Le Député Bernard Roman, à l'initiative de la définition du mot inceste dans le code pénal, répond à nos questions

NEWS Press - 05/10/2015 17:05:00


Monsieur Bernard Roman, député du Nord, est à l'origine de l'introduction du terme d'inceste et de sa définition dans le code pénal.

À l'appui de son intervention, Bernard Roman cite Graham Greene, écrivain britannique, qui écrit : «il y a toujours, dans notre enfance, un moment où la porte s'ouvre et laisse entrer l'avenir».
Et continue ainsi : « L'Assemblée nationale peut tirer fierté de faire en sorte que, quelle que soit la situation des enfants, la porte puisse s'ouvrir un jour sur l'avenir ! ».


1) Quelle est l'origine de votre proposition ?

J'ai proposé cet amendement visant à pénaliser l'inceste à l'occasion du vote par le Sénat d'une proposition de loi dont l'objectif est de renforcer la protection de l'enfant.

Le Sénat, en première lecture, l'a rejeté avec l'accord du gouvernement. L'argument était un risque d'invalidation par le Conseil Constitutionnel, comme cela s'était déjà produit en 2011. En effet, à la suite d'une loi votée en 2010 « tendant à inscrire l'inceste commis sur les mineurs dans le code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d'actes incestueux », le Conseil Constitutionnel a considéré que les liens familiaux permettant de qualifier les actes d'incestueux étaient insuffisamment précis.

C'est la raison pour laquelle la rédaction adoptée à ce jour, validée à l'unanimité par l'Assemblée Nationale, décrit l'inceste en se reportant à la définition des liens familiaux du code civil rendant impossibles le mariage ou le pacte civil de solidarité.

Ce texte devrait voir le jour avant la fin 2015 car, aujourd'hui, il existe un consensus sur le sujet.
La majorité a toujours été prudente sur la question de l'inceste.

Lors du vote de la loi relative à l'égalité femmes-hommes, j'avais tenté d'insérer cette pénalisation, mais les députés n'avaient pas souhaité dépasser le cadre précis du texte.

C'est pourquoi nous avons retravaillé sur cette question avec deux députés, Guy Geoffroy (Républicains) et Sébastien Denaja (PS) et avons soumis notre amendement dans le cadre de la proposition de loi sur la protection de l'enfance.


2) Comment avez-vous été sensibilisé à cette question ?

J'ai rencontré de nombreuses associations, des femmes ayant été victimes de tels actes et qui ont eu le courage de témoigner. J'ai aussi rencontré des médecins, des psychologues, des pédopsychiatres. J'ai pris conscience du fait qu'il faut une reconnaissance de ces violences afin qu'il puisse y avoir un jour réparation. Sans reconnaissance de l'inceste comme une infraction pénale à part entière, qu'il s'agisse de crime ou de délit sexuel, il n'y a pas de reconstruction possible pour les victimes. C'était une anomalie du droit français que nous avons corrigée.


3) L'inceste est-il un sujet tabou dans la société française ?

Il a toujours été difficile pour notre pays d'évoquer ce sujet peut-être en raison de nos racines judéo-chrétiennes.

Or, une femme sur dix serait victime de crimes sexuels. Ces crimes touchent toutes les strates de notre société, tous les milieux, les actifs comme les inactifs.

C'est pourquoi, personnellement, je n'établirais pas de lien entre la crise économique et une éventuelle recrudescence des actes incestueux.


4) Quelles seront les conséquences de cette pénalisation ?

J'espère qu'elle conduira à des prises de conscience.

Je souhaite aussi que ce texte de loi fasse l'objet de publicité de la part des associations concernées. Nous avons un devoir collectif et sociétal de faire passer le message.

Peut-être le gouvernement lancera-t-il une campagne de prévention et d'information, voire un numéro vert.
Si elle voit le jour, cette campagne n'aura certainement pas l'ampleur de celle visant à dénoncer les femmes battues en raison de notre pudeur à évoquer les faits sexuels se déroulant dans une cellule familiale.
Mais les moyens doivent être à la mesure du phénomène et de ses conséquences.


5) Quel message souhaitez-vous faire passer ?

Mon message va vers les victimes qui enfouissent leur douleur. J'espère pouvoir avoir ainsi oeuvré à leur travail de reconstruction. Elles en ont un immense besoin.

Propos recueillis par Solange Mulatier pour NEWS Press

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