Merkel ou Tsipras ? Vertus et réussites de l'ordolibéralisme allemand

Institut Thomas More - 11/03/2015 13:30:00


Comme à l'accoutumée, la sphère politico-intellectuelle française a accueilli avec sympathie les revendications du nouveau gouvernement grec et critiqué le moralisme des conceptions économiques allemande. Bien au contraire, la situation économique française nous invite à redécouvrir les vertus de l'ordolibéralisme allemand.

Encline au sinistrisme et au laisser-aller économique, la sphère politico-intellectuelle française a accueilli avec une certaine sympathie les revendications d'Alexis Tsipras et du nouveau gouvernement grec. Alors que l'Eurogroupe négociait avec son ministre des finances, les sempiternels commentaires sur la « rigidité » d'Angela Merkel, la « raideur » de Wolfgang Schäuble et le supposé moralisme économique allemand ont, comme à l'habitude, animé le débat français. Au vrai, les réussites de notre voisin allemand, allié et partenaire, devraient plutôt appeler l'attention sur les vertus de l'« ordolibéralisme ». École de mesure et de modération, sous-tendue par une réflexion métaphysique, cette version éthique et volontaire du libéralisme est une source d'inspiration pour un authentique programme de réformes économiques et sociales.

L'École de Fribourg et le libéralisme germanique

Dans une nation tardivement unifiée sur le plan politique (voir le thème de la Verspätete Nation), dominée par l'École historique, le « socialisme de la chaire » et des formes oligopolistiques de capitalisme à l'abri d'importants tarifs protectionnistes, les auteurs libéraux français et britanniques faisaient office de repoussoir. Le phénomène était renforcé par l'idée du Sonderweg, c'est-à-dire d'une voie spécifique entre l'Occident anglo-français, présenté comme utilitariste et marchand, et le monde slave-orthodoxe, considéré comme arriéré. Sous la plume de Werner Sombart, l'un des ultimes représentants de l'École historique, le libéralisme était réduit à une idéologie bourgeoise, en des termes très proches de ceux du marxisme.

Les percées scientifiques et leurs applications techniques, le développement rapide d'une deuxième révolution industrielle et le dynamisme extérieur du « Made in Germany » semblaient valider le modèle de puissance qui, dans toutes les sphères d'activités, portait l'Allemagne. Une fois atteint le rang de première puissance industrielle européenne, ses dirigeants entendent projeter leur puissance sur mer et au-delà des océans.

Le primat de la voie armée, et d'une économie de force, sur la possibilité d'une mondialisation ouverte, est au point de départ de l'une des lignes causales qui expliquent le déclenchement de la Première Guerre mondiale (il y en a d'autres, dont la politique russe dans les Balkans et le soutien sans ménagement de Poincaré à Saint-Pétersbourg).

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Par Jean-Sylvestre MONGRENIER, chercheur associé à l'Institut Thomas More