Fragmentation de l'Irak et droits des femmes

IFPO - Institut français du Proche-Orient - 19/03/2015 14:25:00


Depuis la prise de Mossoul par l'État Islamique en Irak et au Levant (Da'ech) en juin 2014, la division définitive du territoire irakien sur des bases ethno-confessionnelles - Kurdes au Nord, Arabes sunnites à l'Est, et Arabes chiites au Sud - semble inéluctable.

L'affaiblissement de l'État et l'implosion sociale et économique de la société irakienne remonte au moins aux bombardements de la coalition militaire menée par les Américains en 1991, à la campagne de répression menée par le régime ba'thiste de ses populations kurdes et chiites, doublée de la catastrophe humanitaire résultant de l'embargo économique qui fut imposé à sa population.

La chute du régime de Saddam Hussein, provoquée par l'invasion américaine de 2003, a plongé l'Irak dans une violence opposant notamment les populations arabes sunnites et chiites et un chaos politique sans précédent.

L'Irak n'a jamais été aussi fragmenté que depuis l'invasion américaine. L'administration américaine a, dès les premières années de l'occupation, institutionnalisé cette fragmentation en érigeant un système politique reposant sur des bases ethno-confessionnelles. Elle a pris une forme très concrète dans la division du territoire (partiellement occupé par Da'ech depuis l'été 2014), ainsi que dans la vie des Bagdadis dont la plupart vivent entre les murs de quartiers divisés entre sunnites et chiites. Mais il existe aussi une réalité de cette fragmentation souvent négligée : sa dimension de genre.

Dès les premiers mois de l'occupation menée par les Américains, des islamistes conservateurs chiites ont proposé, lors d'une réunion du Gouvernement intérimaire irakien en décembre 2003, de recomposer le Code du Statut Personnel irakien sur une base communautaire, à l'image du Code du Statut Personnel libanais. Cette proposition, une première depuis l'instauration de la République irakienne, le 14 Juillet 1958, avait été justifié par Abdel Aziz al-Hakim, leader du Haut Conseil islamique d'Irak, l'un des principaux partis islamistes chiites arrivé au pouvoir avec les forces américaines, comme une expression de la liberté de croyance qui, selon lui, avait été brimée sous l'ancien régime.

Il s'agissait, en réalité, de l'affirmation du caractère chiite de l'identité irakienne revendiquée par un groupe communautaire et politique ayant subi discrimination et répression violente de l'ancien régime. Suivant cette proposition, le Code du Statut Personnel - correspondant à la loi n° 188 élaborée en 1959, régissant les affaires privées (mariage, héritage, divorce, etc.) regroupant l'essentiel de la législation concernant les droits des femmes - ne serait plus appliqué de manière unifiée à tous les citoyens irakiens. Un code spécifique pour les chiites serait ajouté, offrant ainsi le droit à chaque communauté de réclamer son propre code.

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