Entretien avec Serge Babary Maire de Tours

NEWS Press - 30/11/2015 09:30:00


Serge Babary, le budget de la ville est confronté à la baisse des dotations de l’Etat ; quelles sont vos priorités budgétaires ?

Il y a un "raz le bol" généralisé contre le désengagement de l’Etat en termes de dotations et ce "raz le bol"  a été manifesté lors de l’Assemblée Générale de l’Association des Maires des Grandes Villes de France. Pour les 3 prochaines années, en ce qui concerne Tours, l’Etat va supprimer 11 millions d’euros de dotations soit 3, 5 millions par an.

Les nouveaux rythmes scolaires ont entraîné un coût supplémentaire pour la ville de Tours de près de 2 millions d’euros par an alors que l’Etat participe à hauteur de 450 000 euros pour 9 000 enfants. Je dois trouver 1M6 de dépenses supplémentaires….Par ailleurs l’Etat vient de modifier l’échelle indiciaire du personnel de la fonction publique territoriale, ce qui est compréhensible en terme de RH mais L’addition se chiffre à un total de 6M euros en plus sur un budget de 2015.

Ma priorité est de diminuer l’endettement, réussir l’équilibre budgétaire et maintenir l’investissement. Ce sont des sujets importants dans la mesure où nous avons à Tours, la présence - si je puis dire - dans les comptes de la ville d’un swap toxique. Pour comprendre: la ville de Tours avait contracté il y a de nombreuses années plusieurs prêts qui lui coûtaient cher. Pour soulager la dette, elle devait souscrire en 2006 pour 10 ans des swap qui sont des placements financiers que je qualifierais de « spéculatifs » basés sur des échanges de taux entre devises. Elle espérait ainsi grâce à ces placements récupérer des recettes supérieures aux intérêts qu’elle payait par ailleurs pour une dette ancienne.

Les premières années (jusqu’en 2009), l’opération a été positive pour la ville mais avec la crise, les recettes de l’un de ces swap de 20 millions d’euros se sont transformés en cauchemar. Comme la ville était engagée jusqu’en 2016, elle a dû payer les pertes de ce placement avec des taux d’intérêt de 47% C’est pourquoi nous devons cette année payer à la banque 6,9M euros et en 2016 8,4 M euros, Comment s’en sortir ?

L’Etat a bien mis en place un fonds de solidarité pour les collectivités qui ont contracté des emprunts basés sur un mécanisme similaire. Mais comme à Tours, il s’agit d’un placement sur les marchés financiers et non d’un emprunt, la ville n’en bénéficie pas. C’est pourquoi, j’ai donc dû réactiver un différend judiciaire avec la banque pour atténuer la charge de 8, 4 millions prévue en 2016. Au final, la mairie n’a jamais reçu de bénéfices sur son investissement (ndlr le swap de 20 millions).

Mon autre priorité est la mise en place d’une politique d’économies. En 2015, nous avons largement économisé sur le fonctionnement des services, les subventions et nous avons réussi à équilibrer les baisses de dotations de l’Etat Mais le swap nous aura contraints à augmenter les impôts cette année. Et le chef d’entreprise que je suis (engagé contre les taxes et les impôts) souhaite l’éviter à tout prix en 2016, notamment grâce à l’activité économique et à l’investissement.

En effet malgré ce handicap je veux maintenir l’investissement. Il représente 23 millions d'euros en 2015. C’est déterminant pour l’économie de l’ensemble de l’agglomération et son attractivité pour les entreprises.

Justement en tant que Vice-Président délégué au développement économique et au tourisme à la Communauté d’agglo, cette région est historiquement touristique. Nous devons le valoriser !


En dehors des stations balnéaires, la Loire est la troisième destination touristique française après Paris et la Côte d’Azur ; la Ville de Tours et la Touraine sont la porte d’entrée des « château de la Loire » et le « jardin de la France » avec ses châteaux, ses paysages, sa culture, son patrimoine historique, son architecture, sa gastronomie, ses vignobles,…

En comptant aujourd’hui avec le développement de masse du tourisme et la concurrence au niveau international, il faut développer de nouveaux types d’accueil et d’attractivité touristique autour de deux axes ; le premier la culture (architecture, urbanisme) le second, le tourisme d’affaires (congrès).

Qu’avez-vous comme potentiel de développement ?

