Le Conseil tient ses débats interactifs avec les Rapporteurs spéciaux sur le droit à la vie privée et sur la liberté de religion

Conseil des Droits de l'Homme - 10/03/2016 11:10:00


Le Conseil des droits de l'homme a tenu ce matin et jusqu'en début d'après-midi ses débats interactifs combinés avec le Rapporteur spécial sur le droit à la vie privée, M. Joseph Cannataci, et avec le Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, M. Heiner Bielefeldt.

M. Cannataci, qui présentait son premier rapport au Conseil, a expliqué que ce rapport avait pour objet de décrire la vision qu'il a de son mandat et les méthodes de travail qu'il entendait utiliser. Il a fait observer que si la notion de vie privée était connue dans toutes les cultures et sociétés, il n'existe pas de définition contraignante et universellement acceptée de celle-ci. Il a ensuite rappelé qu'à l'ère numérique, les dizaines de milliers de données générées par les citoyens du Net à propos d'eux-mêmes font se poser la question de savoir si la convergence de toutes ces informations ne présente pas un danger pour la dignité et la vie privée. Le Rapporteur spécial a donc indiqué présenter dans son rapport un plan d'action en dix points.

Parmi les délégations* qui se sont exprimées sur cette thématique de la vie privée à l'ère du numérique, bon nombre ont fait part de leurs préoccupations face aux écoutes numériques extraterritoriales et à la collecte de données à grande à grande échelle. Il faut veiller à ce que les technologies de l'information et de la communication ne soient pas utilisées à des fins contraires à la charte des Nations Unies, en particulier pour déstabiliser d'autres États, a-t-il été souligné. Il a notamment été proposé d'adopter un instrument visant à améliorer le cadre juridique de protection des données personnelles. Certains se sont interrogés sur la possibilité pour des opérateurs privés de protéger les données privées de clients si des demandes de transmission desdites données leur étaient présentées par des autorités publiques.

Pour sa part, M. Bielefeldt a indiqué s'être souvent interrogé dans l'exercice de son mandat sur la relation entre la liberté de religion et la liberté d'expression. Opposé au postulat selon lequel ces deux droits ne s'accorderaient pas facilement, voire s'opposeraient, il a expliqué qu'il s'était attelé à démontrer les analogies qui existent entre ces deux droits et à démontrer qu'ils se renforcent l'un l'autre dans la pratique. Dans ces deux droits, la protection accordée aux pensées, opinions et convictions - religieuses ou non - est absolue, a-t-il souligné. M. Bielefeldt a également appelé à dépasser «l'essentialisme» qui, dans les affaires de croyances, nie la diversité et voudrait faire accroire que les pratiquants d'une religion pensent tous exactement la même chose et se comportent exactement de la même manière - ce qui est faux, a-t-il souligné.

La liberté de religion ou de conviction a parfois été perçu à tort comme protégeant les religions et les systèmes de croyance en eux-mêmes, a poursuivi le Rapporteur spécial. Cette conception est à l'origine d'une grande confusion car elle occulte la nature de la liberté de religion ou de conviction en tant que droit émancipateur; en effet, dans le système des droits de l'homme, la reconnaissance juridique ne peut pas être immédiatement accordée au contenu particulier des religions ou des convictions, mais elle est due seulement aux êtres humains en leur qualité d'acteurs responsables qui sont attachés à ces convictions, les cultivent, les enrichissent et s'efforcent de vivre en conformité avec elles, a-t-il expliqué. M. Bielefeldt a ensuite rendu compte des visites qu'il a effectuées au Liban et au Bangladesh. Les deux pays concernés sont intervenus suite à cette présentation du Rapporteur spécial.

Parmi les délégations** qui se sont exprimées dans le cadre du débat sur ce thème, bon nombre ont soutenu l'approche du Rapporteur spécial et ont insisté sur l'importance du dialogue interreligieux pour créer la confiance entre les différentes religions ou convictions. Il faut empêcher que la liberté d'expression ne facilite les discours de haine, a-t-il par ailleurs été souligné. Plusieurs délégations ont dénoncé ceux qui, selon elles, abusent de leur liberté d'expression pour «insulter les religions et les valeurs sacrées». Certaines ont au contraire estimé que les États étaient parfois trop prompts à restreindre la liberté d'expression au nom de la lutte contre l'intolérance religieuse. Plusieurs pays ont fermement dénoncé les lois sur le blasphème en vigueur à travers le monde. Une organisation non gouvernementale a recensé 55 États qui incriminent toujours blasphème.

En début de matinée, le Conseil a achevé - en entendant plusieurs délégations*** - ses débats interactifs groupés, entamés hier, avec le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, M. Juan Ernesto Méndez, et avec la Rapporteuse spéciale sur la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, Mme Maud De Boer-Buquicchio.

Le Conseil tiendra cet après-midi des débats interactifs avec les Rapporteurs spéciaux sur le droit de réunion pacifique et la liberté d'association et sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires.