Ce que j'aurais dit à mes amis Républicains

Blog d'Alain Juppé - 10/11/2015 11:50:00


Au moment de décoller de l'aéroport de Bordeaux, ce matin à 9H, le commandant de bord nous informe qu'Orly vient de fermer. Sine die. Nous revenons à la porte d'embarquement. Aucun moyen de rejoindre comme prévu Paris et le Conseil National des Républicains pour prononcer mon discours au moment convenu avec N. Sarkozy.

Voici ce que j'aurais dit:

Je me réjouis d'être parmi vous, avec les têtes de liste et chefs de file des Républicains pour les prochaines élections régionales. Je suis heureux de leur renouveler mon plein soutien. Je l'ai fait sur le terrain au cours des semaines qui viennent de s'écouler en allant dans presque toutes les régions de métropole: Pays de Loire, Normandie(s), Nord, Bourgogne/Franche-Comté, Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Ile-de-France, Bretagne bientôt, et bien sûr Aquitaine, Poitou-Charentes, Limousin plusieurs fois où Virginie Calmels fait un magnifique travail.Partout j'ai fait le même constat: nos équipes ont du mal à mobiliser l'opinion, mais nos candidats font campagne avec énergie et persévérance. Redoublons tous d'effort.

Les enjeux sont importants. L'enjeu régional d'abord. Partout les présidences socialistes sortantes qui ont gouverné la quasi-totalité des anciennes régions se sont illustrées par une gestion clientéliste et dispendieuse, une forte inflation des effectifs de fonctionnaires territoriaux et de graves défaillances en matière de transport ou de formation. Presque partout le nombre d'apprentis a diminué et les crédits attribués à l'apprentissage on baissé, ce qui est un comble. Un renouveau régional s'impose.

Le contexte législatif compliquera hélas! la tâche. Le gouvernement et sa « majorité » ont voté une mauvaise réforme territoriale. Il n'était pas utile d'imposer aux commune et aux communautés de communes un nouveau découpage alors que le précédent datait de quelques années à peine. Ce fut une erreur d'annuler la création des conseillers territoriaux qui préparait un rapprochement bienvenu entre l'échelon départemental et l'échelon régional, et d'inventer à la place de très grandes régions sans cohérence économique et sociale, dont les exécutifs seront bien loin du citoyen, ce qui obligera à pérenniser les conseils départementaux. Bonjour les surcoûts de fonctionnement! Alors même que les collectivités locales se voient infliger une purge budgétaire brutale et exagérée. Nous étions prêts bien sûr à participer à l'effort général de réduction de la dépense publique; mais la méthode retenue, ou l'absence de méthode, est détestable. La majorité elle-même s'en rend compte et impose à son gouvernement une reculade en rase campagne!

Pourrons-nous repartir de zéro en 2017 ? Les nouveaux conseillers départementaux et régionaux viendront d'être élus et il sera difficile de les renvoyer. Et surtout les élus locaux et les maires qui sont la colonne vertébrale de la République aspirent à la stabilité et à la visibilité après tant de désordre.

Pour ma part, je leur proposerai un contrat de confiance, avec quelques engagements clairs:
1.Aucun nouveau transfert de charges de l'Etat aux collectivités locales sans compensation stricte et durable, en pleine transparence. On ne doit pas recommencer l'opération « rythmes scolaires ».
2.Poursuite de la mutualisation des moyens entre niveaux de collectivités, ce qui sera à terme la seule source réelle d'économies.
3.Droit à l'expérimentation reconnu aux collectivités locales, droit à la diversité et au volontariat, plutôt qu'imposition de règles rigides et uniformes venues d'en haut. Je pense à la possibilité de déléguer des compétences, par exemple entre régions et départements pour les transports scolaires; ou à la possibilité d'abandonner la réforme des rythmes scolaires quand elle n'améliore en rien la réussite de nos enfants. Bref, du pragmatisme plutôt que de l'idéologie.

Ce que j'aurais dit à mes amis Républicains (suite)
Les élections du 6 et 13 décembre ont aussi, à l'évidence, un enjeu national.

Nous avons à nous battre sur deux fronts.

D'abord contre le Front National. Il y aurait beaucoup à dire sur l'incohérence démagogique de ses propositions, notamment dans le domaine économique et social. Je voudrais aujourd'hui cibler son entreprise de démolition de l'Union Européenne. L'Europe pour le FN, c'est la phobie furieuse. Eh bien! pour ma part, contre vents et marées, j'affirmerai mes convictions européennes. Certes, je suis lucide. Je vois que l'UE marche mal et que de profonds changements s'imposent dans son fonctionnement. J'y reviendrai plus tard. Mais ce serait folie de nous séparer les uns des autres, nous Etats de l'Union, dans un monde aussi turbulent, dangereux, imprévisible que celui qui nous entoure. Il faut l'aborder ensemble et non pas en ordre dispersé parce que la cohésion de l'Europe peut et doit être pour nous tous une sécurité.

