Immigration : « nous avons des intérêts, mais aussi une responsabilité »
L'afflux de réfugiés et de demandeurs d'asile en Allemagne et en Europe est un mouvement durable. Pour le ministre allemand de l'Intérieur, Thomas de Maizière, il est clair qu'aucun pays ne peut accueillir une immigration incontrôlée. Mais, d'un autre côté, offrir un refuge aux victimes de persécutions « fait partie de notre responsabilité dans le monde et de notre devoir en tant qu'êtres humains ». M. de Maizière s'efforce donc de trouver un équilibre entre ces deux exigences. Il table aussi sur des solutions européennes.
Vers un afflux durable de réfugiés
Le ministre en fait ainsi le constat dans une récente interview : « Nous avons près de 50 millions de réfugiés à l'échelle mondiale, c'est le chiffre le plus élevé jamais enregistré depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. » Dans ces conditions, « nous n'allons pas connaître, en Allemagne, une forte poussée migratoire suivie d'un reflux rapide. Nous devons nous attendre à recevoir un grand nombre de demandeurs d'asile et de réfugiés pendant plusieurs années ».
Le ministre salue à cet égard l'ouverture dont fait preuve la population allemande. « [Sa]capacité d'accueil est très élevée, bien plus qu'au début des années 1990 », se félicite-t-il. Mais M. de Maizière est conscient des limites de cette ouverture. « Elle ne perdurera que si les citoyens ont une impression de justice ».
Aucun pays du monde ne peut accepter tout le monde
Cela a pour lui un sens très clair : « cela signifie que les victimes de persécutions politiques doivent obtenir le droit l'asile, mais que ceux qui ne sont pas persécutés ne peuvent pas rester ici plus longtemps. » « Aucun pays au monde » n'accepte tous ceux qui arrivent sur son sol, ajoute-t-il. « Cela dépasse les capacités de tout pays ».
M. de Maizière dit ainsi refuser de se voiler la face. « Il est à mes yeux totalement erroné de faire du thème des réfugiés un tabou, ou bien, à l'inverse, de faire comme si l'accueil d'un grand nombre de réfugiés ne posait pas de problème. Bien sûr que c'est un problème quand, du jour au lendemain, vous avez dans une classe trois ou quatre élèves qui ne parlent pas la langue, et ne savent ni lire, ni écrire. [...] Poser ces questions critiques ne fait pas immédiatement de vous un extrémiste de droite », dit-il.
Accueillir les victimes de persécutions, une responsabilité et un devoir
Pour autant, M. de Maizière rejette l'idée que l'Allemagne pourrait devenir une sorte de grande Suisse prospère et imperméable aux évolutions du monde. « Ce n'est ni possible, ni responsable, même si cela semble en séduire certains », affirme-t-il. « Je dis aux gens : offrir un refuge à ces victimes de persécutions fait partie de notre responsabilité dans le monde et de notre devoir d'être humain. Ceux qui fuient la guerre civile en Syrie ou en Irak ont souvent vécu des choses terribles. Ce sont vraiment des peuples éprouvés ».
Thomas de Maizière Ministre allemand de l'Intérieur (23.11.2014) : « Nous ne pouvons pas régler tous les problèmes du monde. Nous ne pouvons pas, parce que nous sommes un pays riche, accueillir toutes les personnes qui viennent vivre en Allemagne pour des motifs économiques. Nous avons nos propres intérêts, et nous avons le droit de les formuler et de les défendre. Cependant, nous avons aussi une responsabilité humanitaire. L'objectif de ma politique est d'établir un équilibre raisonnable entre les deux ».
Pour faire face à cette responsabilité, M. de Maizière compte aussi sur l'Europe. « Nous devons parvenir à une meilleure répartition des réfugiés en Europe », souligne-t-il. Le ministre allemand refuse qu'un certain nombre d'États ne participent pas à cette « solidarité européenne ».
Le Conseil des ministres européens de l'Intérieur vient ainsi de prendre des décisions en ce sens. La Commission doit maintenant faire des propositions pour leur mise en oeuvre. Dans la répartition, il faudra tenir compte de la population des États et la puissance de leur économie, souligne M. de Maizière. Selon lui, une agence européenne pourrait être chargée de gérer ces questions de répartition.
Enfin, le ministre évoque des solutions plus globales, actuellement en discussion au sein de l'UE. « Nous envisageons de créer des centres dans les pays de transit, par exemple avec l'aide du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés », explique-t-il.
« À partir de là, nous essayerions, d'une part, de faire venir ces gens en Europe de manière légale. Et, d'autre part, il s'agirait de leur faire comprendre qu'ils n'ont aucune chance d'obtenir l'asile en Europe s'ils ne viennent que pour fuir la pauvreté. Par ailleurs, une aide concrète leur serait offerte pour construire une nouvelle vie, grâce à des programmes d'installation, au financement d'écoles dans les pays d'origine ou bien encore au financement du voyage de retour ».