Islam, islamisme, fondamentalisme...Qui nomme ? les journalistes, les chercheurs ou les acteurs ?

IFPO - Institut français du Proche-Orient - 27/01/2015 15:10:00


27 décembre 2014 - C'est dans le cadre d'une thèse de doctorat (Duarte 2014) sur le réformisme musulman contemporain, que s'est posée à nous la question difficile de la terminologie appliquée aux auteurs réformistes musulmans depuis les indépendances, et plus généralement, aux qualificatifs employés à l'endroit des acteurs de l'islam contemporain. Nous tenterons ici d'en rendre compte et d'apporter une esquisse typologique raisonnée facilitant la compréhension des phénomènes qu'ils tentent de recouvrir.

Le brouillage terminologique médiatique

La profusion des discours autour du « phénomène-islam », par les différents types de médias, n'encourage guère ni les précautions méthodologiques ni la distinction des niveaux d'analyse. Cette situation, que l'on ne retrouve pas à l'identique pour d'autres religions, obscurcit l'objet en question plus qu'elle ne clarifie des phénomènes pourtant déjà difficiles à saisir. En effet, considérer comme des quasi-synonymes des qualificatifs tels qu'islamisme, fondamentalisme, intégrisme, extrémisme, traditionalisme, radicalisme, terrorisme, ne peut que brouiller une piste déjà fort complexe, a fortiori pour le non-initié. Il suffit pour s'en convaincre de se plonger durant une seule journée dans les bulletins d'informations internationaux, qu'ils soient sous format papier, audiovisuel ou électronique, rendant quasiment impossible la tâche de trouver une cohérence à chacun de ces termes. Cette constatation fut le point de départ de notre réflexion.

En revanche, ces éléments se compliquent lorsque les acteurs eux-mêmes et leurs contradicteurs se réapproprient une part de cette terminologie, à titre d'exemple, le mot « islamiste » (islami) est désormais et depuis bien longtemps usité couramment dans le monde arabe - et plus généralement dans le monde musulman - par l'ensemble des mouvements qui font une lecture politique de l'islam et qui aspirent, selon des modalités diverses et variées, à participer au pouvoir. Les observateurs de ces mouvements reprennent cette même terminologie, pour les écrits francophones il suffirait de citer - de manière non exhaustive - François Burgat (1988, 2010), Gilles Kepel (2000), Olivier Roy (2008 et 2011), Nilüfer Göle (2003 et 2005) et d'autres. Il ne s'agit bien sûr pas de remettre en cause la légitimité scientifique de ces travaux mais plutôt d'interroger un fait paraissant somme toute « naturel » de par son extrême récurrence mais qui pose question, ne cessant de nous interpeller durant la rédaction de notre travail de recherche. En ce domaine, le discours médiatique tend à prédominer sur le discours scientifique. En effet, si ce dernier transmet et impose un certain cadre conceptuel au premier (« déconstruction », « héritiers », « travail/capital », etc.), l'inverse semble désormais relever de la norme.

Par Steven Duarte

+...