Maison d'arrêt de Nîmes : un détenu saisit la CEDH pour faire reconnaître l'indignité des conditions de détention

OIP - Observatoire International des Prisons Section française - 09/04/2015 09:55:00


Le 10 mars dernier, Francis R. incarcéré à la maison d'arrêt de Nîmes, saisissait la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), soutenu par l'OIP. Devant la haute juridiction européenne, il réclame de l'Etat français la mobilisation de moyens matériels et financiers pour faire cesser immédiatement les traitements inhumains et dégradants auxquels le soumettent ses conditions de détention dans cet établissement saturé. Avec 413 détenus pour 192 places, la maison d'arrêt de Nîmes est le 2e établissement le plus surpeuplé de l'hexagone.

Ouverte en 1974, la maison d'arrêt de Nîmes connaît une surpopulation structurelle et croissante. Une situation que n'ont de cesse de dénoncer, depuis des années, OIP, parlementaires, avocats, syndicats pénitentiaires et direction de l'établissement. Le taux d'occupation atteint aujourd'hui 215%. On dénombre environ 70 matelas posés au sol et jusqu'à quatre détenus dans de nombreuses cellules de moins de 9m2. A ce jour, aucune solution structurelle n'a encore été trouvée.

Vétusté, oisiveté, prise en charge déficiente : un cocktail explosif

Les derniers rapports d'activités et d'inspection de l'établissement pointent des cellules étroites, couvertes de moisissures, présentant des « défauts d'isolation thermique et d'aération », au point qu'en été il fait « 33° dans les cellules ». Un ancien directeur raconte qu'un de ses prédécesseurs a fait boucher les conduits d'aération des cellules au motif qu'ils servaient de cachette aux objets prohibés de certains détenus. Les travaux de réfection ont été réduits à minima en raison des contraintes budgétaires et le quartier hommes n'a pas été rénové depuis son ouverture, il y a 40 ans. Une situation qui, combinée à un taux de surpopulation élevée, accroît les risques sanitaires. Même constat pour les parties communes : les cours de promenade sont sales et dépourvues de tables et de chaises. Les parloirs, sous-dimensionnés, se résument à une grande salle de 40m2, crasseuse et sans le moindre dispositif de séparation garantissant l'intimité.

A cet état des lieux alarmant s'ajoute l'ennui. L'inflation de la population carcérale s'accompagne d'une réduction des activités socioculturelles. L'offre de formations rémunérées ou de travail a également considérablement baissé. En 2013, les dépenses consacrées à la réinsertion diminuaient, avec un budget de 195 000 euros contre 218 000 en 2012. Les détenus sont donc soumis à une oisiveté contrainte et un enfermement jusqu'à 22h par jour en cellule.

Dans un tel contexte, les conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation (CPIP) sont débordés. Avec cinq CPIP pour l'ensemble des détenus, le suivi des personnes est réduit à son strict minimum. En moyenne, le délai d'attente pour rencontrer un conseiller est de huit mois. Même constat du côté de la santé, où le manque de personnel (psychologue absent depuis près d'un an par exemple) a déjà été pointé du doigt par l'OIP.

Promiscuité alarmante et inactivité font régner un climat de stress et de violence qui touche les détenus comme les personnels. Le conseil d'évaluation mentionne également que « de nombreux incidents résultent des difficultés pour permettre à chaque détenu d'accéder journellement aux douches », en raison de leur capacité insuffisante (6 douches pour 80 détenus). Au point que la direction a pris la décision de réduire le nombre de douches autorisées : d'une par jour, elles sont passées à trois par semaine.

(...)