Ebola : mise en évidence de mécanismes moléculaires impliqués dans la virulence du virus

FRM - Fondation pour la Recherche Médicale - 10/12/2014 14:30:00


Le virus Ebola est au coeur d'une épidémie sans précédent responsable de la mort de près de 6 000 personnes en 9 mois depuis mars 2014.
- Il n'existe pour le moment aucun traitement curatif de la maladie, et la recherche redouble d'intensité pour en développer.
- Viktor Volchkov et son équipe ont réalisé une avancée considérable dans la compréhension des mécanismes à l'origine de la dangerosité de ce pathogène : une cible d'intérêt pour la mise au point d'une thérapie ?

Ebola : un virus redoutable

Le virus Ebola a fait son apparition en 1976, simultanément au Soudan et en République Démocratique du Congo. Il est depuis régulièrement responsable d'épidémies, la plus importante étant apparue en mars 2014 : 9 mois plus tard, le bilan est d'environ 6 000 décès en Afrique de l'Ouest.
Cet agent infectieux est l'un des plus virulents que l'on connaisse. Le virus a besoin d'une période d'incubation variant de 2 à 21 jours, au cours de laquelle le patient n'est pas contagieux et ne ressent aucun symptôme. Apparaissent ensuite des signes non spécifiques (douleurs musculaires, fièvre, maux de tête...), puis des symptômes plus caractéristiques comme des vomissements, des diarrhées, une éruption cutanée et, dans certains cas, des hémorragies internes et externes.
La prise en charge de la maladie est aujourd'hui principalement basée sur le traitement des symptômes : 1 personne sur 2 infectée par le virus Ebola meurt de la maladie. Il est donc urgent de développer de nouveaux moyens de lutter contre la maladie. L'équipe dirigée par Viktor Volchkov a réalisé une belle avancée sur le sujet, en découvrant un mécanisme essentiel impliqué dans deux critères de dangerosité du virus : l'inflammation généralisée et les hémorragies au niveau des vaisseaux sanguins.

La protéine shed GP en ligne de mire

Jusqu'à présent, les mécanismes moléculaires impliqués dans la haute dangerosité du virus Ebola étaient méconnus. Les chercheurs se sont intéressés à une protéine soluble synthétisée par le virus lors de l'infection : la protéine shed GP, qui dérive de la protéine virale GP. Afin de comprendre son rôle dans les symptômes déclenchés par le virus, ils ont testé ses effets sur des cellules humaines en culture.

La protéine shed GP provoque une réaction immunitaire démesurée...

Tout d'abord, l'équipe de Viktor Volchkov a montré que la shed GP, se formant après découpage de la protéine GP par une enzyme naturellement présente dans l'organisme, est capable de se fixer à la surface de deux cellules importantes du système immunitaire : les macrophages (responsables de la dégradation non spécifique des microbes et débris cellulaires) et les cellules dendritiques (capables de déclencher la réponse immunitaire). En retour, ces cellules immunitaires libéreraient des molécules dans la circulation qui induiraient un phénomène inflammatoire généralisé. Une donnée importante, car cette inflammation est à l'origine des fièvres caractéristiques de la maladie, mais également des dysfonctionnements au niveau de certains organes. Développer une molécule capable d'inhiber cette liaison de shed GP sur les cellules immunitaires pourrait réduire l'inflammation liée au virus Ebola.

...et altère la paroi des vaisseaux sanguins

Les chercheurs ont également montré que la protéine shed GP a une action sur les cellules qui tapissent la paroi des vaisseaux sanguins. La protéine pourrait ainsi altérer la structure des vaisseaux : la perméabilité occasionnée pourrait expliquer les hémorragies observées chez les patients.
Ainsi, développer des stratégies visant directement les mécanismes régis par la protéine shed GP pourrait s'avérer essentiel dans la lutte contre le virus Ebola : un espoir pour contrer une épidémie responsable chaque jour de nouveaux décès.
Le projet de Viktor Volchkov a été sélectionné en 2009 par le Conseil Scientifique de la Fondation pour la recherche Médicale, qui lui a attribué un financement de 300 000 euros ayant grandement participé à l'obtention de ces résultats.

Source : Escudero-Pérez B, Volchkova VA, Dolnik O et al. Shed GP of Ebola Virus Triggers Immune Activation and Increased Vascular Permeability. PLoS Pathog 2014 ; 10 : e1004509.