Disparition de Jacques Baguenard

Blog de Jean-Jacques Urvoas - 25/12/2014 13:20:00


Publié le 22 décembre 2014 par Jean-Jacques Urvoas

Ce fut un de mes modèles. Et si j'ai le privilège d'avoir comme métier celui d'enseignant, c'est en partie à lui que je le dois. C'est donc avec une infinie gratitude et une profonde tristesse que j'écris ces lignes à l'occasion de son décès.

Jacques Baguenard avait le perpétuel souci de la pédagogie mais sans que cela ne le conduise à réduire ses exigences universitaires. Amoureux de la belle langue, il possédait ce rare talent de ciseler des formules courtes et incisives qui faisait le miel de ses cours et qui transformait la prise de notes de ses cours en un moment de plaisir. Jacques avait un sens inégalé de la nuance.

Dans son amphithéâtre, les turpitudes de l'Etat avaient la puissance d'un Château-Pétrus, l'onctuosité ronde d'un Château-Margaux et l'élégance pétillante d'un champagne Ruinard. Et sa Vème République rebondissait en quelques scènes ou moments délicieusement ourlés, délicatement perlés et subtilement analysés.

Son style vif et précis promenait avec ravissement les étudiants à travers l'histoire de notre pays dans sa dimension politique mais aussi sociétale. Il aimait la politique, considérait ses acteurs avec respect et savait écrire sur ceux avec une particulière gourmandise acidulée. Cela le conduisit à tenter des incursions de l'autre côté du miroir où les succès furent moins nombreux qu'à l'université. Pour autant, il fut un candidat qui jamais ne sombra dans la petitesse ou la méchanceté. La mesquinerie lui était étrangère.

Jacques disparaît. Des générations d'étudiants en droit partagent nécessairement une nostalgie. Il était de ces profs pour qui on acceptait de sortir du lit le vendredi matin pour ne pas rater son cours pourtant fixé à 8 h ! D'autres pourront le découvrir dans ses livres. Notamment dans « L'Univers politique » son premier livre publié aux PUF en 1978 ou dans »Les drogués du pouvoir » paru en 2006 chez Economica.

Jacques s'est éteint. Il fut mon prof, mon directeur de thèse, mon collègue et j'espère un peu mon ami. J'espère que ces quelques pauvres lignes donneront comme un hommage profondément affectueux et reconnaissant. Il m'a appris tellement et notamment une certaine conception du service public de l'enseignement supérieur.




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Rapport de la Délégation Parlementaire au Renseignement

Publié le 18 décembre 2014 par Jean-Jacques Urvoas

Après l'instauration par la Loi de programmation militaire de capacités de contrôle des services de renseignement, la Délégation parlementaire au renseignement (DPR) rend public son premier rapport de contrôle.

Au cours de l'année 2014, la DPR s'est réunie à 14 reprises et a conduit 31 auditions pour élaborer 105 préconisations autour de 5 thèmes : le renseignement économique et financier ; le cadre juridique des activités de renseignement ; les ressources humaines des services de renseignement ; la réforme du renseignement intérieur ; le monde après les révélations d'Edward Snowden.

Nous avons souhaité en particulier mettre l'accent sur le renseignement économique et financier en raison de sa trop faible prise en compte dans la politique publique du renseignement, de sa marginalité au sein d'une culture du renseignement encore embryonnaire dans notre pays et du réel déficit d'organisation administrative du ministère de l'Economie et des Finances alors même que le pillage économique n'a jamais été aussi prégnant.

Pour se prémunir contre ces ingérences qui sont aussi légales, il est devenu impératif de disposer d'une législation nationale protégeant le secret des affaires que j'appelle de mes voeux. En outre, il est nécessaire d'ériger Tracfin en véritable pôle du renseignement économique et financier. Enfin, il est souhaitable que nos services de renseignement puissent diffuser la production qui pourrait être utile à certaines de nos entreprises.

La DPR milite également en faveur de l'élaboration d'une loi spécifique au renseignement précisant tant les missions des services, que les techniques spéciales potentiellement mises en oeuvre pour assurer ces missions, les contrôles induits, la protection juridique des fonctionnaires du renseignement et les voies de recours pour nos concitoyens...

Nous avons souhaité en outre réaliser un bilan de la réforme du renseignement intérieur qui s'avère satisfaisante même si la prédominance de la lutte contre le terrorisme ne doit pas faire oublier la lutte contre l'espionnage ou les impératifs de sécurité économique.

Toutefois, la DPR repousse les accusations phantasmatiques portées contre la DGSE que d'aucuns soupçonnent de se livrer à une surveillance généralisée. La DPR a rappelé que notre pays n'en avait ni la capacité juridique, ni la capacité financière. Elle exhorte ainsi le Gouvernement à poursuivre les investissements consacrés à ce domaine afin que notre pays préserve son autonomie stratégique et, par ce biais, les intérêts fondamentaux de la Nation.