Glissement vers un Etat policier

USM - Union Syndicale des Magistrats - 19/01/2016 09:10:00


Le projet de loi « renforçant la lutte contre la criminalité organisée et son financement, l'efficacité et les garanties de la procédure pénale » comporte des dispositions positives mais également certaines très inquiétantes.

Le projet de loi « renforçant la lutte contre la criminalité organisée et son financement, l'efficacité et les garanties de la procédure pénale » a été présenté en conseil des ministres le 23 décembre 2015 et transmis au Conseil d'Etat. Il n'a été communiqué à l'USM que le 7 janvier, sans concertation préalable.

L'USM déplore qu'alors que la simplification de la procédure pénale, annoncée depuis plusieurs années, ne constitue plus l'essentiel du texte présenté par le gouvernement, le projet marque une scandaleuse défiance à l'égard de l'autorité judiciaire que ne sauraient contrebalancer certaines dispositions par ailleurs intéressantes.

L'USM constate que plusieurs propositions sont de nature à améliorer l'efficacité des procédures pénales, en donnant aux services judiciaires des moyens techniques d'enquêtes jusqu'alors réservés aux services de renseignement, en facilitant les perquisitions de nuit sous le contrôle d'un juge des libertés et de la détention dans le cadre d'enquêtes préliminaires pour terrorisme ou en renforçant les moyens d'enquête en matière de trafic d'armes, de lutte contre le blanchiment et la cybercriminalité.

Cependant, l'USM conteste d'autres dispositions qui octroient des pouvoirs exorbitants aux préfets et au Ministre de l'Intérieur et consacrent ainsi une forme d'état d'urgence permanent.

Elle dénonce le pouvoir donné au Préfet, en cas de menace terroriste, d'autoriser les forces de l'ordre à procéder à des contrôles d'identité, à l'inspection visuelle et à la fouille des bagages ainsi qu'à la visite des véhicules, alors que le Procureur détient, déjà et naturellement, cette compétence. L'USM rappelle que le seul avis de cette autorisation adressé au Procureur, n'apporte aucune garantie.

Elle s'inquiète de la création d'une rétention par les forces de l'ordre pour vérification de la situation en cas de soupçon de lien avec une activité terroriste, même lorsque l'intéressé peut justifier de son identité, sans information ni contrôle systématique du procureur de la République.

Elle s'oppose fermement à la possibilité donnée au ministre de l'Intérieur d'assigner à résidence et d'imposer des obligations ou interdictions à une personne soupçonnée de revenir d'un théâtre d'opération terroriste. Ces faits, d'une particulière gravité, doivent continuer à relever exclusivement d'une enquête judiciaire présentant des garanties d'indépendance et de respect des droits, que ne saurait en aucun cas apporter l'autorité préfectorale.

L'autorité judiciaire est, selon la Constitution, la gardienne des libertés individuelles. Permettre au pouvoir exécutif d'attenter à ces libertés sans autorisation ni contrôle judiciaire préalable est une atteinte aux principes qui fondent notre démocratie.

L'Etat ne sera renforcé ni par l'affaiblissement de sa Justice ni par l'accroissement corrélatif des pouvoirs policiers.