Nous avons, autour du tourisme d’affaires, avec le quatrième centre de congrès de France, à une heure de Paris, une vraie opportunité pour maintenir l’activité en dehors des périodes de haute saison de novembre à mars. Cela aura un impact en termes d’emplois avec la formation de personnel supplémentaire dédié à cette activité et sur l’année entière. C’est un véritable gisement pour l’économie de la Touraine.

L’attraction de notre territoire c’est aussi la culture et nos établissements culturels. Le Centre de Création Contemporaine ouvrira ses portes prochainement avec une capacité d’accueil de 100 000 visiteurs par an. Nous nous appuyons évidemment les atouts de Tours : les réalisations architecturales modernes comme le Centre de Congrès international de Jean Nouvel, la réhabilitation de l’usine MAME qui accueillera l’école des beaux-arts et qui est un modèle d’architecture industriel totalement rénové. Je ne voudrais pas oublier le projet urbain du Haut de la Rue Nationale.

Vous savez, on ne le dit jamais assez, la ville de Tours est l’une des villes à plus forte capacité de développement touristique. C’est la raison pour laquelle, le leader de l’Hôtellerie Hilton a choisi Tours pour s’implanter et y construire deux hôtels 5 étoiles. Seuls Paris, Evian, Versailles et Strasbourg avait jusqu’ici été retenu par le groupe.

Tours vient aussi de lancer la 2ème édition du Marathon de Tours, qui a accueilli 3 500 coureurs (5ème rang au niveau national). Avec les autres parcours de 10 et 20 KM nous accueillons près de 20.000 coureurs le même week-end.

La Ville de Tours s’est portée candidate pour accueillir une équipe de l’Euro 2016 et souhaite conduire un projet de partenariat avec les villes situées à une heure de Paris pour soutenir la candidature de Paris 2024.
Quand on pense à Tours on pense aussi à Descartes, à Saint Martin, quelle est la place de ces foyers intellectuels et spirituels ?

En 2016 nous fêterons le jubilé du 1700ème anniversaire de la naissance de Saint Martin. Il est né en Hongrie et enterré à Tours. La dévotion autour du Saint a attiré à Tours des foules de pèlerins et sa vie à donné lieu la construction de grandes abbayes dont on a conservé pour partie l’héritage jusqu’à aujourd’hui.
La première basilique a été détruite pendant la révolution et le nouvel édifice abrite le tombeau de Saint Martin. De grands travaux de restauration ont été entrepris grâce à des fonds européens, nationaux, régionaux et une souscription publique auprès de mécènes et entreprises. La basilique abrite aussi une statue monumentale (4m80) qui est en cours de restauration et sera réinstallée pour les fêtes du jubilé.

Vous évoquiez Descartes. C’est à Tours que l’on parle « le français le plus pur » ; une particularité qui est liée ici avec l’Histoire des rois de France. C’est ce qui explique aujourd’hui le rayonnement international de l’Institut de Touraine qui reçoit depuis 1912 chaque année 2 500 étudiants de 90 pays qui étudient français-langues-étrangères. Quant à l’université François Rabelais, elle fait partie des pôles de l’enseignement du français langue étrangère dont le périmètre va au-delà de la francophonie.

Qu’est-ce que la Ville de Tours peut apporter à la francophonie ?

Il faut du volontarisme et Tours en est dotée. Grâce aux réseaux numériques, nous sommes un « centre de ressource » pour la modernisation, la pédagogie du français, aux enseignants, notamment en Afrique, dans les pays de l’Est, en Amérique latine ou en Asie. Nous voulons donner à de nombreuses communautés francophones où la pression anglophone se fait sentir, les moyens de se renforcer.

Par ailleurs, les Assises du journalisme en 2016 ont choisi de s’installer à Tours avec comme axe principal le « journalisme francophone » Ces manifestations en terre de Touraine, jouent un rôle essentiel pour développer l’apprentissage du français avec des méthodes de très grande qualité pédagogique.

Alors que le français est supplanté par l’anglais dans le domaine de la technologie, nous devons promouvoir notre langue et ce qu’elle représente : une façon de concevoir le monde, une approche culturelle, juridique différente du monde anglo-saxon et la réflexion cartésienne dont on peut parler à Tours puisque Descartes est un petit peu d’ici….

Je pense que nous avons dix ans pour gagner la bataille sur la francophonie avec les jeunes du continent africain ; c’est un enjeu qui concerne 800 M de personnes ; si on arrive à maintenir auprès d’eux l’usage de la langue française, notre langue reste une langue majeure de la planète.


Propos recueillis par Alexia Lecomte – News Press – 14/10/2015

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