Ce n'est pas en nous bornant à proposer des mesures techniques, aussi nécessaires soient-elles, comme l'harmonisation fiscale et sociale au sein de la zone euro, que nous redonnerons envie d'Europe. Or, c'est bien de cela qu'il s'agit si nous voulons contrer la montée des nationalismes anti-européens, fauteurs de guerre. Il faut donner du sens à l'Europe, montrer qu'elle incarne un idéal pour l'avenir.

Oui, il y a bien un idéal européen, constitué de l'histoire commune de notre continent, souvent sanglante, souvent brillante; d'un riche patrimoine intellectuel et culturel; et de valeurs partagées : nos racines chrétiennes bien sûr, mais aussi les Lumières, et même l'héritage de la Révolution française: le mouvement des nationalités au XIXème siècle, la démocratie, les droits de l'homme et essentiellement l'égalité femmes-hommes si peu répandues sur la planète. Tout cela définit une civilisation européenne qui a des choses à dire au monde même si le monde ne considère pas ces valeurs comme universelles.

Nos jeunes le vivent mieux que nous. A preuve cette rencontre vendredi dernier à Bordeaux, dans le cadre de l'EURO 2016, entre 30 jeunes français en service civique et 30 jeunes européens venus d'Allemagne, d'Italie, d'Espagne, de Pologne, de Roumanie, de Slovaquie, de République Tchèque qui, en binôme, vont parler, pendant plusieurs mois, de leur vie d'Européens dans les écoles, collèges et lycées de la ville. On n'est pas là dans le rêve mais dans la réalité.

Face au FN démolisseur d'Europe, faisons de la France l'âme et la messagère de la renaissance d'une Europe de la liberté et de la fraternité

Le deuxième front de notre combat électoral, c'est la préparation de l'alternance au pouvoir socialiste.

Peut-on encore parler de pouvoir quand on voit le spectacle désolant de déliquescence que donne le gouvernement ?Pas une semaine sans une contradiction ou une reculade. Tant d'impréparation, d'improvisation, d'amateurisme donne le vertige. Est-il besoin de développer?

Concentrons-nous sur les changements de cap que nous aurons à accomplir. Il nous faudra, sans hésitation et sans faiblesse:
changer le cap de la politique économique et sociale pour redonner confiance et visibilité à tous ceux qui veulent travailler, entreprendre, créer. Et nous savons ce qu'il faut faire.
changer le cap de la politique de sécurité intérieure et donc de la politique pénale. Je respecte la personne de Mme Taubira mais sa politique pénale est désastreuse. Sans caricaturer, on peut la résumer ainsi : comme il n'y a pas assez de places dans les prisons, ne mettons plus les délinquants en prison. Si nous voulons que les forces de sécurité intérieure, police et gendarmerie, soient en mesure de remplir leur mission, il nous faudra faire ce que nous avions commencé à faire : construire des prisons pour que les peines prononcées soient exécutées. Mon prochain livre précisera l'ensemble de mes propositions.
changer le cap de la politique d'immigration qui ne peut marcher sur la seule jambe de l'accueil et de la compassion, mais aussi sur la volonté de contrôler nos frontières externes et de rendre effectives les réadmissions dans les pays d'origine pour les migrants que nous ne pouvons garder sur notre sol.
changer le cap de notre politique de laïcité en affirmant clairement ses deux exigences indissociables : la liberté de religion garantie à tout citoyen français; et le respect par toutes les religions de la séparation du temporel et du spirituel et de la primauté des lois et valeurs de la République, à commencer par l'égalité entre l'homme et la femme. Non négociable.

La tâche, vous le voyez, sera lourde.

La première condition de la réussite, c'est le rassemblement de toutes nos forces. Vous savez que c'est mon obsession.

Je me réjouis que ce rassemblement soit réalisé pour les élections régionales. Partout où je vais, je vois des listes REPUBLICAINS/UDI/MODEM/Société civile. Bravo!

Ce doit être aussi l'esprit des futures primaires de la droite et du centre, qui ne sont pas faites pour nous diviser mais pour concilier nos diverses sensibilités autour de celui ou de celle qui rassemblera le mieux pour nous conduire à la victoire.

Que les élections du 6 et 13 décembre soient la première marche de l'ascension!

Bonne chance à tous nos candidats. Ce week-end, je serai à Brive pour soutenir notre équipe de la Grande Aquitaine: Aquitaine+Poitou-Charentes+Limousin.

07/11/2015 par Alain Juppé