritaires. La libération de Mossoul, notamment, dans la province de Ninive, en Irak, ainsi que de certaines parties de la Syrie qui sont actuellement sous le contrôle de Daech, verront se jouer l'avenir des communautés minoritaires de cette région du Moyen-Orient. Pour ces communautés, l'enjeu de cette campagne est pour le moins existentiel. Voici le combat que qu'a entraîné Daech a défini. C'est par leur faute que nous en sommes arrivés là. Daech a ciblé ses victimes. Daech a elle-même défini son caractère génocidaire.

Aussi, nous devons garder à l'esprit, qu'après tout, la meilleure réponse au génocide est la réaffirmation du droit fondamental à la survie de chaque groupe visé par la destruction. Ce que Daech veut voir disparaître, nous devons le protéger. Cela implique de devoir éliminer cette organisation, mais cela demande également de rejeter l'intolérance et la discrimination, car ce sont ces idées qui ont donné naissance à Daech.

Cela signifie qu'alors que de plus en plus de territoires sont libérés, les habitants auront besoin d'aide non seulement pour réparer leurs infrastructures, mais également pour garantir que les minorités puissent retrouver leur foyer en toute sécurité, qu'elles soient intégrées dans les forces de sécurité locales et qu'elles reçoivent une protection égale en vertu de la loi. Notre objectif, après tout, ne se résume pas à vaincre Daech pour constater, dans quelques années, qu'un nouveau groupe terroriste est né. Notre objectif est de marginaliser et de combattre la violence de l'extrémisme une bonne fois pour toutes.

Bien sûr, nous savons que la tâche ne sera pas aisée. Comme M. le Président Obama et moi-même l'avons répété à maintes reprises, cela ne se fera pas en un jour. Mais aujourd'hui, je m'adresse à tous nos concitoyens et à la communauté internationale pour leur dire que nous devons reconnaître les crimes commis par Daech. Nous devons faire en sorte que les auteurs de ces crimes en rendent compte. Et nous devons trouver les ressources nécessaires pour aider les victimes à survivre sur leur terre natale ancestrale.

Mettre un nom sur ces crimes est important. Mais il faut surtout y mettre un terme. Pour cela, nous aurons besoin d'unité au sein de notre nation et des pays directement impliqués, ainsi que de détermination pour agir contre le génocide, contre l'épuration ethnique et contre tous les autres crimes contre l'humanité. Cette détermination doit être reprise par toutes les personnes dignes de ce nom sur la planète.

Je vous remercie.

RAPPEL / 17 mars 2016
Salle de presse
Washington, D.C.