Peut-on affirmer que le paracétamol augmente le risque cardiovasculaire ?

SFC - Société Française de Cardiologie - 10/05/2015 00:20:00


Début mars 2015, presque tous les médias grand public ont repris en boucle une information indiquant que le paracétamol à forte dose augmente le risque d'infarctus du myocarde. Sur quoi repose cette information ? Une telle conclusion est-elle valide ?

Cette information repose sur une étude parue le 2 mars 2015 dans une revue de rhumatologie. Alors que cette étude est, du fait de sa méthode, non concluante, pourquoi a-t-elle été portée en avant par toute la presse ? Probablement parce que le paracétamol est un des médicaments les plus consommés et ce, tant sur prescription qu'en automédication et probablement aussi parce que, dès qu'un support de presse cite une information la circulation circulaire de l'information fait que tous les autres supports la reprennent afin de ne pas être « en reste ». Qu'en est-il donc de l'étude citée et des craintes à avoir ou pas?

Afin d'évaluer les effets secondaires potentiels du paracétamol en utilisation prolongée, des auteurs anglais ont effectué une méta-analyse d'études d'observation, ou registres, ayant inclus des patients recevant du paracétamol et des patients n'en recevant pas. Les événements évalués, ayant servi à sélectionner les études étaient la mortalité totale, les événements cardiovasculaires, les événements indésirables gastro-entérologiques et les altérations de fonction rénale.

Les résultats de ce travail suggèrent que l'utilisation du paracétamol à forte dose et de façon chronique augmente chacun des risques étudiés par rapport à sa non utilisation. Ce qui tend à soutenir une relation de cause à effet est l'observation d'une relation dose-réponse pour chaque événement pris en compte : plus la dose prise de paracétamol était importante, plus la probabilité d'observer l'effet était importante. Les taux relatifs d'événements (très souvent repris dans la presse grand public) ne sont volontairement pas cités ici car leur valeur est limitée du fait de la méthode utilisée et du faible nombre de données sur lesquelles ils reposent.

Les auteurs ont précisé pourquoi ils ont choisi de faire une méta-analyse d'études prospectives et non d'essais thérapeutiques contrôlés (ETC) : par principe, les ETC inclus le plus souvent des patients sélectionnés et en nombre restreint, ne reflétant donc pas l'utilisation en pratique du paracétamol. Par ailleurs, ils ont une durée limitée, réduisant la possibilité de connaître les effets à long terme du paracétamol.

Les auteurs indiquent aussi et insistent sur les limites de leur méthode : des facteurs confondants ne peuvent être exclus, c'est-à-dire que, le fait de prendre de forte dose paracétamol et de façon prolongée peut aussi être associé à la prise d'autres traitements (comme des AINS par exemple) et/ou à des maladies qui portent en elles-mêmes le surrisque observé dans ce travail. Plus encore, les auteurs indiquent les autres limites de leur travail : le nombre d'études éligibles a été faible (8 sur 1888), toutes n'ont pu être exploitées pour chaque événement étudié, bien qu'elles ne soient pas des études randomisées, plusieurs de ces études ont compris une population sélectionnée (5 ont été menées chez des infirmières en bonne santé ou chez des médecins de sexe masculin)...

En résumé donc, pas de panique, mais pas de fausse réassurance non plus. Cette étude soulève une question plus qu'elle n'y répond : quels sont les effets à long terme sur la santé d'une consommation élevée et chronique de paracétamol, un des médicaments les plus consommés dans le monde ? Malgré une consommation massive de ce traitement, il n'est pas possible d'en connaître les potentiels effets indésirables à long terme car les moyens disponibles pour répondre à cette question sont imparfaits. En suggérant qu'une consommation chronique de fortes doses pourrait être nocive, cette étude incite d'une part à mieux évaluer le rapport bénéfice risque du paracétamol, si cela est possible, et à restreindre un usage prolongé à forte dose, tout en sachant que dans les situations cliniques justifiant un tel usage, il n'y a probablement pas d'alternative pharmacologique sans risque.

François Diévart